LÉGENDE POPULAIRE SUR LE PROF. ÉTIENNE HATVANI
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Que messieurs les Allemands ne se glorifient pas trop de leur docteur Faust, – cet homme dont la puissance magique était telle que, selon eux, il alla, durant sa vie, jusqu’à se servir du diable comme d’une chaise à porteur. En revanche, lorsqu’il fut mort, messire le Diable le transporta directement en enfer. Quel honneur ! Nous autres, simples mortels, nous en sommes réduits à nous y rendre à pied.
Les Hongrois, sous ce rapport, comme sous tant d’autres, ne le cèdent non plus aux Allemands. Nous avons eu un homme qui, certes, eût pu tenir tête au docteur Faust et dont le souvenir vit encore parmi les habitants de Debreczen. C’était feu le docteur Étienne Hatvani.
Que ces doctes allemands ne s’enorgueillissent pas trop non plus de ce que leur Diable était vêtu d’une veste d’étudiant, car nous pourrions leur prouver le contraire. Le nôtre à nous, ce contemporain du docteur Hatvani, était drapé dans une toge, vêtement fort avantageux pour un démon qui a toujours quelque chose à dissimuler, ne fût-ce qu’un sabot de cheval ou une patte d’oie, dont il se sert alternativement selon que le temps est beau ou mauvais.
De plus, nous savons pertinemment que le diable en question appartenait à une des confessions protestantes. Quel triomphe ! Ainsi donc, nous avons droit non seulement au ciel ; mais aussi à l’enfer.
Tous ces éclaircissements nous viennent de la légende hatvanienne parvenue jusqu’à nous. Les incrédules qui nient l’existence du diable ont beau répéter que Hatvani était un habile physicien dont les miracles sont dus aux étonnants phénomènes du magnétisme, de l’électricité et de la chimie ; ils ont beau prétendre que ses prophéties étaient basées sur ses connaissances du monde, ses présages du temps, sa science météorologique ; que la sorcellerie qu’il employait pour recoudre les hommes mis en pièces ne consistait qu’à se servir habilement de l’art chirurgical ; que ses richesses méprisables étaient dues à la science :
Dat galemus optes, dat justiniamus honores.
Ce qui veut dire que les médecins deviennent de riches propriétaires et les avocats des puissants ministres. On dit aussi que ses diableries n’étaient que des folichonneries inventées par ses élèves.
En vain les sceptiques ergotent sans se lasser, rien ne peut ternir la gloire de notre Hatvani, et nous, crédules, nous tenons à notre seul et unique diable, bien décidés à ne le céder à personne. Si d’autres prétendent être infaillibles, pourquoi ne le serions-nous pas aussi envers et contre tous. Une encyclique, un syllabus, et tout l’appareil de l’infaillibilité est bientôt organisé !
Comment le docteur Hatvani réussit-il à obtenir les bonnes grâces de Sa Majesté infernale ? La légende, fort bien renseignée de toutes façons, répond aussi à cette question. Il avait fait ses études à Bâle où son professeur le prit en grande affection. Ce professeur était un des 333 hommes que le monde savant a surnommés « la chaîne d’Hermès. »
Nous devons remarquer ici qu’Hermès Trismegistos était le sage égyptien qui avait écrit les mystères du règne des fantômes ; mystères qui passaient par tradition d’un savant à l’autre. Theophrastus Bombastus de Hohenheim a considérablement élargi et amplifié ce livre magique qui porte le litre de Poëmander. Voyez, je vais jusqu’à citer ce titre, témoignage incontestable de la véracité de notre histoire.
Le docte professeur, voyant approcher la mort, fit appeler Hatvani, son élève favori, et lui légua le Poëmander. Ce livre contenait des feuillets blancs, jaunes, bleus et rouges, au nombre de trente-deux. Comment Hatvani n’eût-il pas été capable de faire des miracles après avoir lu ce qui suit ?
1° Fais bouillir l’œuf d’une corneille et le remets dans le nid. La corneille reconnaîtra tout de suite le subterfuge ; elle s’envolera vers la mer rouge et en rapportera trois pierres. Dès qu’elle les aura déposées dans son nid, l’œuf redeviendra à son état premier. Prends alors les trois pierres dont l’une est blanche, l’autre noire et la troisième rouge. En tenant la blanche dans la bouche, l’eau que tu bois se transforme en vin. Mets la noire dans ta poche et tu ne seras jamais à court d’argent. Quant à la rouge, si tu la fais enchâsser dans ta bague, tu gagneras tous les procès ; même ceux engagés contre le cœur des femmes. – Hum ! c’est ça qui ferait l’affaire des avocats !
2° Le jour de St-Georges, empare-toi d’un serpent blanc. Fends sa tête à l’aide d’une pièce d’un sou. Mets-la dans un dé et introduis un pois dans la bouche. Au bout de trois jour, le pois germera et fleurira. Cueilles-en la fleur ; c’est un remède contre toutes les maladies. – C’est ça qui ferait l’affaire des médecins !
