I

 

Dans ce jardin, entièrement clos de murs, ces trois personnages prenaient le thé à la façon de simples mortels faisant partie de ce qu’il est convenu d’appeler les heureux de ce monde et semblant seulement soucieux d’observer les rites mondains.

« Un peu de crème ? dit la jeune fille.

– Volontiers, Mademoiselle, répondit le jeune homme.

– Je préfère du rhum, » déclara le père, qui alluma un cigare d’une main tâtonnante, car il avait les yeux fatigués.

Les murs, prodigieusement hauts, laissaient tomber un faible rayon de jour du carré bleu reliant en large vitre le sommet des maisons voisines. Un lierre noir tapissait les grillages de lattes vertes sur les quatre côtés. On était bien chez soi, sans aucun regard indiscret, mais cela sentait le caveau. Un arbre, d’essence indéfinissable, poussait dans un angle, avec l’aspect d’un baigneur grelottant sous un peignoir mouillé. Des hortensias, d’un rose malade, étalaient une corbeille de leurs énormes fleurs en celluloïd et une statuette écaillée, comme rongée de lèpre, représentait l’Amour, au milieu d’un bassin empli de mousses, un vieil amour transi, boudant depuis des siècles.

La demeure de ces gens, d’apparence normale, montrait, à l’extérieur, une belle façade correctement moderne. À l’intérieur, elle avait une physionomie déconcertante de délabrement et d’ennui. En hiver, il n’y faisait pas chaud. En été, il n’y faisait pas clair. Une sensation d’isolement, sinon de sécurité, vous y saisissait à la gorge.

La vie, le flot humain, qui s’écoulait le long des rues du Quartier latin où se situait cette maison, battait sourdement les assises de son mystère sans l’entamer. Ses domestiques, toujours vieux, ses employés, praticiens rébarbatifs, toujours indifférents, dépouillaient, en y entrant, toute espèce de caractère ou de nuance et les maîtres, qui ne sortaient que très rarement, se raidissaient de plus en plus dans l’attente d’on ne savait quel extraordinaire événement.

La jeune fille portait un costume sombre, un de ces deuils qui s’éternisent par déférence ou négligence. Elle était pourtant jolie, quoique trop pâle, très blonde, avec des yeux d’eau, de la transparence des larmes. Elle paraissait extrêmement délicate et à peine âgée de dix-huit ans.

Le père était grand, robuste, vêtu d’habits bien coupés, mais sales, tachés d’éclaboussures singulièrement rousses. Sa figure, vulgaire, se fonçait aux pommettes, touchée par le fard d’un sang facilement mis en ébullition. Ses yeux, en saillies sur son visage, le durcissaient. Ses cheveux grisonnaient, très touffus, mal peignés, et sa barbe se hérissait en poils d’ours.

Quant au jeune homme, sans être élégant, il visait à la rectitude de la tenue, au chic anglais, affectait une allure indifférente que mentait la vivacité de son regard brun, lumineux, son masque mobile, sans barbe.

Le thé bu, la jeune fille se leva.

« Monsieur Clerget, avez-vous vu ma grenouille ? »

Le jeune homme eut un sourire de grande personne qui s’adresse à un enfant.

« Oui, Mademoiselle. Elle va de mieux eu mieux. Je l’ai mise sous les hortensias. D’instinct, elle se dirigera, certainement, vers le bassin, qui est encore humide, et si le docteur nous permettait de faire jouer le jet d’eau…

– Ah ! non, non ! s’écria le père d’un ton rogue. Ça, jamais ! Pour avoir des moustiques… Un seul de ces insectes ici, et je ne travaille plus. »

La jeune fille s’éloigna pour aller écarter les branches des arbustes.

Le père, de mauvaise humeur, murmura :

« Quoi, encore ?

– Cette grenouille, dont la survie intéresse Mlle Christiane, est plus à son aise dans l’herbe… Nous la retrouverons toujours… et cela faisait tant de plaisir à votre fille de la savoir libre…

– … Qu’elle se sauvera pour de bon, ou ira crever dans un coin inaccessible, et nous perdrons le résultat de notre expérience !… Christiane est folle, aussi folle que sa mère, vous m’entendez !

– En tous les cas, ses manies sont très douces, » objecta le jeune homme, ne souriant plus.

