Les sirènes ont-elles existé ? C’est la question posée par Paul-Yves Sébillot dans le curieux ouvrage qu’il vient de publier chez Payot : Le Folklore de la Bretagne.

L’auteur cite un ensemble de faits et de témoignages assez troublants sur les apparitions et les mœurs de ces êtres étranges, énigmatiques et gracieux.

« En Bretagne, écrit-il, la tradition fait remonter l’origine des sirènes à la fille du roi Grallon, jetée à la mer par son père, sur l’ordre de saint Guénolé, pour avoir vendu la ville d’Ys au diable. dans la seconde moitié du Ve siècle. La fille de Grallon fut changée en sirène. On l’affirme, au cap Sizun, où on l’appelle Marie du Cap, et sur la côte trégorroise, où l’on dit que toutes les sirènes sont nées de celle-là. »

Au cours des siècles, les apparitions des sirènes furent nombreuses en Bretagne. En 1895, les habitants de Plounéour-Trez, près de Lesneven, dans le Finistère, furent réveillés une nuit par les lamentations d’une femme marine agonisant sur la grève. Les soins qui lui furent aussitôt prodigués ne parvinrent pas à la sauver, et elle expira dans les bras d’un pêcheur. On lui creusa un trou dans le sable et on l’y déposa, avec une croix plantée sur le tertre. Mais le curé de Plounéour, indigné du sacrilège, fit déterrer de nuit le cadavre et jeter les restes à la mer…

Selon Paul-Yves Sébillot, les sirènes n’étaient pas des créatures redoutables aux hommes. Il s’élève contre la croyance, encore répandue, qu’un ouragan s’élève si un marin a le malheur de voir une sirène nue. « La plupart des récits de pêcheurs témoignent que, loin d’être méchantes, les sirènes récompensaient magnifiquement celui qui les laissait retourner à la mer. Si des sirènes cherchaient à attirer des jeunes gens, de préférence beaux et solides, ce souci peut s’expliquer par la nécessité où elles se trouvaient de rénover leur race. »

Après cette engageante hypothèse, il y a des chances pour que l’ouvrage de Sébillot devienne, cet été, le livre de chevet de tous les baigneurs.
 
 

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(Anonyme, in La Presse, septième année, n° 275, semaine du 17 au 23 février 1951)