3° Fais sécher dans un coin ombragé le fiel d’un rossignol. Prends le cœur d’une mouche du sexe mâle et fais-le bouillir dans du vinaigre. Réduis l’un et l’autre en poudre et saupoudres-en le foie d’une grenouille verte. Fais manger cette préparation à un hibou. Retourne le lendemain à minuit ; tue le hibou, tu trouveras dans son foie une petite pierre noire. Enveloppe-la dans de la soie rouge et attache-la avec une ficelle noire à ton côté gauche. Par ce moyen, tu deviendras invulnérable. – Quelle excellente chose pour MM. les volontaires d’un an !
4° Mets le jour de la Toussaint un sou dans ta poche et va au marché. Donne ce sou au premier mendiant qui se présentera inopinément, mais en ayant soin de te faire rendre deux liards. Tâche alors de gagner une boutique sans te retourner en arrière, et achète une aiguille à chasse ronde. Enfiles-y un cheveu de qui tu voudras et cette personne t’aimera éperdument. – Quel excellent remède pour les vieilles demoiselles !
5° Fais bouillir un cœur de coucou. Après l’avoir laissé sécher, concasse-le et fais-le passer par un crible. Fais griller un morceau de pain que tu avais l’intention de donner à un mendiant ; poudre-le avec la poussière qui tombe du tamis. Prends la langue d’une pie et une graine de rose ; fais-les bouillir ensemble pendant trois heures dans un pot neuf. Passe le liquide dans un tamis, bois-le et mange ce qui reste. Tu deviendras alors la sagesse personnifiée. – Quelle bonne affaire ce serait pour les diplomates de la conférence de Londres !
6° Si tu veux avoir des nouvelles de ta bien-aimée, prends l’œuf d’un merle. Après l’avoir entouré d’un fil noir, mets-le dans le feu et récite trois fois le Pater Noster. Si le fil brûle, ton amante est morte ; sinon, elle vit encore. – À quoi aboutirait ce procédé dans notre époque criminelle ? C’est ce que je ne voudrais pas examiner minutieusement, car cette recherche pourrait faire naître de tristes réflexions.
Le livre contenait encore un feuillet mystérieux fermé par le sceau de Hermès Trismegistos. Le téméraire qui oserait le briser verrait apparaître devant lui des serviteurs fantômes. Malheur à lui si, dans les trois premiers ordres qu’il leur donnerait, il n’exigeait pas l’impossible, car alors il expierait sa témérité et serait mis en pièces par les fantômes. Lorsque Hatvani eut ouvert le feuillet mystérieux, il se trouva tout à coup entouré d’esprits dont le chuchotement ressemblait au bruissement des feuilles du tilleul agitées par le vent. Ce bruit sourd augmenta graduellement et finit par résonner comme le hurlement de l’ouragan et le mugissement formidable de la mer en fureur.
« Que nous veux-tu ? demandèrent-ils en chœur.
– Apportez-moi l’œuf pondu, il y a plus d’un an, par un veau de cette année.
– Impossible ! beuglèrent les ombres furieuses.
– Apportez-moi l’étoile découverte par un aveugle.
– Impossible ! crièrent-elles encore à s’égosiller.
– Apportez-moi les œuvres de Cicéron écrites après sa mort ! »
La rage des fantômes était à son comble. Ils se tordaient, rugissaient, fouillaient la tête de leurs griffes aiguës ; mais ce fut en vain, ils durent se soumettre et, à partir de ce moment, ils furent aux ordres de Hatvani. Aussi le docteur put-il faire le plus facilement du monde les diableries les plus extravagantes.
Certes, l’occasion ne manqua pas. À peine fut-il installé comme professeur à Debreczen qu’il joua un joli tour à M. le maire. Ce docte personnage, traîné par trois de ses meilleurs chevaux, se rendait à Sámsond lorsqu’il rencontra le professeur Hatvani cheminant philosophiquement à pied. Il lui offrit une place dans sa voiture.
« Merci ! répondit Hatvani ; je suis trop pressé. »
M. le maire, dépité de voir son offre refusée, fouetta ses chevaux qui partirent à fond de train. Pendant ce temps, Hatvani traçait du bout de sa canne, dans la poussière du chemin, une voiture et six chevaux. Cette esquisse exécutée, il s’assit dessus et aussitôt la voiture roula, les chevaux s’animèrent et le docteur traîné par ses six coursiers arriva à Sámsond bien avant M. le maire.
Une autre fois, tandis qu’il se promenait dans la rue, un dominicain des plus replets se tenant à la fenêtre, lui cria :
« Arrête, hérétique ! »
Hatvani s’arrêta court.