Le père haussa les épaules.

« Mon cher Clerget, vous êtes fou vous-même de prendre en considération ces sensibleries-là.

– Il faut bien amuser les naïfs, mon cher maître. C’est en les distrayant par un peu d’artifice qu’on les empêche de se révolter. Non, je ne crois pas votre fille vraiment atteinte, cérébralement parlant, mais elle finira par tomber malade physiquement. L’anémie la guette. Songez qu’il lui est interdit de jouer du piano, de chanter, d’ouvrir les fenêtres…

– Eh ! que n’a-t-elle des amies à voir au-dehors ! Est-ce que je l’empêche de sortir, d’aller se promener ?

– Les amies qu’on va voir au-dehors s’étonnent de ne pas être reçues au-dedans. Par délicatesse, Mlle Christiane Brandt, fille unique d’un grand savant, ne veut pas risquer votre réputation de courtoisie… »

Le docteur Brandt jeta son cigare et l’écrasa du pied en grognant :

« La délicatesse est toujours une sottise vis-à-vis des curieux. Moi, je n’aime pas les curieux, ni les curieuses. À propos de la grenouille, et cette fameuse souris opérée, recousue depuis plus d’une semaine ? Que devient-elle ? Vous êtes un excellent opérateur, mais un préparateur un peu lent. Les tissus sont entièrement détruits, hein ? »

Le préparateur du docteur Brandt baissa le ton.

« Justement ! Il s’agit d’une nouvelle épreuve. Mlle Christiane doit la rencontrer sur le même chemin que la grenouille. Regardez bien. Je tiens beaucoup à nous contrôler nous-mêmes par de jeunes yeux dont la sensibilité n’est pas facilement trompée. »

Les deux hommes se tournèrent du côté des hortensias. Ils entendirent bientôt un petit cri de femme nerveuse et presque aussitôt une exclamation de joie, d’une pauvre joie d’enfant qui n’ose pas se manifester. Un petit objet blanc traversait la pelouse, en perle nacrée, roulant sur un velours sombre. Était-ce un objet ou un animal ? Il avait forme de souris, mais…

« Puis-je y toucher ? demanda la jeune fille, qui s’était agenouillée dans l’herbe. J’ai dû la faire fuir en agitant des feuilles…

– Certainement, Mademoiselle, dit Clerget avec une appréhension dans l’accent, si vous n’avez pas plus peur d’elle que d’une grenouille. Je sais que toutes les femmes ont la frayeur nerveuse des souris.

– Oui, oui, très bien, ça ! gronda le docteur Brant d’une voix sourde. Les femmes enceintes en ont même peur aux lieu et place de leur progéniture, qui naît assez souvent avec une tache velue prouvant l’électrisation des épidermes. »

Presque au même instant, il y eut un second cri, mais celui-là plus poignant, un cri d’une horreur sans nom, d’un effroi qui s’apparentait à celui des héroïnes du Dante entrant dans un nouveau cercle de leur enfer, et la jeune fille, debout sur la pelouse vert sombre, se cachait le visage de ses mains crispées. En face d’elle, le petit amour la contemplait avec une affreuse grimace qui pouvait bien vouloir être un sourire…

Les mondains, ayant échangé les phrases banales de l’heure du thé, franchissaient, à présent, le pas qui les conduisait à l’heure du drame, et s’il y avait eu là des spectateurs, aucun d’eux n’aurait pu comprendre ce drame, car il n’appartenait à aucune des situations connues, légendaires ou non.

… Sur la pelouse évoluait une souris blanche. Elle allait et venait, tournant sur elle-même avec des mouvements saccadés. Sa queue rose, du rose malade des hortensias, battait l’herbe en sifflant comme un petit reptile. Elle sautait brusquement, cherchant à voir plus haut et, chose déconcertante en l’occurrence, elle n’avait pas d’yeux, puisqu’elle n’avait pas de tête.

« Apporte-moi ça, cria impérieusement le docteur Brandt à sa fille toujours immobile dans sa pose terrifiée, et tâche de dompter tes nerfs ou ne me donne pas l’occasion de me fâcher. Tu sais que ça fait mal aux miens. »

Les yeux globuleux du professeur sortaient de plus en plus de leurs orbites et ses pommettes tournaient au pourpre.

