RÉSUMÉ DES CHAPITRES PRÉCÉDENTS

 

Le narrateur s’est lancé dans l’exploration de la mystérieuse maison aux 30 portes où demeure un certain professeur Gaultier qui a réussi à entrer en contact avec des univers inconnus co-existant dans l’espace. Les héros de l’histoire ont ouvert la 6e porte et ont pénétré dans une forêt à la végétation inconnue. Là, une étrange population d’hommes de verre était terrorisée par le professeur Gaultier. Celui-ci est capturé par les héros de l’histoire, mais il parvient à leur échapper. Il est tué, et les héros de l’histoire restent prisonniers au pays de la 4e dimension. Ils se lancent dans l’exploration du pays des hommes de verre. Ils finissent par découvrir les ruines d’un étrange chemin de fer électro-magnétique qui semblent les vestiges d’une civilisation disparue.
 

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« Sous le cyclotron géant, au centre de la fosse, un puisard avait été creusé, un trou minuscule, profond de quelques mètres, aboutissant à un égout qui passait sous le bâtiment central. Nous nous glissâmes près de l’ouverture.

« Passerons-nous ? »

Okra était sensiblement plus gros que moi.

« Allez le premier, me dit-il. Vous pourrez mieux m’aider et vous serez moins handicapé qu’en restant derrière ! »

Je me laissai couler. Okra suivit assez péniblement. Il devait être à mi-hauteur lorsque la porte céda. Je le tirai par les pieds. Quelle ne fut pas mon horreur de l’entendre soudain gémir, de sentir qu’il descendait flasque dans le conduit ! Un robot, l’apercevant dans sa fuite, avait laissé tomber une gueuse d’acier dans le puits. Il était mort, la boîte crânienne défoncée, en arrivant en bas.

Je m’élançai, horrifié, dans l’étroit passage. Mais j’entendis à mi-chemin le bruit strident de la sirène du laboratoire, qui annonçait la mise en marche du cyclotron, la production des rayons mortels. Seulement, cette fois-ci, les parois de plomb protectrices étaient béantes, les rayons libres de se répandre à travers la ville. Avant que j’ai pu atteindre le bâtiment central, la révolte était complète. Partout, les hommes tombaient sous les coups des machines affolées.

Cependant, au laboratoire des Oxydes, profitant des derniers moments d’obéissance des serviteurs d’acier, les savants avaient préparé une grande quantité d’ampoules d’acide. Quand la sirène sonna et que leurs robots se firent menaçants, un essai s’imposa : il fut concluant, les robots mis hors d’état de nuire. Une voiture sur laquelle la mémoire initiative était détraquée, trouvée dans un garage, put servir. Les chimistes parcoururent les rues, semant la destruction sur leur passage, jusqu’au bâtiment central où les robots s’étaient amassés et avaient massacré tous les hommes qu’ils avaient trouvés, sauf moi. De mes fenêtres, je suivais, impuissant, la bataille. Les robots écrasaient les hommes dans leurs bras d’acier, piétinaient les corps avant que de tomber eux-mêmes, atteint par l’acide. Cette extermination mutuelle régnait dans toute la ville. Les tanks endo-mécaniques s’étaient mis de la partie et défonçaient les bâtiments. Je suppose que beaucoup, en mourant, durent regretter amèrement d’avoir joué la machine contre l’homme, d’avoir voulu asservir le monde entier à leur bon plaisir ! »

La voix se tut un instant, le ronronnement du dictaphone seul se faisant entendre.

« Toute la nuit, le massacre se poursuivit. Les chimistes qui avaient tenté de me délivrer avaient péri, écrasés par le nombre. Leur voiture avait été broyée comme un jouet, mais des centaines de robots gisaient dans le bâtiment central. Une cuve d’acide avait été vidée du laboratoire des Oxydes dans les rues avoisinantes et, pataugeant dans les flaques, des milliers de robots, sans doute, périrent là encore. N’étant pas humains, ils ne connaissaient pas la peur. La mort n’était absolument rien pour eux, et ils passaient indifférents sur les débris de leurs camarades, pour tomber quelques pas plus loin.

Toute la seconde journée encore, il y eut des luttes sporadiques dans différents quartiers. Mais le soir, le crépuscule descendit, sanglant, sur une cité immobile, morte à jamais. Le dernier robot s’était arrêté, les émissions de force Oméga ayant cessé – et j’étais le dernier homme… à moins que des fuyards aient réussi à franchir à temps le col où personne n’est passé depuis un siècle. Pour aller où ? Il y a longtemps que les villes de l’extérieur ne sont plus que des ruines. Pour accroître notre puissance, nous livrions de si magnifiques guerres, où rien n’était épargné, ni personne… Notre cité, Mares, était la reine du monde, reine sans sujette, joyau magnifique, mais inutile et froide. Aujourd’hui, Mares est morte aussi, comme toutes ses vassales.

Voilà le récit de la fin de ma race. J’ai devant moi un verre d’acide destiné à conserver les matières organiques… Par une juste ironie, ce qui a réduit au calme le dernier robot va réduire au silence le dernier homme. À moins que…

À moins que d’autres vivent encore au-delà des montagnes. Pour moi, je n’ai plus de curiosité, ni d’envie de vivre. Homme de l’avenir je vous salue… »

L’enregistrement se terminait là. Je poussai le bouton de contact du dictaphone. Le ronronnement cessa.
 

(À suivre)

 
 

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(H. Bourdens, in Le Petit Marocain, trente-septième année, n° 10190, jeudi 14 avril 1949 ; ce très curieux roman « fantastique, » sur le thème des autres dimensions, n’a jamais été publié en volume ; il est précédemment paru dans L’Avant-Garde, organe central de la Fédération des jeunesses communistes de France, à partir de septembre 1946)

 
 
 

 

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(in Ce Soir, grand quotidien d’information indépendant, dixième année, n° 1549, vendredi 6 septembre 1946)