Après une absence qui avait duré trois mois au moins, le docteur Kermendrel reprit la bonne habitude de revenir chaque jeudi fréquenter chez Mlle Mars.

La célèbre comédienne, qui était alors la reine du théâtre, ne cacha pas son bonheur de voir Kermendrel, pas plus qu’elle ne lui dissimula la surprise qu’elle éprouvait en constatant le changement physique qui s’était opéré en lui. Les cheveux, qui étaient jadis d’un beau noir, étaient devenus d’une blancheur de neige ; ses yeux, jadis calmes, avaient des reflets d’épouvante. Pour expliquer la familiarité avec laquelle Mlle Mars entretenait le docteur (elle l’appelait papa Kermendrel), je dois dire qu’il l’avait reçue dans ses bras à son entrée dans la vie, c’est-à-dire en 1778.

Elle fut donc ravissante par sa manière de sauter au cou du docteur, qu’elle embrassa et qu’elle taquina pour connaître à la fois le motif qui l’avait tenu si longtemps éloigné de notre compagnie, et la cause du chagrin qui l’avait métamorphosé d’une façon si complète.

« Je te dirai cela après le thé.

– Non, non ! Tout de suite !

– Mais…

– Tout de suite, papa Kermendrel. »

Elle eut, en disant ces mots, une moue d’enfant gâtée qui provoqua un sourire douloureux et indulgent sur les lèvres du docteur.

On forma le cercle, les causeuses se pressèrent autour du feu et chacun écouta Kermendrel.

« Je reçus de Monsieur de L…, ex-consul, un de mes bons camarades de jeunesse, une lettre par laquelle il m’informait que des indices graves lui faisaient présager une mort certaine.

Je partis sur-le-champ.

Je trouvai mon ami, – appelons-le Jean Dalmont, pour conserver l’incognito, – non pas alité, mais assis sur un banc de pierre, à l’abri du soleil. Il contemplait, devant son château, un lac encerclé de sapins noirs.

Je m’assis à son côté, l’examinant, l’interrogeant le plus adroitement que je le pus, pour me convaincre que la certitude qu’il avait de mourir ne provenait pas d’une faiblesse cérébrale.

Mais, comme s’il eût deviné ma pensée, il anéantit mes doutes en prévenant mes interrogations.

« Mes facultés intellectuelles sont parfaitement intactes, Kermendrel, sois-en sûr ! Aussi bien, ce n’est pas pour solliciter tes soins que je t’informai ; mais simplement pour te prier de m’examiner durant au moins huit jours lorsque j’aurai rendu le dernier soupir.

– Je ne comprends pas.

– Tu vas comprendre. Tu sais que mon désir suprême est de reposer ici, en vue de ce lac où celle qui fut la compagne de toute ma vie aimait à se promener. Je veux dormir auprès d’elle, là, sous ce tertre, où mes mains ont pieusement enseveli son corps, près de ce bosquet de charmilles dont l’ombre et le silence furent souvent propices à mes larmes.

Je possède pour moi-même, comme je la possédais pour ma femme, une autorisation légale contre laquelle personne n’aura le droit de s’élever. Ce n’est là qu’un détail ; je te le donne incidemment pour arriver au fait qui me préoccupe.

Tel que tu me vois, je vis ici en la seule compagnie de Foulon, le vieux domestique qui me sauva des coups d’un Indien fanatique lors de la première année de mon long séjour à Pondichéry. Il m’est très dévoué, mais son initiative personnelle est médiocre. Ce n’est pas là une parole de blâme, mais une simple constatation.

Tu vas, d’ailleurs, en juger. Il y aura dimanche un mois, jour pour jour, je m’endormis comme à mon ordinaire après mon dîner. Le lendemain matin, surpris de ne pas me rencontrer dans le parc en allant pêcher aux viviers, Foulon monte à ma chambre, frappe à ma porte, l’ouvre, et constate avec stupeur que j’étais rigide. Me croyant mort, il ferme toutes les issues du château, court comme un fou jusqu’au bourg, Moringues, répandre la nouvelle de mon décès, et ramène avec lui un de tes confrères.