D’une allure mesurée, sans hâte, mais non sans crainte, une crainte bizarre de la part d’un jeune médecin de trente ans, Justin Clerget se dirigea vers la jeune fille, s’inclina comme pour chercher la souris et murmura affectueusement :

« Qu’avez-vous, Mademoiselle Christiane ? Vous étiez prévenue. Je vous jure, sur mon respectueux dévouement pour vous et votre père, que cette petite bête ne souffre pas plus que l’autre. Elle est guérie. Pourquoi avez-vous crié ? Vous avez donc peur des souris blanches ?… »

Alors, la jeune fille lui répondit d’une voix mourante :

« Oh ! Monsieur Justin !… j’ai failli me trouver mal parce que, oui, parce que j’ai compris qu’elle ne pouvait plus souffrir et j’ai eu peur de vous… encore plus peur de vous que de mon père ! »

Une seconde, ils se regardèrent avec un immense désespoir, un désespoir se communiquant sans paroles, ne pouvant pas s’expliquer, ne risquant pas un geste de dénégation ou d’affirmation.

… Et la petite souris blanche allait et venait autour d’eux, bien jolie, bien propre, nette comme un objet de soie, lisse et lustrée, la peau du cou si bien recollée sur la plaie, jadis béante de sa décollation, qu’elle semblait née pour vivre sans tête.
 

II

 

Le docteur Christian Brandt, professeur à l’École de médecine, s’était retiré de bonne heure de la science militante et de toutes les luttes de la vie publique pour s’enfermer avec une idée fixe. Sa femme, morte folle, très jeune, en lui laissant une fille de santé délicate à élever, il avait mis son enfant en pension entière pour l’éloigner du champ clos de ses expériences, mais il avait dû la reprendre chez lui, après une maladie de croissance, pour essayer de la soigner selon ses méthodes. Riche, le savant l’était assez pour s’offrir tous les luxes, y compris celui d’être un père avare de caresses. Ce maniaque, voyant naturellement des fous partout, puisqu’il avait été, jusqu’à un certain point, victime de sa femme, ne se rendait pas compte de ses agitations particulières et n’admettait point les divergences d’opinions.

Le docteur Brandt s’occupait uniquement du problème de la survie. Abandonnant les grands maux et les grands remèdes, les publicités relativement faciles sur la guérison du cancer ou de l’appendicite, il s’était replongé dans le silence de son laboratoire pour creuser à son aise, et selon des procédés neufs, la troublante question de la survivance, plus ou moins prolongée, des tissus. Excellent chirurgien, il aurait pu gagner des fortunes par des opérations connues, mais il recherchait tout autre chose que la fortune et la guérison des patients. Il rêvait de l’inconnu. Dans l’anatomie du corps humain, qui n’avait plus de mystère pour lui, devait résider le moteur, la cellule-mère ou la glande initiale, la mécanique, le ressort, le point de départ du fonctionnement régulier de la vie. Ce générateur se plaçait-il dans le cœur ou dans le cerveau ? Et la vie végétative d’un corps était-elle plus longue ou moins complète que la vie consciente, après l’ablation de la pensée ? De toutes les expériences faites sur les décapités depuis que la guillotine a permis aux gens de science de mesurer le degré de sur-souffrance qu’on peut infliger à un condamné après sa mort, il ne retenait qu’un phénomène, fort obscur, mais très attrayant à cause de son obscurité même : on peut suppléer à la vie par une survie réelle, quoique d’apparence factice. Cela ne dure que quelques minutes. Restait donc à découvrir le moyen de prolonger cet éclair dans la nuit. Des cœurs d’animaux battent encore longtemps dans certaines mixtures (et alors qu’un cœur d’homme vivant peut demeurer froid au fond d’une robuste poitrine) ; le cœur d’une colombe, arraché à sa frêle enveloppe, palpite encore effroyablement… Et si le limaçon décapité renouvelle, par ses propres moyens, ses yeux pédonculés, sa bouche en suçoir, ne pourrait-on pas, par une série de transformations qui restaient à imposer à des sujets choisis, surprendre le secret d’une survie plus intense conduisant, de tâtonnement en tâtonnement, à la prolongation de la vie réelle ? Il aurait fallu le bon sujet, le guillotiné, par exemple. Mais cela ne se rencontrait pas tous les jours dans un laboratoire ! Aussi, tout ce qu’on avait la permission de décoller sans encourir les observations de la police, le docteur Brant l’avait décollé… et recollé. Il tuait sûrement pour faire revivre vaguement. Son hôtel de la rue Gay-Lussac était, par excellence, l’antre de la mort obtenue par les supplices les plus raffinés conduisant au dernier spasme de la pleine connaissance de la douleur pour aboutir aux pseudo-convulsions d’outre-tombe, à la survie mécanique, très inconsciente, d’un membre s’agitant dans une suite de gestes qui subsistaient comme autant de protestation contre l’inutilité de l’effort.