« Qu’y a-t-il pour votre service ?
– Si tu es si instruit et si puissant, aie le courage de venir dans notre couvent et de discuter quelques versets des écritures saintes !
– À l’instant même, mais je désire que votre révérence y soit aussi.
– J’y suis déjà, » répondit le dominicain.
Hatvani monta donc dans la chambre du révérend ; mais celui-ci ne pouvait plus retirer sa tête de la fenêtre, car il lui était crû subitement deux magnifiques bois de cerf sur le front. Il se mit à supplier Hatvani de faire disparaître ces ornements qui, vraiment, ne lui étaient pas dus, étant célibataire. Depuis ce temps, il se garda bien de provoquer M. le docteur.

Hatvani fit parfois un noble usage de sa science. Il avait un oncle ruiné au point d’être réduit à demander l’aumône. Il alla implorer la charité de son neveu.
« Tenez, dit le professeur, je vous donne une chose qui vous garantira de la misère. »
Que lui donna-t-il ? Un modeste denier. Mais ce denier avait une propriété bizarre ; chaque fois qu’on l’avait dépensé il revenait dans la poche de son ancien propriétaire.
Hatvani entendait aussi fort bien la raillerie. Lorsque le sieur François Barta fut élu maire de la commune, il voulut fêter sa nomination et donna une splendide soirée à laquelle fut convié Hatvani. Le docteur répondit à l’invitation, s’assit dans un coin et regarda les convives se distraire. Tout à coup, Mme la mairesse s’approcha de Hatvani et l’invita à danser. L’illustre professeur savait tout, sauf la danse ; aussi rougit-il légèrement en l’avouant à Mme la mairesse.
« Hé, hé ! Monsieur le docteur, comme vous rougissez ; ne dirait-on pas que l’on vous surprend en faute ?
– L’homme rougit parfois sans être coupable, répondit Hatvani.
– Ce n’est pas vrai, s’écrièrent à la fois toutes les femmes.
– Dansez toujours et je vous prouverai la vérité de ce que j’avance. »

La société était fort en train de s’amuser lorsque le docteur renversa par hasard une bouteille. Aussitôt, une onde légère se répandit dans la salle et les dames, de peur de gâter leurs toilettes, relevèrent de plus en plus leurs jupes à mesure que l’eau montait. Tout à coup, Hatvani toucha la bouteille ; l’eau disparut !… Et les dames !… Elles rougirent et, certes, elles n’avaient commis aucun péché. Pour calmer la société ébahie, Hatvani l’invita la semaine suivante à une fête donnée dans son appartement. Les gens, qui connaissaient l’exiguïté des pièces, secouèrent la tête d’un air incrédule. Comment tous ces invités pourront-ils se mouvoir dans ce petit espace ? Où donc le savant se procurerait-il les ustensiles nécessaires à un festin, tels que plats, fourchettes, couteaux ?
Où s’assiéra-t-on, si ce n’est sur les in-folio poudreux ? Qui fera la cuisine, car chacun sait fort bien que le professeur vit en garçon et n’a pas de cuisinière ? Le plus sage sera de bien souper avant de se rendre à l’invitation, sous peine de mourir de faim.
Le jour de la fête était arrivé et les hôtes se rendirent chez Hatvani. Ils vinrent tous, car ils étaient piqués d’une certaine curiosité. Mais quel mauvais présage : pas le moindre nuage de fumée ne sort de la cheminée et, en traversant la cuisine, on voit le foyer complètement éteint. C’est tout au plus si l’on aperçoit les gros yeux luisants et ardents des six chats du maître de céans.
Hatvani reçut son monde dans son cabinet de travail qui avait tout au plus six pieds de long. Chose étrange ! Tout le monde y était à l’aise et la chambre s’allongeait à mesure que les hôtes arrivaient. Cependant, à la fin, on comptait une centaine de personnes et, de plus, le vertugadin était alors de mode.
Tout à coup, le tintement d’une sonnette se fit entendre ; les deux battants d’une porte s’ouvrirent brusquement et, devant les spectateurs étonnés, s’étendit une vaste salle splendidement meublée. On voyait des tentures de soie, des colonnes de jaspe entourées de plantes exotiques, croissant dans des vases de porcelaine du Japon. Au milieu, une table dressée fléchissait sous le poids des mets les plus exquis.
Pour les nommer, il faudrait un livre de cuisine, et encore devrait-il être, croit-on, écrit en turc, car bien certainement on n’avait jamais vu de mets semblables à Debreczen. C’était des plats d’une apparence, d’une saveur singulières, un entassement de fruits et d’épices, des rôtis d’oiseaux auxquels on avait laissé sur la tête une couronne de plumes dorées ; des confitures de gelées transparentes ; des fruits si tendres qu’on n’osait même pas les toucher et dont le parfum suffisait. À côté de chaque convive se trouvaient deux sortes de boissons, l’une chaude, l’autre glacée, et ces boissons réunissaient tous les breuvages connus ; depuis le punch jusqu’au sorbet, depuis le Tokai jusqu’au suc du palmier.