– Et celui-ci a reconnu les effets de la catalepsie ? demandai-je naturellement à l’ex-consul.

– Que non pas ! Vraisemblablement influencé par l’accent convaincu de Foulon, il m’examine et finalement délivre un permis d’inhumer en bonne et due forme. Foulon, qui a d’un cadavre une peur instinctive, se fait aider par un jardinier pour me faire la dernière toilette et pour me veiller deux nuits. On me dépose dans un cercueil emprunté à l’un de mes vieux chênes, ainsi que je le prescrivais au début de mon testament, puis les deux hommes se mettent en mesure de visser la bière. Mon heure n’était pas sonnée, mon cher Kermendrel, car, au bruit des coups de marteau préparant les emplacements des vis, je répondis en frappant à l’intérieur du cercueil et je t’assure que je le brisai, car ma main était devenue de fer devant l’horrible réalité. Je crus devenir fou en une seconde : sais-tu pourquoi ? En voyant la nuit sur mes yeux, en touchant les planches du cercueil, une pensée traversa mon esprit avec la rapidité d’un éclair. « Dieu ! criai-je, ils m’ont enterré vivant ! » J’avais compris, j’étais dans un cercueil ; mais ce cercueil était-il sous la terre ? Heureusement non ; je soulevai le couvercle d’une poussée qui fit céder les vis déjà engagées ; je fus aux fenêtres, je les ouvris, je respirai avec délices ; mais je souffris horriblement à partir de cette minute, car je songeais : « Si pourtant je ne m’étais réveillé de mon sommeil léthargique !… » J’attendis que Foulon, qui s’était enfui avec son aide, voulût bien revenir. Il n’osait me regarder.

« Pauvre Foulon, lui dis-je, si toutes les vis eussent été posées, ton départ me condamnait à mourir étouffé. »

Mon ami se leva, prit mon bras, et nous gagnâmes tous deux le perron seigneurial en nous attardant dans la contemplation des fleurs, des pelouses. En passant près du bosquet de charmilles, je jetai à la dérobée un regard vers le tertre où reposait celle qui avait partagé son existence : une fosse s’y trouvait creusée. Le récit qu’il m’avait fait était donc exact en tous points.

« Il faudrait qu’on comblât cette fosse, lui dis-je.

– Pourquoi cela ? La secousse fut pour moi trop rude et, je le sens, cette journée sera pour ma vie terrestre le chant du cygne… tenez, écoutez-le, le chant du cygne. »

En effet, par une coïncidence bizarre, des notes aussi douces que les sons d’une lyre dont les cordes eussent été mises en vibration par une brise légère, s’égrenèrent pour s’évanouir aussitôt sur l’onde claire et ombragée du lac. Il s’arrêta pour regarder l’oiseau qui avait chanté. C’était une femelle superbe, toute noire. Elle voguait avec grâce sur la nappe tranquille. Elle allongeait ou ployait son col soyeux au hasard de la rencontre des saules qui bordaient la rive.

Son œil noir s’attacha sur nos personnes lorsqu’elle passa devant nous. Elle avait dans le port de sa tête fine, soyeuse et admirablement unie, une fierté particulière.

D’un mouvement de ses pieds palmés qui chassaient l’onde, la reine d’ébène de ce coin champêtre et silencieux vira de bord et, pour la seconde fois, elle passa devant nous.

« On dirait que cet oiseau me salue, dit mon ami rêveur. Tu ne crois pas en la métempsycose ?

– Non.

– Moi, j’y crois ! »

Ayant défendu, quarante années durant, les intérêts de la France aux Indes, patrie de la croyance en la transmigration des âmes, il avait dû céder à l’influence du milieu hindou, aux croyances si complexes et si mystérieuses.

Il se retourna plusieurs fois pour observer le cygne, qui avait quitté l’eau.