La survie du docteur Brandt était appréciée d’un très petit nombre de professeurs, et si on admirait ce maniaque pour sa persévérance dans un travail, quoique absurde, on disait tout bas qu’il obéissait à de morbides impulsions, façon polie ou politique de le déclarer en dehors des cliniques légalement agréées par les publicités louangeuses.

Peu à peu, il avait dû rompre avec de vieux camarades du monde médical, des élèves, des clients. De tous ses disciples, il ne demeurait fidèle que Justin Clerget, jeune chirurgien très distingué, son opérateur et son préparateur, à la fois chimiste et mécanicien. Grâce à son précieux concours, quand le professeur Brandt fut atteint d’une ophtalmie purulente, il put organiser, dans son propre hôtel, des ateliers de mécanothérapie, de réglage et de montage d’instruments électriques, et poursuivre la série de ses expériences dont les conclusions l’enthousiasmèrent.

Ce jeune homme, malgré sa froideur apparente, portait en lui une terrible flamme qui projetait sa lueur vengeresse sur l’envers des choses. Il n’aimait peut-être pas la science pour elle-même et la croyait seulement un moyen d’arriver à des résultats généreux. La survie l’intéressait moins que la vie, et il préférait, certainement, l’invention, la création, à la destruction pour une résurrection improbable.

Il avait des yeux, de bons yeux, pour voir autour de lui si son maître ne regardait jamais à côté. Il voyait donc la jolie fille triste derrière le père cruel, cette enfant trop jeune maîtresse de maison, épuisée par les émotions contenues et toutes les responsabilités ménagères, naïvement tourmentée de sentir que d’humbles créatures souffraient dans la même prison qu’elle.

Il ne tarda pas à l’aimer encore plus pour sa faiblesse que pour sa beauté et s’efforça de lui plaire par des attentions de grand frère désireux d’amuser la petite sœur, de l’empêcher de pleurer surtout. Christiane Brandt froissée, heurtée perpétuellement aux détails rigides d’une existence scientifique tout à fait anormale, respirait difficilement l’air impur des laboratoires, s’étiolait, comme desséchée par le feu infernal entretenu en l’honneur du génie dont la prochaine découverte devait étonner le monde. Elle ne se plaignait pas, mais elle finissait, elle aussi, par se survivre à peine, tel un corps sans âme, perdant la notion de l’existence réelle… Ce pourquoi cet amour de jeune savant, qui savait des choses que l’autre, le vieux, ignorait profondément, essayait de guérir quelques pauvres animaux que Christiane avait fatalement entrevus dans les affres de leur trop longue agonie…

« Clerget, mon cher opérateur, avait déclaré le docteur Brandt, répondant d’avance à l’éventuelle demande en mariage, je vous en préviens : pas d’amourette chez moi. Je ne vous donnerai pas ma fille, simplement parce qu’elle est tarée. C’est une candidate à la folie. Son atavisme et sa mauvaise constitution la condamnent à végéter sans produire. Elle est d’ailleurs incapable de distinguer un nerf d’un muscle ; elle ne comprend rien à nos travaux, et je ne saisis pas du tout ce qui vous intéresse en elle ! Vous êtes un homme sérieux. J’ai besoin de vous et je vous garde, car vous êtes le seul digne de me suivre jusqu’où je veux aller. Si vous deveniez mon gendre, je n’aurais plus aucune autorité sur vous. En outre, je vous estime trop pour tolérer votre malheur, un malheur pareil au mien. Avant l’amour, il y a le devoir de ne pas procréer des enfants cardiaques, tuberculeux ou simplement malsains d’esprit. Cette fille de dix-huit ans, qui s’évanouit en voyant bondir un singe décapité, alors qu’elle devrait, au contraire, s’émerveiller de l’aventure, est en pleine dégénérescence. Je ne lui refuse ni les toilettes, ni les bijoux, ni les distractions de son âge, mais je ne veux point commettre un crime contre ma méthode de sélection en la mariant… Tant que nous ne saurons pas pourquoi s’arrête le mécanisme de la vie, nous n’aurons pas le droit de le mettre en marche. C’est en créant à tort et à travers qu’on fabrique des créatures de plus en plus atrophiées.

