Il y a quelques semaines, le professeur Stanislas Meunier recevait de différents correspondants dignes de foi, habitant la Colombie, des relations concordantes, touchant la découverte d’un animal fabuleux, un plésiosaure peut-être, monstre à tête de cheval, à cou de serpent, à crête dorsale particulièrement développée, que des riverains déclarent avoir vu apparaître et plonger dans les marais du centre colombien.

Le plésiosaure colombien, nous ont appris de plus récentes informations, n’est en réalité qu’un glyptodon. Tout le monde de se demander : qu’est-ce qu’un glyptodon ? Les savants nous renseignent en nous disant que cet hôte mystérieux du lac des Andes, qui ressemble à un tatou et a la taille d’un bœuf, appartient à une espèce qui vivait à l’époque quartenaire, c’est-à-dire il y a environ un million d’années. Le professeur Onelli ayant organisé une expédition pour identifier le monstre, espérons qu’il pourra bientôt nous donner des renseignements intéressants, qui ne seront pas une déception pour la curiosité éveillée des petits et grands amateurs d’animaux fabuleux, fantastiques et légendaires.

Chaque fois qu’un journal imprime une petite histoire qui met en scène le gigantesque et énigmatique serpent de mer, il est sûr de captiver l’intérêt d’un grand nombre de ses lecteurs. Tous les voyageurs ont aperçu ce monstre des profondeurs marines, lorsqu’il venait respirer à la surface de l’océan. Mais, même avec des détails circonstanciés et des formules pleines de foi qui voudraient être convaincantes, comment croire des récits sans témoignage ? N’est-ce pas Miss Rider Haggard, la fille de l’écrivain connu, auteur de She, dont on a tant parlé à propos de L’Atlantide de M. Pierre Benoît, n’est-ce pas Miss Rider Haggard qui à la fin de juillet 1912 publia, dans l’Eastern Daily Press, un récit fort sérieux de sa rencontre avec le serpent de mer ? Le serpent, d’une longueur immense, nageait avec une rapidité « terrifiante » ; il présentait « une trentaine d’anneaux qui allaient en décroissant vers la queue. » Puis il disparut brusquement.

L’animal fabuleux type de tous les âges et de tous les pays, c’est le dragon. Il a comme adversaires, dans les légendes chrétiennes, Saint-Michel, Saint-Georges et Sainte-Marguerite. Tous les peuples d’Extrême-Orient le craignent et le vénèrent. Il est statufié de mille façons différentes et, les jours de fêtes, on promène son effigie immense du matin au soir. Le dragon change de nom suivant les époques et les contrées. Une des incarnations les plus anciennes est l’Hydre aux neuf têtes, animal qui sème la terreur et que tua Hercule. Les autres sont la Tarasque, la Gargouille, le Pauly, la Salamandre, la Manicorne.

La Tarasque habitait le Rhône et les forêts immenses qui couvraient les rives du fleuve. On célèbre toujours la fête de la Tarasque, animal amphibie, à Avignon et à Tarascon. À la fin du siècle dernier, spécialement dans les campagnes du centre, on croyait encore au loup-garou, bête mystérieuse et d’une méchanceté sans égale, dont les anciens eux-mêmes racontaient et redoutaient les exploits. Hérodote, Virgile, Pline, Strabon et, plus tard, Saint-Jérôme et Saint-Augustin ont cru à son existence. Hérodote écrit : « Il paraît que les Neures sont des enchanteurs ; s’il faut en croire les Scythes et les Grecs établis en Scythie, chaque Neure se change une fois par an en loup, pour quelques jours, et reprend ensuite sa première forme. » Car, vous le savez sans doute, le loup-garou n’est pas un loup réel ; c’est un être humain, qui, pour un temps plus ou moins long, afin d’accomplir de terribles méfaits et assouvir de sanglantes vengeances, a pris l’apparence d’un animal.