Entre nous, insista le docteur Kermendrel, il croyait certainement que la morte qu’il pleurait revivait en ce cygne. Il s’attachait à cette idée, parce qu’elle était pour lui infinement consolante. Quant à la présence soudaine de cet oiseau, que nul au château n’avait jamais vu avant la mort de Mme Dalmont, elle s’expliquait, selon moi, le plus naturellement du monde. Soit qu’il fût à l’état sauvage, soit qu’il se fût échappé de tout autre parc de la contrée, ce cygne avait rencontré le lac de la propriété de mon ami ; la solitude de ses bords lui ayant convenu, il s’y était installé.

D’abord, la perspicacité de mon ami fut mise en défaut ; il ne mourut pas ce jour-là, ainsi qu’il en avait témoigné en entendant le chant du cygne. La soirée, qui fut fort belle, nous permit de prendre notre dîner à l’abri d’une véranda qui dominait toutes les dépendances du château. Nos regards se promenaient sur un paysage d’une splendeur sans exemple, et, comme tous les êtres recueillis qui se plaisent aux spectacles de la nature, le consul en subissait l’heureuse influence.

Les rayons du soir qui mouraient sur les eaux du lac transparent s’éteignirent que nous discutions encore sur la marche de la diplomatie générale de l’Europe.

Il fut convenu que nous passerions cette première nuit l’un près de l’autre. Il s’étendit sur un canapé ; je me blottis au fond d’un vaste fauteuil, bien à l’aise pour lire devant le feu.

L’ombre avait apporté le silence sur la terre. Le consul s’était endormi et j’écoutai la chanson du vent qui faisait bruire doucement les arbres du parc et les rosiers des pelouses.

La respiration de mon ami était absolument régulière et les heures s’écoulaient dans un calme parfait. J’ai promis de tout vous révéler, et voici ce qui advint à deux heures et demie du matin.

Le vent, qui s’était enfui, me permettait de percevoir tous les bruits discrets qui venaient du parc. Ce fut pourquoi j’entendis distinctement, vers le lac, le chant de la femelle du cygne Au même instant, mon ami eut un tressaillement à peine perceptible. Il passa plusieurs fois la main sur son front. Il ouvrit les yeux, me regarda d’une façon étrange (celle d’un homme troublé dans son sommeil), puis se rendormit.

Je jugeai que je devais l’éveiller. Je l’appelai, mais il continua son repos. Une de ses mains pendait du canapé vers le tapis de la chambre, aux fenêtres spacieuses. Je la pris et la tins un instant pressée dans les miennes. La température était normale. Je repris ma lecture devant le feu. Des soupirs s’exhalaient des lèvres de Dalmont et je les acceptai comme d’heureux augure. Ce fut vers quatre heures, je crois, que je m’aperçus que le corps du consul devenait rigide. L’aube parut ; je n’hésitai pas à ouvrir les fenêtres pour laisser pénétrer la fraîcheur matinale.

Dalmont, je m’en aperçus spontanément, était de nouveau en catalepsie. Je soulevai sa paupière gauche, la tenant un peu levée pour découvrir l’œil et, par un phénomène étrange, cet œil se maintint ouvert.

J’appelai Foulon. Il vint. Avant de le laisser pénétrer, je le prévins de l’état de son maître pour lui éviter la crainte folle qui l’avait une première fois assailli.

Il entra en tremblant, et, ne pouvant soutenir la vue de l’œil ouvert, il me supplia :

« Oh ! Monsieur, cachez-lui la figure !

– Mais puisqu’il dort ! »

Je l’obligeai à passer sa main sur le front de Dalmont. Il le fit et m’avoua ensuite que sa ridicule appréhension avait de beaucoup diminué.

Pour m’assurer de la véracité de son dire, je quittai brusquement la chambre, le laissant seul avec le corps qui paraissait inerte. Deux secondes après ma ruse, il dégringolait le perron.

Je me rendis compte que ce garçon ne me serait que d’un secours très imparfait. Je pris donc la résolution d’agir dans la mesure de mes forces uniques. Je dressai, près du canapé où Dalmont reposait, un lit de camp, et j’y déposai mon ami. Je restai huit jours, seul, en tête-à-tête avec ce corps.