– J’espère, cher maître, répondit Justin Clerget, avec une déférente réserve, que vous ne me croyez pas capable d’arrivisme ? Je suis pauvre. Tout ce que je gagne, science et argent, c’est à vous que je le dois… Je n’oserais jamais lever mes regards si haut.

– J’ai confiance en vous, mon ami. Vous ne serez pas mon gendre, mais vous deviendrez mon héritier, le seul dépositaire de mes formules. Je ne tiens guère à la gloire. Je vous la souhaite si vous me continuez. Elle vaut mieux que la fortune. »

Puis, lui frappant durement sur l’épaule, il ajouta :

« Vous penserez aux joies de la procréation, mon gaillard, quand vous aurez fait pour un homme ce que vous avez fait, grâce à la bonne application de mon système, pour la grenouille et pour la souris. Les temps sont proches ! On m’a promis, en haut lieu, notre condamné à mort tout chaud… »

Ce fut ce jour-là que Justin Clerget conçut pour son maître et cher professeur un mépris furieux, qui ressemblait à de la haine, car il s’apercevait que le vrai candidat à la folie n’était pas celui qu’on pensait.
 
 

 

III

 

C’était encore la nuit, la pointe de l’aube. Dans une des salles basses de son hôtel, le professeur Christian Brandt avait réuni quelques anciens collègues, des sceptiques, aussi des croyants, admirant ce grand dédaigneux des gains faciles ou de la gloire frelatée qui s’enterrait dans une mystérieuse étude de l’impossible, tunnel bouché ne menant à rien, mais où on avait la chance, parfois, de découvrir une mine, un filon d’or inexploré. N’était-ce pas en cherchant la pierre philosophale que certains alchimistes entêtés avaient trouvé de merveilleuses recettes, riches incidents ne faisant que mieux ressortir la sordide puérilité du grand-œuvre ?

On causait très bas en attendant le moment pénible où le principal personnage de la scène ferait son apparition. Une voiture à caisse longue venait d’apporter, dans la cour intérieure de la maison, le funèbre colis. Ces hommes espéraient cela depuis des années, les plus jeunes depuis toujours. Il fallait tant de protections, de formalités et un si grand luxe de précaution, qu’on ne pouvait guère songer à s’offrir ce régal scientifique sans être un favori de la fortune. Brandt, lui, réunissait toutes les conditions requises, et s’il avait les yeux usés, il voyait par ceux de Justin Clerget, son habile préparateur.

On demeurait entre hommes du même monde, de ce monde spécial qui va des expériences extraordinaires aux morts très ordinaires et de l’exercice du médecin légiste toujours concluant, à l’opération chirurgicale des plus risquées réussissant toujours… au moins jusqu’à la fin du patient.

Cette nuit-là, le corps du supplicié ne donna aucun réflexe vraiment intéressant. Il se montrait sain, bien constitué, et devait vivre un siècle (ce qui aurait pu lui permettre d’améliorer son moral). Le grand Wetzel fit la réflexion, assez profonde, qu’un corps d’assassin nu ressemble souvent, en mieux, à celui d’un brave garçon incapable de tuer un mouche et que, presque toujours, ces bouchers-là étaient comme les étalons de la race humaine.

« Taillés en force pour tailler fortement, » objecta Bompars.

Le vieux Clément Charière parla de Pranzini, qu’il avait vu avant et après son opération, et dont la peau, d’une notable finesse, avait servi à faire des blagues.

« C’était un modèle d’athlète, affirma-t-il, ayant des yeux pailletés de tigre en chasse, et on dit que des femmes… »

Ici, il y eut de petits rires, étouffés aussitôt par la gravité de la circonstance. On n’était pas là pour s’amuser de ces histoires d’alcôves, et, du reste, le maître de la maison ne l’aurait pas permis. Lorsque la tête fut enfin mise en lumière par Justin Clerget, on reforma le cercle, et tous les savants, têtes vissées à des corps relativement en bon état, se penchèrent avec une intense émotion sur le sujet.