Messieurs les convives ne se firent pas prier longtemps, ces dames pas davantage, et si nous en croyons la chronique, les femmes laissèrent ce jour-là leur sotte timidité de côté et se gardèrent bien de rester à jeun devant toutes ces bonnes choses. Le repas fini, non seulement il fallut étendre la salle, mais donner du large aux vestes trop étroites et, à ce que l’on dit, aux corsets trop serrés.
Les hommes mis en gaieté fumèrent avec volupté de l’excellent tabac persan que leur offrit le professeur, tandis que ces dames s’amusaient à regarder les plantes exotiques, dignes d’être exposées dans toutes les saisons ; mais particulièrement à l’époque dans laquelle on était : au milieu de l’hiver. Mme la mairesse admirait surtout un fruit monté sur une tige fort courte. Elle se pencha pour le cueillir, lorsque M. le maire s’écria :
« Ouais, ma tête. »
Le grand fruit n’était autre que la tête du noble magistrat.
Une semblable aventure arriva à Mme la surintendante. Elle essayait d’arracher d’un vase un énorme concombre ; au moment où elle s’en emparait :
« Ouais, mon nez, » s’écria son époux.
Dès qu’une dame voulait cueillir une fleur, s’emparer d’une plante, M. le mari se récriait ; on lui tirait les cheveux, la moustache, l’oreille… Ces pauvres dames en étaient réduites à faire comme le renard de la table.

Quinze jours après, l’Augsburger Allgemeine Zeitung racontait, dans une correspondance datée de Constantinople, que le jour même de la fête donnée par Hatvani, le Sultan avait fait pendre tous ses cuisiniers, pour avoir voulu lui faire accroire que des esprits avaient volé le dîner de Sa Hautesse.
Comment se faisait-il que Hatvani n’eût pas d’amante, lui qui possédait la pierre miraculeuse dont la force magique pouvait lui procurer l’amour de qui que ce fût ?
Il avait eu une bien-aimée alors qu’il était simple étudiant. Elle se nommait Véronique et Hatvani lui avait promis de l’épouser dès qu’il aurait fini ses études. Mais les parents de la jeune fille trouvaient que c’était trop long et, sur ces entrefaites, il se présenta un garçon boucher assez bien tourné et propriétaire de maison. Il plut à la donzelle qui l’épousa. Lorsque le pauvre étudiant revint, il trouva Véronique devenue Mme la bouchère et entourée de deux petits moines dont l’un avait quatre ans ; l’autre était encore baby.
Dans le premier moment de colère et d’amertume, il grommela contre l’infidèle quelques blasphèmes, et entre autres : « Que le diable t’emporte ! » Ce vœu imprudent lui échappa malgré lui. Et quoi d’étonnant ! que de fois n’avons-nous pas dit en pensant aux uns ou aux autres : « Que le diable t’emporte ! » Il est vrai que ce souhait avait une autre portée venant de Hatvani, maître du démon. Aussi l’humble serviteur s’empressa-t-il de le prendre au pied de la lettre. Un jour, une catastrophe épouvantable dont la chronique a conservé le souvenir se produisit dans la ville de Debreczen. Tandis que le maître boucher était au marché, sa femme, voulant pétrir, confia son petit enfant aux soins de son frère aîné. L’enfant pleurait, et comme le gamin âgé de quatre ans avait souvent entendu dire à ses parents par pure plaisanterie : « Si tu cries, je te couperai la gorge » ; comme, d’autre part, il avait vu avec quel zèle monsieur son père égorgeait les moutons, spectacle qui lui plaisait fort, le mioche, suivant les conseils de son esprit enfantin, s’arma du couteau paternel et coupa la gorge au bébé qui ne voulait pas être sage. Puis, effrayé de son œuvre, il se cacha dans le fourneau. La mère, rentrant chez elle et ne se doutant de rien, mit le feu au fourneau. Elle ne s’aperçut de la présence de son enfant que lorsqu’il fut étouffé. Dans son désespoir, la malheureuse femme saisit une corde et se pendit. Le père, en retournant du marché, trouva sa femme et ses enfants morts ; il tomba pour ne plus se relever.
Ce terrible événement causa une vive émotion à Debreczen. Tout le monde en fut ému, mais celui que le malheur atteignit le plus vivement, ce fut Hatvani. Pour rendre les derniers devoirs à ces infortunés, il leur fit élever un immense tombeau de marbre blanc. De plus, il promit dix ducats à celui de ses élèves qui ferait l’épitaphe la meilleure et la plus concise.
