RÉSUMÉ DES CHAPITRES PRÉCÉDENTS
Le narrateur s’est lancé dans l’exploration de la mystérieuse maison aux 30 portes où demeure un certain professeur Gaultier qui a réussi à entrer en contact avec des univers inconnus co-existant dans l’espace. Les héros de l’histoire ont ouvert la 6e porte et ont pénétré dans une forêt à la végétation inconnue. Là, une étrange population d’hommes de verre était terrorisée par le professeur Gaultier. Celui-ci est capturé par les héros de l’histoire, mais il parvient à leur échapper. Il est tué, et les héros de l’histoire restent prisonniers au pays de la 4e dimension. Ils se lancent dans l’exploration du pays des hommes de verre. Ils finissent par découvrir les ruines d’un étrange chemin de fer électro-magnétique qui semblent les vestiges d’une civilisation disparue.
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« Travaillant en coordination, les bureaux de Biologie (rattachés à la Chimie) et de la « Mémoire initiative » (rattachés à la Magnétique) mirent au point une invention qui, pensaient les quatre autres maîtres de la Science (je fus laissé en dehors de l’affaire), devait résoudre le problème ouvrier. Il y a aujourd’hui 30 ans, jour pour jour, que fut mis au point le premier homme d’acier, le premier robot à réflexes, la brute mécanique due au génie de l’homme et qui devait être sa perte.
Imaginez un être mi-chair, mi-métal. Il y a longtemps que les travaux de nos biologues nous avaient renseigné exactement sur les mécanismes du corps humain. Le but des créateurs du robot (ce terme vint assez rapidement désigner uniquement l’homme mécanique) était de se rapprocher le plus possible de ce corps, le nôtre. La vivisection sur les ouvriers fut pratiquée sur une grande échelle. Et le monstre jaillit tout armé des laboratoires avec ses os en acier au chrome molybdème, son diaphragme d’argent, ses muscles, prélevés sur des cadavres, gainés de soie, son cœur pompe électrique refoulant, dans une circulation de caoutchouc fin, un plasma riche, scientifiquement étudié pour éviter tout ennui, tout entretien. Les mains furent des outils adaptés à toutes les besognes, et même au meurtre. Le cerveau fut moitié mécanique, moitié humain, parcouru de fils électriques et de nerfs. C’était parfait et horrible. Les premiers robots donnèrent toute satisfaction. On en entreprit la construction en série. Il y en eut des milliers adaptés à toutes les besognes, obéissants, rapides, précis, effrayants. Dans mon laboratoire, les manœuvres disparurent, furent remplacés par des robots. Je m’en étonnai. On me dit qu’ils travaillaient mieux, avec plus de précision, et qu’eux, au moins, ne chercheraient pas à prendre ma place. J’acceptai cette explication. La vérité était bien plus horrible. On avait entrepris l’extermination massive des ouvriers. Le président des Études Chimiques avait lancé le mot d’ordre. Le cyanure et le (mot inconnu ici…) noyaient des vallées entières. J’appris cela trop tard et protestai, faiblement d’ailleurs, contre ces cruautés.
« Ils n’ont pas su saisir leur chance… me répondit-on au Conseil. Nous ne faisons rien de mal. C’est la loi de la vie. Nous n’avons plus besoin d’eux. Bouches inutiles, réclameurs incessants, primitifs incultes ; bon débarras… Les robots les remplacent avantageusement.
– Mais vos automates à mémoire, dis-je, vous leur avez appris à tuer, appris qu’ils étaient plus forts que les hommes. Ne craignez-vous pas qu’un jour, la paix revenue soit pour eux une cause de zèle ? »
On me considéra comme un doux gâteux. Je sais même que ma liquidation fut un moment envisagée. Mais mes travaux pour entrer en contact avec les mondes voisins étaient trop avancés, trop délicats pour qu’on puisse me remplacer sans mal. J’échappai au danger pour cette fois encore. Mais la situation me semblait sombre, très sombre. Tharitamp avait clamé avant sa mort :
« Notre race, comme les autres, doit s’adapter ou disparaître. Entre les forces du bien et du mal est engagée une course dont le but est le sauvetage de la civilisation. Les dernières découvertes, si remarquables soient-elles, n’ont fait qu’accélérer la cadence. Ou l’homme triomphera, ou la société (un mot incompréhensible que je ne puis traduire que par fasciste…) sera transformée, et le travailleur prendra la place qui lui est due, ou les parasites vaincront, appuyés par les machines, et ce sera la fin de toute forme d’art et de science, car art et science sont avant tout matière d’idéal, et vous, les meneurs, les (bourgeois?), ne savez pas ce qu’est un idéal… »
Je repensai aux paroles de Tharitamp et songeai que la course était prête de s’achever. Les parasites gagnaient ; la vitesse augmentait sans cesse la glissade à l’abîme. Trois, quatre mille hommes peut-être au maximum demeuraient, savants techniciens, artistes, une aristocratie de la pensée toute tournée vers la puissance face à une dizaine de milliers de robots qui subvenaient à tous les besoins de notre existence. »
(À suivre)
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(H. Bourdens, in Le Petit Marocain, trente-septième année, n° 10166, jeudi 17 mars 1949 ; ce très curieux roman « fantastique, » sur le thème des autres dimensions, n’a jamais été publié en volume ; il est précédemment paru dans L’Avant-Garde, organe central de la Fédération des jeunesses communistes de France, à partir de septembre 1946)
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(in Ce Soir, grand quotidien d’information indépendant, dixième année, n° 1549, vendredi 6 septembre 1946)