« Vous remarquerez, dit le professeur Brandt, professant malgré lui en des gestes nerveux, que mon opérateur a eu le soin d’obturer la plaie. Une toile de caoutchouc empêche de se vider complètement ce que j’appellerai la poche cérébrale. Si on pouvait arrêter net l’effusion du sang, nous aurions certainement à sérier ce très curieux phénomène. Il est flagrant que la survie, pour seulement végétative ou simplement animale qu’elle puisse nous paraître, perdue d’abord par la souffrance et qui souffre, est. Le fameux : je pense, donc je suis peut ici se remplacer par cet axiome que la prolongation de la douleur n’est que la prolongation de la vie consciente. Or, prolonger la douleur ou l’existence, voilà le problème ! Je crois, contrairement à toutes les lois connues, que l’on peut survivre à la décapitation, si on n’en guérit pas, une minute, une heure, un jour, peut-être plus. Mon opérateur vous dira, Messieurs, qu’une grenouille, entièrement vidée de ses entrailles et complètement retournée, s’est promenée sur la pelouse de mon jardin ; que ma fille a pu tenir, toucher du doigt, une souris sans tête, le cou entièrement cicatrisé et recouvert de poils blancs ayant repoussé à la place. Sans la sotte émotion de cette enfant, qui laissa échapper ces animaux, nous aurions eu le plaisir de les soumettre à votre examen…

– Mais, interrompit le grand Wetzel effaré, une survie végétative, la croissance du poil, par exemple, dans les tissus épidermiques, comme celle qui fut remarquée pour la barbe de Napoléon Ier repoussée longtemps après sa mort, lors de son transfert aux Invalides, n’est pas un phénomène de la vie ! Votre souris ne marchait pas… et ne s’alimentait plus, je pense.

– Mais si, elle marchait, trottait et s’alimentait d’un liquide que mon opérateur lui injectait sous la peau, liquide dont je suis seul à connaître la formule. Elle s’alimentait comme un jour prochain s’alimenteront les humains, renonçant enfin au vieux système nutritif à la fois encombrant et malpropre. De simples sérums, de simples pastilles dont la composition ne retiendra que l’essentiel de toutes matières d’accroissement, des injections portant directement dans les veines les globules nécessaires à la bonne circulation du sang. Pourquoi voulez-vous avaler, digérer, et… le reste ? C’est fastidieux ! Dangereux, surtout ! »

Ce diable d’homme avait réponse à tout.

« Votre souris, ou votre rat, se réparait-il dans le sommeil ? Est-ce qu’il y avait repos ou détente des organes ? questionna Charière, qui n’était nullement convaincu.

– Non, murmura l’opérateur doucement ; la nuit, on la plaçait dans un bain destiné à entretenir l’élasticité de ses membres. C’est tout ce que j’ai la permission de vous révéler. »

On se tut. La tête coupée imitait leur silence ahuri. Elle paraissait dormir. Elle ne put leur fournir que la série des phénomènes déjà étudiés : la pupille des yeux se révulsant au contact d’une pointe, les paupières battant l’une après l’autre, la bouche se crispant dans un horrible bâillement de suprême fatigue. On l’appela, on lui cria des choses dans les oreilles. Mais elle finit par refermer les yeux pendant qu’une sueur visqueuse découlait le long de ses joues, de plus en plus flasques.

« Nous allons conserver cette tête pour une plus ample analyse, déclara le docteur Brandt en proie à une sorte de fièvre prophétique, et, peut-être pourrons-nous, un jour prochain, vous convier de nouveau à une irréfutable manifestation de la survie que, moi et mon opérateur, nous ne doutons pas de prolonger au moins une semaine. Cette fois, l’opération est bien plus délicate que pour un petit animal privé de la tête, un animal réagissant à la façon des plantes. Nous allons nous attaquer à une tête privée de corps.