Il y avait, parmi les étudiants, un nommé Béla dont la stupidité n’était surpassée que par la paresse. Au lieu de réciter ses leçons, il les lisait sur ses ongles qu’il enrichissait d’une foule d’hiéroglyphes et, s’il lui fallait faire des vers latins, il priait toujours un de ses condisciples de les lui griffonner. Mais cette fois, il s’agissait d’obtenir un prix et, dame ! aucun des condisciples ne voulut être complaisant. Le malheureux Béla avait beau ronger un nombre incalculable de plumes, les idées ne venaient pas. Pour s’inspirer, il se rendit dans la forêt de Debreczen.
Invoqua-t-il le diable ? c’est ce que je ne pourrais dire. Peut-être, dans un moment de désespoir, s’écria-t-il : « Pourquoi le diable ne m’inspire-t-il pas une bonne idée ? » … Tant il est vrai qu’en rôdant de-ci de-là, il aperçut un monsieur singulièrement vêtu et au visage un peu trop sombre. Des yeux louches, un nez aquilin, le corps enveloppé d’une longue toge et boitant légèrement ; tel était ce bizarre personnage.
« Sur quoi vous escrimez-vous ainsi, cher ami ?
– Je dois écrire une épitaphe sur une chose, et je ne puis en accoucher.
– N’est-ce que cela ? repartit l’inconnu ; je vais vous en faire une ; mais, afin que je ne vous oublie pas et que je puisse venir vous voir une fois encore, écrivez votre nom sur cette feuille avec trois gouttes de votre sang. »
Ami Béla accepta l’offre avec empressement ; il se serait saigné pour écrire tout un poème, et l’inconnu lui donna l’épitaphe demandée ; elle était composée de ces deux vers :
Infans ut verres pucrulus nupta marthus
Cultello, flamma, fune dolor cadunt.
(Comme l’agneau, le nourrisson périt par le couteau, l’enfant par la flamme, la mère par la corde, le père par la douleur.)
Ce sombre distique est encore lisible sur une pierre couverte de mousse dans le cimetière de Nagy Péterfia.
Il fut présenté sous l’anonyme. Les critiques le jugèrent le meilleur et quelle ne fut pas la stupéfaction générale lorsqu’on sut que l’idiot Bela en était l’auteur.
Hatvani, qui se doutait de quelque supercherie, profita d’un moment où il se trouvait en tête-à-tête avec l’étudiant pour lui tirer les vers du nez.
« Voyons, mon ami, ce distique n’est pas de vous ? »
L’étudiant se défendit, il voulut nier ; mais Hatvani sentit une odeur de souffre s’exhalant du papier.
« Écoutez, mon ami, ce papier a la même odeur que s’il sortait de la poche du diable. »
Là-dessus l’étudiant eut une telle peur qu’il révéla tout, même avoir signé de son sang et la promesse du versificateur de lui faire une seconde visite.
« C’est un malheur, dit Hatvani ; cependant, vous pouvez vous en tirer. Ne sortez pas pendant une semaine et écrivez sur votre porte : Cras ! (Demain !), puis vous dessinerez en dessous la sexangulaire magique qui est composée de deux triangles renversés. »
L’étudiant agit selon les conseils du docteur. Le lendemain, le diable vint et, apercevant le mot écrit sur la porte, rebroussa chemin. Le jour suivant, même manège, et cela dura pendant une semaine. Enfin, messire le diable finit par s’impatienter et après avoir, plein de fureur, donné un coup de son pied fourchu dans la porte, il écrivit à la craie rouge :
Per multum « cras, » « cras, » cito dilabitur actas.
(Par la succession de beaucoup de « demains » viendra la fin de ta vie.)
À partir de ce moment, plus rien ne vint troubler la quiétude de notre étudiant, qui resta jusqu’à la fin de ses jours le plus heureux des sots.
Ceci se passait il y a fort longtemps. Depuis, les choses ont bien changé ; et s’il fallait donner au diable tous les méchants poètes et plagiaires, les démons de l’enfer ne suffiraient pas à nous en débarrasser. Mais cette lamentable histoire n’est pas encore finie.
*
Une semaine s’était écoulée depuis la mort de Véronique, lorsque son père vint trouver Hatvani, le priant de le délivrer de l’âme de la défunte qui, chaque nuit, hantait la maison paternelle et gémissait comme une tourterelle.
« Nous verrons, dit Hatvani. Rentrez chez vous. Aujourd’hui, je ne puis rien faire encore, mais demain vous dormirez en paix. »
Entre chien et loup, le docteur Hatvani mit sa toge à l’envers et se rendit à pas lents vers le cimetière. Il chercha le tombeau de Véronique et, l’ayant trouvé, il traça tout près un cercle avec une baguette de fer dont il avait muni la périphérie de différents signes cabalistiques.