Pour nourrir le consul, j’employai les moyens usités en pareil cas. Rappelez-vous qu’il m’avait demandé de le veiller au moins huit jours. Chose singulière : le soir du huitième jour, terme du temps fixé par lui, j’exposai, ainsi que je l’avais fait depuis le début de la catalepsie, une glace aux lèvres de Dalmont. Contre mon attente, elle ne fut, cette fois, ternie par aucun souffle. J’en fus réduit aux conjectures et, je dois l’avouer, je fus accessible à une douloureuse perplexité. Était-il encore cataleptique ou mort ? J’attendis un jour encore, ne sachant quel parti prendre. Tout à coup, je m’informai auprès de Foulon du moyen de me procurer un revolver. Il alla me chercher celui de Dalmont, et j’attendis qu’il se fût retiré de notre présence pour tenter une expérience.

Je fixai mes yeux dans l’œil ouvert du consul et, comme s’il eût pu m’entendre, je lui dis :

« Dans la crainte qu’on ne t’enterre vivant, ami, je vais te loger une balle dans la tempe. »

L’œil resta fixe. J’armai devant lui le revolver, je m’éloignai un peu et, par la fenêtre ouverte, je tirai au-dehors le coup de feu. Je revins vivement à Dalmont et je lui dis encore, en plongeant au fond de l’œil ouvert :

« Je vais t’en donner autant !

– Taisez-vous ! » cria Mlle Mars.

Mais Kermendrel était lancé. Il s’animait lui-même à son récit. On voyait qu’il avait assisté à tout ce qu’il racontait. Sa figure avait « la chair de poule » et, malgré son intervention, qui n’eut d’ailleurs aucun succès, Mars écouta, elle aussi, jusqu’au bout le conteur qui s’était levé et mimait la scène du pistolet.

« J’allais tirer dans la tempe gauche, je vous l’assure ! affirma Kermendrel. L’œil ne me donnait qu’une indication en n’ayant aucun frémissement : celle que mon pauvre et cher Dalmont était mort et bien mort ! Oui, j’allais tirer ! Mais au moment où ma détermination, irrévocablement prise, allait être sanctionnée par un acte, une plainte s’éleva du dehors, traînante, triste, mélodieuse et douce ; c’était la femelle du cygne qui chantait. Peut-être la lassitude des veilles passées auprès du corps du consul avait-elle aussi fatigué mon cerveau ? Toujours fut-il qu’il me sembla que ce chant signifiait : « Laisse-le ! »

« Foulon, dis-je au domestique, allez prévenir à la mairie de Moringues, qu’on délègue un docteur.

– Il est bien mort, n’est-ce pas ? me demanda Foulon.

– Je le crois.

– Comment ! répliqua-t-il avec un effroi extraordinaire ; comment, vous le croyez ! mais vous n’en êtes donc pas certain ! »

J’attendis, pour ensevelir Dalmont, que mon confrère désigné par l’autorité municipale eût constaté le décès. Il fut convenu que le corps serait gardé trois jours encore, durant lesquels je le surveillerais minutieusement. On mit à mon service un vieux brisquard qui en avait vu de trente-six couleurs, et je puis vous certifier que celui-là ne tremblait pas : c’était le fossoyeur.

Il fumait philosophiquement sa pipe à la fenêtre, passant devant le mort pour aller secouer sa cendre dans la cheminée. Toutes les formalités étaient remplies. Toutefois, par un dernier scrupule, nous ne mîmes pas le corps en bière pour les trois jours de veille. Je fis part au fossoyeur, sans fausse honte, des doutes qui me tourmentaient. Il me donna le conseil de lui laisser carte blanche, pour confectionner une bière dans laquelle le consul pût se mouvoir au cas improbable, mais possible, où il se réveillerait sous la terre.

« Il serait bien avancé de pouvoir bouger dans son cercueil enfoui sous un mètre de terre !

– Monsieur, me dit le fossoyeur, avant de le refermer, ce cercueil, nous placerons ce revolver chargé, le chien levé, dans la main de votre ami.