Jusqu’ici, nous errons dans les dédales de l’inconscient mécanisme du moteur. Maintenant, nous sommes en pleine centralisation du mouvement. Il n’est pas défendu d’espérer enfin d’en découvrir la clé. L’habileté de mon élève est telle, que, voyant et agissant par lui, je ne doute plus d’un résultat autrement sérieux que celui de la souris perdue. Ah ! si nous avions pu préserver l’effusion du sang… »

L’audace n’étonnait pas ; mais le corps savant, constitué là devant la section nette d’un autre corps détruit, supériorité d’un état sur un autre état, s’irritait de sentir qu’on lui cachait beaucoup de choses. Ces Messieurs se retirèrent avec force compliments qui ressemblaient à des condoléances.

« Il est amusant avec son arrêt de l’effusion du sang, bougonna le grand Wetzel dans la cour  ; c’est l’abolition de la peine de mort qu’il nous annonce en d’autres termes ! »

Comment le docteur Christian Brandt avait-il eu la permission de conserver la tête de l’assassin guillotiné ? Cela aussi parut un étrange mystère. Toujours est-il que Justin Clerget ne le laissa plus professer en grands gestes tâtonnants et désordonnés. Il enferma le sujet dans une armoire. La préparation fut longue, remplie d’incidents désagréables. Brandt bouillait d’impatience. Il apprit que le pigment changeait, que les cheveux s’allongeaient, que la barbe poussait, mais que les paupières demeuraient closes, collées sur des yeux effroyablement chassieux. Puis, peu à peu, cela finit par s’organiser ; l’ordre rentra dans le désordre et l’idée du docteur Brandt prit corps, si on peut s’exprimer ainsi à propos d’une tête qui, justement, n’en possédait plus.

La peau du col, très proprement ligaturée, était en bonne voie de cicatrisation ; donc, les tissus, les fameux tissus n’étaient point détruits. Au bout de trois jours, les paupières s’ouvrirent, sur des prunelles relativement claires, et les lèvres s’agitèrent d’un mouvement régulier. Il n’était pas encore indiqué de lui faire dire oui ou non en imitant la sottise des spirites qui osent douer de réflexion les matières inertes, alors qu’elles ont une puissance dynamique autrement intéressante que celles de la pensée… Enfin, la bouche (et alors le professeur de la survie fut invité à en juger par lui-même), la bouche mordit ! Ayant posé son index hésitant sur les dents du supplicié, Christian Brandt fut pincé, cruellement pincé dans l’engrenage des complications qu’il avait suscitées.

Brandt eut un bon rire indulgent, comme on en aurait pour un jeune chien au dressage.

« Il fallait s’y attendre, dit-il, tout en aseptisant son doigt blessé, c’est la répercussion du déclic du couteau sur une intelligence atrophiée par l’hémorragie. La tête, ou le pauvre diable qui la portait, se venge sans le savoir.

– Qu’en concluez-vous, mon cher maître ? demanda Clerget, toujours avide de s’instruire, lui, le passif instrument d’un génie aventureux.

– Je conclus qu’il y a survie et peut-être survie de la pensée ! Qui se venge existe, peu importe comment ! s’écria le grand homme, se mettant à pontifier sous l’empire d’une joie éperdue. Encore un jour… il criera ! Supposez que nous puissions le conserver deux semaines… Ou, mieux, si nous obtenions une autre tête ? Celui-là, c’est évident, ne parlera que difficilement ; la glotte est paralysée par l’obstruction d’un caillot dans sa fente, mais… songez-y, Clerget. La vie végétative bien réglée ressemble à une vie mécanique… et, de même que l’insecte parfait n’accomplit que ce qu’il doit accomplir, de même ce sujet ne fera que ce que nous déciderons… »

Justin Clerget eut un sourire complaisant.

« Je l’espère, mon cher Maître, sinon… ce serait terrifiant pour nous puisqu’il mord déjà sans notre permission ! »
 

IV

 

Le maître ne vivait plus, lui, que pour son sujet et c’était le plus sinistre des tête-à-tête. Il prenait ses repas dans la salle de leurs opérations dont les portes-fenêtres donnaient sur le jardin de l’hôtel. Là, en face de la cage de verre où reposait le chef de l’assassin, le grand médecin et le petit bandit demeuraient en présence. Ce dernier, les yeux clos, les joues pendantes, avait l’air d’une boule de caoutchouc graisseux d’où débordaient des cheveux et une barbe à la Christian Brandt, et se laissait contempler sans témoigner la moindre survie de son irritation.