À peine les cloches eurent-elles sonné le dernier coup de minuit qu’un sanglier rouge apparut aussitôt et vint tout en grognant fouiller le tombeau et en arracher le cadavre. De la gueule du sanglier sortit une petite flamme bleuâtre qui passa dans le cadavre de la malheureuse femme. Le corps du sanglier resta sans vie, tandis que celui de Véronique s’anima tout à coup et courut vers la ville.
Le sorcier, sans perdre de temps, souleva le sanglier inerte et le plaça au milieu du cercle magique. Minuit trois quarts sonnaient à l’horloge de l’église voisine, lorsque le revenant accourut en toute hâte vers le tombeau, cherchant le cadavre du sanglier pour changer de corps. Il vit à la place Hatvani assis sur l’animal et entouré de son cercle magique.
Véronique, d’abord, le flatta doucement, puis elle passa progressivement par tous les degrés de la coquetterie pour arriver à faire sortir le docteur de son cercle. Elle lui conta son amour, employa pour cela les paroles les plus insinuantes, les plus persuasives, lui dit des tendresses à rendre fou un saint. Elle lui répéta qu’elle l’aimait éperdument, se servant pour exprimer sa passion des mêmes termes que Véronique, lorsqu’elle était vivante. Mais Hatvani, qui reconnaissait le démon sous cette enveloppe si chère, lui criait :
« Apage Satanas ! »
Le spectre furieux n’avait plus le visage d’une femme ; mais bien celui d’une furie.
« Rends-moi mon corps ; tu es assis dessus, tu me l’as volé. Rends-le-moi, rends-le-moi…. »
Et, transfiguré par la rage, le fantôme devint transparent et chaque veine luisait comme un rayon. Tout fut en vain ; impossible de franchir le cercle magique. Le diable, en colère, poussait de tels rugissements qu’on eût cru qu’un troupeau de lions se trouvait dans le voisinage. Mais Hatvani, qui se savait invulnérable, resta impassible.

L’esprit malin, voyant qu’il n’avait rien à gagner par la flatterie, ni par la menace, essaya de traiter de puissance à puissance.
« Eh bien ! puisque je suis en ton pouvoir, commande. Que dois-je faire, qu’exiges-tu pour me rendre mon corps ?
– Apporte moi un sac plein de menue monnaie. »
L’esprit s’en fut en toute hâte et revint plus vite encore.
« Voilà ce que tu as demandé. Vite, vite, rends-moi mon corps. Une heure va sonner, et alors tout est fini.
– Trouve-moi un ducat parmi cette monnaie, » commanda Hatvani.
Le diable trépigna de rage, car l’heure avançait. Enfin, il finit par découvrir un ducat.
« Tu m’as trompé, s’écria Hatvani ; ce n’était pas de la menue monnaie que tu m’apportais là ; donc, le marché est nul. »
Le diable proféra d’horribles malédictions contre lui-même. Au même instant, une heure sonna, le coq se mit à chanter et une flamme bleuâtre s’échappa du cadavre pour aller s’engloutir avec un bruit formidable dans le sein de la terre.
Hatvani remit la pauvre Véronique dans son tombeau profané où elle trouva enfin le repos éternel. Puis il jeta aux chiens le corps du sanglier. Le diable pouvait le chercher en vain.
Mais Sa Majesté infernale a plus d’un travestissement.
Un soir, lorsque l’horloge eut sonné le dernier coup de minuit, la cloche du collège convoqua tous les étudiants. Les répétiteurs allèrent de porte en porte éveiller les élèves en criant :
« Clarissimus dominus. Hatvani va faire une conférence ! »
Les jeunes gens, en bâillant et se frottant les yeux, s’assemblèrent dans la salle des conférences et le docteur Hatvani ne tarda pas d’apparaître à leurs yeux. Il monta dans la chaire professorale et leur annonça que, dorénavant, il ferait son cours à minuit. Puis il se mit à parler des miracles et intéressa vivement son auditoire.
Cependant, les jeunes gens trouvèrent je ne sais quoi de singulier dans l’extérieur du professeur. Son visage était plus sombre, sa voix semblait sortir de dessous terre et ses yeux luisaient dans les ténèbres. À une heure sonnante, Hatvani ferma précipitamment son livre et s’enfuit sans que les étudiants, fort étonnés, entendissent résonner son pas dans le corridor.
Ce manège se répéta six fois de suite. Chaque nuit, les élèves furent forcés de se lever et d’écouter jusqu’à une heure la leçon du professeur. Mais, à la fin, les jeunes gens se mirent à murmurer et déléguèrent deux d’entre eux au docteur Hatvani pour le prier de les laisser dormir paisiblement, car ils avaient à travailler beaucoup le jour suivant.
On comprend aisément la surprise de Hatvani, en écoutant les plaintes des étudiants. Lui, les convoquer à minuit ? Jamais de la vie. Qui donc avait pu faire sa leçon en son lieu et place ?
