Il y a bien des années, longtemps avant qu’il soit, comme maintenant, la mode d’aller chasser en Écosse, deux jeunes gens passaient l’automne dans l’extrême nord, vivant dans une cahute, loin des autres maisons, avec une vieille femme qui faisait leur cuisine. Son chat et leurs chiens formaient tout le reste du personnel.

Une après-midi, l’aîné des deux jeunes gens refusa de sortir, et le plus jeune suivit seul la route où ils avaient chassé la veille, pour y chercher les oiseaux égarés. Il avait l’intention de rentrer avant la tombée de la nuit. Pourtant, l’aîné, qui veillait et l’attendait longtemps après l’heure habituelle de leur souper, commença à s’inquiéter, ne le voyant pas revenir.

À la fin, le jeune homme mouillé et épuisé, arriva, et il refusa d’expliquer son extraordinaire retard jusqu’au moment où ils se furent, après souper, assis près du feu avec leurs pipes, les chiens couchés à leurs pieds, et le chat noir de la vieille femme assis gravement sur l’âtre, les yeux à demi fermés entre eux deux.

Alors, le jeune homme commença ainsi :

« Vous devez vous étonner de me voir revenir si tard. J’ai eu une singulière aventure aujourd’hui ; je sais à peine qu’en dire. Je suis allé, comme je vous l’avais dit, le long de la route que nous avons suivie hier. Un brouillard de montagne tomba juste comme j’étais sur le point de retourner à la maison, et je perdis complètement ma route. J’errai longtemps, ne sachant pas où j’étais, lorsque je vis une lumière vers laquelle j’allai, espérant trouver de l’aide. Comme j’en approchais, elle disparut, et je me trouvai près d’un vieux chêne ; je grimpai dans les branches pour tâcher de revoir la lumière, et voilà qu’elle était au-dessous de moi, dans le tronc creux de l’arbre. Il me semblait que je regardais dans une église, où l’on célébrait un enterrement. J’entendis chanter, et je vis un cercueil entouré de torches, le tout porté par… Mais je sais que vous ne me croirez pas si je vous le dis. »

Son aîné le supplia avidement de continuer et déposa sa pipe pour l’écouter. Les chiens dormaient tranquilles, mais le chat était assis droit, il paraissait écouter avec autant d’attention que l’homme : les deux jeunes gens tournèrent involontairement les yeux vers lui.

« Oui, poursuivit le jeune chasseur, c’est parfaitement vrai. Le cercueil et les torches étaient portés par des chats, et sur le cercueil étaient figurés une couronne et un sceptre ! »

Il n’alla pas plus loin ; le chat bondit en hurlant : « Par Jupiter ! Le vieux Peter est mort ! Et je suis le Roi des chats ! » se rua dans la cheminée, et on ne le revit jamais plus.
 
 

 

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(« Contes populaires, » traduits par Mlle Marguerite Moreno, in La Vogue, revue mensuelle de littérature, d’art et d’actualité, nouvelle série, n° 11, mercredi 15 novembre 1899 ; voir, à propos du Roi des chats, l’article de Percy Bysshe Shelley : « Histoires de fantômes racontées par M. G. Lewis, » quatrième conte, déjà publié sur ce site. Illustration de Brad Holland)