RÉSUMÉ DES CHAPITRES PRÉCÉDENTS

 

Le narrateur s’est lancé dans l’exploration de la mystérieuse maison aux 30 portes où demeure un certain professeur Gaultier qui a réussi à entrer en contact avec des univers inconnus co-existant dans l’espace. Les héros de l’histoire ont ouvert la 6e porte et ont pénétré dans une forêt à la végétation inconnue. Là, une étrange population d’hommes de verre était terrorisée par le professeur Gaultier. Celui-ci est capturé par les héros de l’histoire, mais il parvient à leur échapper. Il est tué, et les héros de l’histoire restent prisonniers au pays de la 4e dimension. Ils se lancent dans l’exploration du pays des hommes de verre. Ils finissent par découvrir les ruines d’un étrange chemin de fer électro-magnétique qui semblent les vestiges d’une civilisation disparue.
 

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Le soir venant, nous cherchâmes, dans un creux du roc, un abri contre le vent froid de la haute montagne ; et le gibier faisant défaut, nous dînâmes d’un peu de viande séchée et de quelques galettes. Notre refuge était une sorte de faille peu profonde, face, cette fois, au chemin que nous devions prendre le lendemain. Devant nous s’élevait une muraille quasi verticale, crevée comme d’un coup de sabre par une tranchée dans laquelle s’enfonçaient les anneaux du train magnétique.

La nuit vint. Enroulés dans nos couvertures, nous causions à voix basse, quand un spectacle inattendu nous fit dresser tous les deux.

Derrière la falaise qui bouchait notre horizon, un pinceau de lumière avait jailli, vertical, langue de flamme blanche dans le ciel obscurci. Un second s’alluma, puis un troisième et d’autres encore, les uns blancs comme le premier et d’autres colorés, vert, bleu pâle, rouge comme un faisceau de hallebardes étincelantes. Loya se serra contre moi, terrifiée, frissonnante : « Les hommes morts ! souffla-t-elle, les hommes morts ! »

Je la rassurai, lui caressant les cheveux.

« Mais non, Loya, ce n’est rien de surnaturel. Je pensais que tu ne croyais plus à ces balivernes ! Ceci n’est rien. Dans mon pays, nous savons produire ces lumières. Ce sont des projecteurs, comme les lampes de corne qui éclairent vos huttes, mais beaucoup plus puissantes… Il y a là des hommes et des femmes comme nous, peut-être plus savants, mais sans pouvoirs démoniaques… Les sorciers n’existent que dans les légendes. Il y a une ville derrière cette montagne, et demain nous trouverons des amis ; tu verras que tes craintes étaient vaines. »
 

*

 

L’aube vint et, mon impatience poussant, nous levâmes le camp en un temps record. L’idée de trouver des hommes civilisés m’enivrait presque. Certes, l’idée me vint que les habitants de cette partie de l’univers pourraient être hostiles, mais au fond de mon cœur, je ne le croyais pas. Avec le jour, les projecteurs s’étaient éteints et la falaise de porphyre noir avait repris son visage énigmatique et silencieux.

Escaladant les anneaux rouillés, nous nous engouffrâmes dans la faille. Et une question s’imposa : pourquoi cette voie de transport était-elle si visiblement abandonnée depuis des années ? Pourquoi les habitants inconnus n’avaient-ils jamais cherché à communiquer avec les hommes des pays voisins ? La réponse était, je le sentais, toute proche. Nous nous hâtions, avançant assez péniblement, enfouis jusqu’à mi-taille dans un amoncellement de plantes éblouissantes, hautes digitales cristallines, graminées qui semblaient des fils de verre, larges fleurs pourpres accrochées à la roche d’un noir de jais.

Deux heures de progression entre les deux murailles vertigineuses, écartées de moins de dix mètres, et formant un couloir incurvé de telle façon que, du milieu, il était impossible de distinguer l’une ou l’autre des extrémités. L’effet était oppressant. Les anneaux n’étaient plus élevés sur des piliers, mais accrochés de part et d’autre aux deux parois, à plus de cent mètres de haut, et qui, abrités par l’étroitesse même de la faille, avaient, semblait-il, mieux résisté aux injures du temps.

Et soudain, après avoir escaladé un gros rocher effondré en travers du chemin, nous débouchâmes dans un large cercle plat, encadré de montagnes vertigineuses. Devant nous, à nos pieds, toute blanche, parmi les parcs innombrables et les fantastiques éclaboussements des fleurs, le fût des arbres démesurés, une ville : la cité des hommes morts.
 

(À suivre)

 
 

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(H. Bourdens, in Le Petit Marocain, trente-septième année, n° 10124, jeudi 27 janvier 1949 ; ce très curieux roman « fantastique, » sur le thème des autres dimensions, n’a jamais été publié en volume ; il est précédemment paru dans L’Avant-Garde, organe central de la Fédération des jeunesses communistes de France, à partir de septembre 1946)

 
 
 

 

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(in Ce Soir, grand quotidien d’information indépendant, dixième année, n° 1549, vendredi 6 septembre 1946)