Voilà la question !
« Attention, mes enfants, leur dit-il. Si l’on sonne une fois encore cette nuit, apparaissez tous ; mais ayez soin préalablement de jeter de la cendre sur le seuil de la porte et, lorsque le type mystérieux l’aura traversé, regardez l’empreinte de ses pas. Après cela, vous saurez à quoi vous en tenir. »
Les étudiants suivirent le conseil de Hatvani, et ils attendirent anxieux.
La longue toge du personnage descendait jusqu’à terre et masquait soigneusement ses pieds ; mais à peine eut-il passé, qu’ils virent une quantité de pattes d’oie marquées sur la cendre. Aussitôt, nos jeunes gens d’entonner de toutes leurs forces : « Dieu notre Seigneur est notre forteresse… »

D’effroi, le mystérieux professeur laissa choir son livre et, les yeux étincelants, il se tourna vers son auditoire en criant d’une voix formidable :
« Vous pouvez vous en féliciter, car si vous aviez entendu encore une seule de mes leçons, vous étiez tous en mon pouvoir. »
Aussitôt, un roulement de tonnerre ébranla la maison et le diable s’engouffra dans la terre au milieu d’une épaisse fumée de poudre et de colophane.
Ce diable, paraît-il, appartenait à la confession luthérienne ou calviniste, sans quoi il aurait eu moins de respect pour l’hymne mémorable de Luther.
*
La femme tant aimée de Hatvani avant son mariage, avait un petit frère qui devint l’élève favori du docteur. Il était toujours le premier à l’école et faisait la gloire du collège.
Un jour, le pauvre enfant, se sentant malade, s’en fut trouver Hatvani.
« Veuillez être assez bon, monsieur le professeur, pour me donner quelque remède qui me débarrassera de la fièvre. »
Hatvani, comme la plupart des savants, avait ses boutades.
« Le professeur enseigne et ne guérit pas, lui répondit-il. Si tu veux un remède, retourne chez toi et adresse-toi au docteur Hatvani. Il te donnera une recette pour ta maladie. »
Le jeune homme fut blessé de cette réception. Comment, lui, toujours le premier de sa classe, recevoir un pareil accueil lorsqu’il est souffrant ? C’est trop fort. Oubliant sa fièvre, il se proposa de se venger en jouant quelque mauvais tour à son professeur.
« Un jour viendra où je serai aussi puissant que lui-même, se dit-il, et alors nous verrons. »
C’était l’époque des examens. La classe de Hatvani devait être interrogée, lorsque le professeur s’aperçut qu’il avait oublié son livre ; et aussitôt d’appeler son écolier favori, et, lui donnant la clef de sa chambre, il le chargea de le lui rapporter.
Le jeune homme s’éloigna, mais à peine fut-il dans la chambre que son premier soin fut de chercher et d’ouvrir le terrible Poëmander, clos par le sceau d’Hermès. Aussitôt, la nuée d’esprits savants s’approcha, bruissant comme la feuille des trembles, puis éclatant tout à coup comme la cataracte du Niagara.
« Que nous veux-tu ? »
L’étudiant n’ignorait pas qu’il fallait demander trois choses impossibles pour s’asservir les esprits.
« Prenez ce poil de cheval, fendez-le en quatre et formez de chacun un tuyau de pipe. »
Les esprits pleurèrent, rugirent.
« Impossible !
– Mettez en pièces tout ce que vous trouverez de déchirable dans cette chambre. »
En donnant cet ordre, le bonhomme pensait au livre qui était invulnérable pour eux ; mais il n’avait pas songé à lui-même, qui fut mis en pièce ainsi que tout ce que contenait la chambre.
Le docteur Hatvani s’aperçut un peu tard du péril. L’anneau magique qu’il portait au doigt se mit à tourner rapidement, indiquant par là que les esprits faisaient quelque dégât. Il courut aussitôt chez lui et trouva son appartement dans un état de dévastation indescriptible. Il ordonna immédiatement aux esprits rebelles de réparer le dommage. Ils obéirent. Le corps du jeune homme fut recousu. Seule l’âme manquait ; Hatvani ordonna à un des démons d’y établir sa résidence et il s’en fut au collège avec son élève ranimé. L’examen continua. Il va sans dire que le jeune lauréat n’y devait pas manquer. Le jeune homme prit sa place habituelle et émerveilla toute la salle par la clarté, la précision de ses réponses. Les curés, les censeurs, les sénateurs et autres ne trouvèrent pas d’expression assez forte pour peindre leur satisfaction.
Derrière lui était assis l’infortuné Bela qui ne savait jamais le premier mot de la leçon. Voulant y jeter un coup d’œil, il pria le jeune homme de lui prêter son livre. C’était précisément au spectre déguisé qu’il s’adressait.
« Je n’ai pas de livre sur moi, lui répondit-il.