Voulez-vous, entre bien d’autres, une histoire de loup-garou ? Celle-ci est tirée des vieilles chroniques d’Auvergne. On dit qu’un vieux chasseur, connu par son adresse et intrépidité, au moment de partir pour une nouvelle expédition, fut appelé par le châtelain du pays qui lui demanda de lui montrer au retour sa gibecière et le butin qu’elle contenait. Le chasseur fut étonné mais promit. Et voilà que tout à coup, à l’orée du bois, il vit venir de son côté un loup de forte taille qu’il tira et qu’il manqua. La bête furieuse se jeta sur lui ; il saisit son couteau de chasse et lui trancha la patte droite. Le loup, hurlant, prit la fuite. Le vieux chasseur raconta le soir son aventure au châtelain qui voulut voir la patte coupée. Horreur ! La patte dans la gibecière s’était changée en main de femme, portant à un des doigts un anneau que le châtelain reconnut pour appartenir à son épouse. Il se rendit aussitôt dans les appartements de cette dernière, l’obligea à dégager son bras droit qu’elle tenait caché et il vit qu’elle avait, en effet, la main coupée. Livrée à la justice, cette femme loup-garou fut brûlée vive.

Voilà une des nombreuses légendes de lycanthropie, métamorphose d’hommes en loups, sujet passionnant au Moyen Âge puisque plusieurs écrivains de cette époque : Claude Prieur, Beauvoys de Chauvincourt, Le Loyer, Bodin, etc., ont écrit des ouvrages fantastiques, terrifiants et d’une naïveté extraordinaire, sur les crimes commis par les loups-garous.

Un chroniqueur nous dit que le mois de février était celui des lycanthropes. À ce moment de l’année, – toujours au Moyen Âge, – la maladie devenait quelquefois épidémique. C’est du moins la conclusion qu’il faut tirer de certains récits, consignés de bonne foi par des écrivains sincères, et en particulier de l’étrange cas de folie collective qui se produisait en Livonie, où les gens des villages se rassemblaient à un mystérieux appel et, se croyant tous changés en loups, parcouraient les campagnes en hurlant jusqu’au moment où ils tombaient épuisés sur la terre.

On a longtemps parlé de la Bête du Gévaudan qui, en 1764, terrorisa une province entière et contre laquelle, dit-on, plus de vingt mille hommes prirent les armes inutilement. Une bergère qui survécut à une attaque de la terrible bête, dont les victimes dépassaient déjà la soixantaine, fit d’elle un portrait qui peut se résumer ainsi : « Elle avait le poil rougeâtre avec sur le dos une barre noire depuis les épaules jusqu’à la queue ; la tête énorme et assez semblable à celle d’un cochon, la gueule toujours béante, les yeux étincelants, les oreilles courtes et droites, comme des cornes ; le poitrail blanc et fort large, la queue longue et fournie, avec le bout blanc et très gros ; les pattes de derrière fort grosses et fort longues, celles de devant plus courtes et couvertes d’un long poil ; six griffes à chaque patte. » Certains disaient que les pieds de derrière étaient garnis de sabots, comme ceux d’un cheval.

La bête du Gévaudan fut tuée par Jean Chastel. On l’envoya à Versailles pour y montrer la dépouille au roi, puis à des savants. Par malheur, la chaleur amena pendant le trajet une telle putréfaction qu’à l’arrivée, il fallut enfouir la bête sans l’examiner. On assure pourtant que Buffon la vit et déclara que ce n’était qu’un énorme loup.

Si le plésiosaure colombien, déjà diminué en glyptodon, n’était qu’une énorme grenouille ?…
 
 

 

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(Paul-Louis Hervier, « L’Actualité, » in Le Progrès de la Côte-d’Or, journal républicain quotidien, cinquante-quatrième année, n° 135, lundi 15 mai 1922 ; in Écho du Nord, cent quatrième année, n° 135, lundi 15 mai 1922 ; in Grand Écho du Nord et du Pas-de-Calais, cent quatrième année, n° 137, mercredi 17 mai 1922 ; in La Dépêche républicaine de Franche-Comté, vingt-septième année, n° 8944, dimanche 28 mai 1922 ; « Variétés, » in Mémorial de la Loire et de la Haute-Loire, soixante-dix-huitième année, n° 170, lundi 19 juin 1922 ; sous la signature : « X… » in L’Éclaireur du dimanche, mondain, théâtral, sportif, troisième année, n° 99, dimanche 1er octobre 1922. Gravure de Calvin Laituri, « It Watched through the Doorway, a Silent Observer, » 2024)