Si votre ami se réveille, il ne verra plus rien, il n’entendra plus rien. Il comprendra qu’il ne doit plus espérer ; il s’expliquera la précaution du revolver, et alors… »

Je serrai la main du vieux fossoyeur. Il venait, par son raisonnement, de me délivrer du poids qui m’étouffait.

Vous remarquerez que le fossoyeur proposait de tenir levé le chien du revolver. Ce n’est pas là un détail infime. Lui, qui était habitué à vivre en compagnie des morts, savait fort bien que les gaz font se tordre les cadavres sous terre. Il pouvait résulter que si nous entendions le bruit d’une détonation souterraine, nous pouvions bénéficier d’un doute. En se convulsant, sous l’effort des gaz, la main qui tenait l’arme avait pu faire partir le coup. Nous n’étions pas, dès lors, absolument certains que le consul se fût réveillé, puis se fût brûlé la cervelle en constatant son malheur irrémédiable.

Voilà ce que nous pensions, le fossoyeur et moi, et voilà pourquoi nous fîmes ainsi que nous l’avions dit.

Le cercueil fut descendu dans la fosse près du bosquet de charmilles, côte à côte, pour ainsi dire, avec celui qui renfermait les restes de Mme Dalmont. Ce fut à cet instant-là, dit douloureusement Kermendrel, que j’éprouvai les tortures morales les plus cruelles qu’un homme puisse éprouver. Quand la bière disparut à nos yeux, une mélodie éclata de nouveau sur les flots calmes du lac : c’était la femelle du cygne qui chantait.

Ah ! s’écria le docteur plus douloureusement encore, comment n’ai-je pas songé à son chien ? À son chien favori qui n’avait pas fait entendre des aboiements funèbres, et que je découvris le lendemain attaché à la niche à l’entrée du chenil.

Tout s’en est mêlé, oui, absolument ! Foulon avait perdu la tête, le fossoyeur s’était trop pressé en besogne ! Je lui avais donné comme indication de ne combler la fosse qu’à demi, et quand, dans la nuit même, je courus au cercueil en entendant le coup de revolver, je la trouvai comblée, entièrement comblée !

– Eh ! mon Dieu ! dit quelqu’un ; peut-être le coup de feu provenait-il, comme vous l’aviez prévu, de l’effet des gaz ?

– Je voudrais le croire ! soupira Kermendrel, mais la science me le défend. Un temps suffisant ne s’était pas écoulé pour cela !

– Qu’en savez-vous, papa Kermendrel ? la chose est fort possible, si l’on songe que le consul était non plus à l’état cataleptique, mais à celui de cadavre depuis plusieurs jours !

– Tiens, mais il se pourrait que tu eusses raison ! dit Kermendrel à Mlle Mars. Je n’avais pas refléchi à cela ! »

Mais il redevint soucieux. On voyait bien qu’il n’était pas convaincu. Il nous en dit la raison en exprimant l’espoir que, si son ami s’était réveillé, il ne se fût pas manqué à la première balle.

« Voyez un peu quelle bizarrerie mêlée de terreur dans toute cette affaire ! Le matin qui succéda à la nuit où j’avais entendu le coup de revolver, j’aperçus la femelle du cygne, en compagnie d’un cygne superbe, également noir, avec, au-dessous de chaque œil, un point rouge, couleur de sang ! N’est-ce pas curieux ? Qu’en concluez-vous ?

– Moi, dit Mlle Mars, si je pouvais croire à la métempsycose, je souhaiterais aussi d’habiter un corps de cygne.

– Tu choisirais mal, voilà tout, répliqua Kermendrel à la grande comédienne. Ta place n’est ni sur l’eau, ni dans les roseaux, mais bien au ciel, dans une étoile. »
 
 

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(Georges Moreau, in L’Écho d’Oran, supplément littéraire illustré du dimanche, deuxième année, n° 4, dimanche 22 janvier 1899. Illustration de Helen Jacobs, pour « The Swan of Glasfryn, » in Legend Land: Being a Collection of Some of the Old Tales Told in Those Western Parts of Britain Served by the Great Western Railway, volume 3, 1923)