– Oh ! prête-le-moi pour l’amour de Dieu, » balbutia Bela.
À ce mot, « Dieu, » le corps possédé par l’esprit tomba en pièces, car le démon en était sorti.
L’assemblée resta interdite. Mais Hatvani ayant donné un coup de poing sur la table, ô miracle ! les assistants oublièrent ce qu’ils avaient vu ; le cadavre disparut et l’examinateur continua ses questions comme si de rien n’était.
*
Cependant, Hatvani, malgré sa puissance, ne put éviter le sort commun à tout mortel : le trépas. Docteur et prophète, il sentit venir la mort et, sachant qu’il ne pouvait l’éviter, il voulut au moins sauver son âme.
Je cite mot à mot le chroniqueur qui a enregistré les faits, d’après la déposition de témoins oculaires.
Le mourant, réunissant ce qui lui restait de forces, traça de l’index de sa main gauche un cercle sur la muraille. Il y dessina les deux pôles, et le méridien, puis il prononça les paroles sacramentelles abrazas, meithras et marmotta la grande formule penta grammaton. Aussitôt, une fumée odorante s’éleva dans la chambre et deux colombes s’envolèrent sur les toits ; l’une, grande et noire, venait en droite ligne de l’occident ; l’autre, petite et blanche, arrivait de l’orient. Les deux oiseaux combattirent pendant plusieurs heures : le noir était plus vigoureux ; l’autre, plus souple et plus agile, voltigeant prestement autour de son adversaire, réussit à lui crever les yeux à coups de bec et le tua.
On entendit alors des cris aigus, des gémissements plaintifs ; puis un bruit de chaînes résonna lugubrement et un chant solennel s’éleva tout à coup pour disparaître graduellement dans le lointain.
Ceux qui pénétrèrent à ce moment dans la chambre de Hatvani la trouvèrent déserte. Était-ce les bons ou les mauvais esprits qui l’avaient emporté ? Qui le sait ?
*
Voila la légende hatvanienne telle qu’elle m’a été contée. Qu’en pensez-vous, amis lecteurs ? Pour moi, je n’y trouve rien d’incroyable. La différence existant entre ces temps passés et le nôtre ne consiste peut-être qu’à trouver naturel ce que jadis on qualifiait de miraculeux. Autrefois, par exemple, on appelait « Charme » un remède universel ; aujourd’hui, on le nomme Reralenta arabica, et, en l’employant, on devient aussi sain que si l’on possédait un grain de poivre poussé dans la gueule d’un serpent blanc.
De nos jours aussi, il y a des gens dont tout le savoir, – savoir dont ils tirent grand profit, – est contenu dans trente-deux feuilles ; c’est leur Hermès Trimegistos. On peut diviser ces feuilles en quatre espèces différentes : pique, carreau, trèfle et cœur. Nous ne manquons pas non plus de ces deniers, retournant fidèlement chez leur maître qui se nomme maintenant le ministre des finances.
Les traités signés de sang humain ne sont pas plus rares et on les estime, si l’on y est forcé.
On enlève aussi parfois le dîner du sultan. Le sultan français lui-même invite à partager le repas qu’on lui avait volé !
On confond facilement la tête d’un magistrat avec une citrouille, tout comme autrefois.
Nous ne manquons, pas plus qu’alors, de poètes écrivant des vers bons pour aller à tous les diables.
Quant aux longues soutanes, il y en a plus d’une qui cache des pieds fourchus.
Et que de gens mis en pièces maintenant comme alors ! Seulement, nous appelons ce procédé « banqueroute » ; d’autres, préalablement dépecés, sont soigneusement recollés et, tout fiers de leur résurrection, se carrent fièrement dans leurs carrosses. On appelle cette opération : « arrangement avec les créanciers. »
Si, par hasard, vous voulez voir des gens se faisant apporter par le diable de gros sacs de monnaie, allez à la Bourse, vous serez satisfaits.
Tout existait alors, tout se répète à présent ; il n’y a donc rien de nouveau sous le soleil.
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(Maurice Jókai, « Revue hongroise, publiée sous le patronage de l’académie, » in Gazette de Hongrie, journal politique, financier et littéraire [Budapest], troisième année, n° 74 et 75, dimanche 17 et jeudi 21 septembre 1882. Ce texte de Mór Jókai, « A magyar Faust [Le Faust hongrois], népmonda Hatvani István debreczeni professorról, » est paru dans son hebdomadaire satirique, Az Üstökös [La Comète]: Humoros-szepirodalmi hetilap, volume XXIII, n° 7, 8, 9, 10, 11 et 12, samedis 11, 18 et 25 février, 4, 11 et 18 mars 1871 ; il a été reproduit la même année dans les annales A Kisfaludy-társaság Évlapjai. Nous avons repris les illustrations de la publication originale)
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