De temps en temps, le savant constatait une transformation des tissus, un abaissement du nez sur la bouche ou des creux dans les joues… Mais quand, le septième jour, les mâchoires jouèrent tout à coup pour une espèce de cri, affreux gargouillement de ressort rouillé où le pus, quelques fermentations ignorées, chassant la langue sur les dents, les forcèrent à s’entrouvrir sous un choc imprévu, le docteur Brandt se leva, bondit, enivré d’orgueil.

« Je suis immortel, Clerget, et vous serez mon prophète ! Non seulement il vit encore, mais il appelle au secours ! C’est plus fort, plus normal que la parole. Ah ! mon cher enfant, sans vous, sans vos yeux, sans vos mains, sans votre patience et votre foi en ma méthode !… Quel honneur pour nous, pour la science, ce miracle réalisé par votre travail uni à mon génie ! Une survie de sept jours !… Dieu a mis le temps, disent les Écritures, pour créer le monde lui aussi !… Comprenez-moi, Clerget, le doute ne leur est plus possible et, cela, oui, n’a pas de signification précise… c’est comme tous les miracles, qui n’engagent que ceux qui les font. Il ne s’agit plus là de la tête d’un veau fraîchement décapitée, cette opération à la portée du premier chirurgien venu et tant de fois rééditée… Cela, c’est la tête d’un homme et elle subsiste avec sa pensée principale, sa sensation de fin dernière : la guillotine, le prolongement de sa terreur, de sa douleur, nous offrant le seul témoignage de la présence réelle de la vie absolument conforme à la poussée de l’instinct. Il mord et il crie.

Cette tête, c’est l’animal complet, le successeur de l’homme… ou son prédécesseur. Ah ! si on pouvait lui demander son avis…

– Il répondrait certainement qu’il tient à en finir, car la paix, l’absolution de la tombe lui est due, murmura Clerget, très inquiet de la tournure que prenaient les événements.

– Justin, vous êtes un obstiné sentimental. Il faut, vous, et maintenant, revenir à des réalités urgentes. Nous allons préparer une réunion immédiate de nos confrères et une communication à l’Académie. Assez de modestie et de silence. Il faut convoquer ici ces Messieurs pour les confondre. J’ai eu tort de douter de moi. Sept jours ! Dépêchons-nous, d’autant plus que nous sommes au bout du rouleau de cette survie. Clerget, je vous le dis en vérité, je serai immortel ! J’abandonne toute idée de renoncement… Je me dois au grand public. »

Clerget eut un violent tressaillement, lui toujours si calme.

« Vous allez leur montrer cette tête encore une fois ? Vous savez que vous êtes en contravention puisque nous sommes censés l’avoir rendue à la justice. Et ne craignez-vous pas qu’entre leurs mains curieuses, elle se décompose tout à fait, n’étant qu’à peine soutenue par ses armatures de… Ils vont la détériorer. Tout cela n’est qu’une fragile mise en scène et des incrédules touchant au miracle… c’est bien dangereux pour l’avenir de nos découvertes. Vous ne m’aviez pas prévenu de ce dénouement ?

– Clerget, assez de remords ! Vous n’êtes bon à rien, en dehors de vos travaux d’opérateur ! Vous allez encore laisser échapper la petite bête, hein ? Que désirez-vous donc pour votre récompense personnelle ? Vous serez cité en bonne place à mes côtés. Vous aurez l’argent, la gloire ! Ah ! j’y suis ! Vous avez peur pour ma fille, car il faudra bien qu’elle apprenne cette histoire ?… Il est difficile de lui laisser ignorer la mondiale renommée de son père, à cause des journaux. Fichtre ! Oui ! J’avais, en effet, oublié. Je ne la vois pas en présence d’une tête de guillotiné ressuscitée, et je ne tiens pas du tout, cette fois, à la laisser jouer avec pour qu’elle laisse fuir le témoin. Clerget ? Avez-vous une idée, vous, le sentimental, en ce qui concerne une explication ? Ça n’ira pas tout droit. Je m’adresse à vous pour nous garer des ennuis inhérents à ces sortes d’expériences sur les femmes. Si on la remettait en pension entière, le temps de recevoir les délégations ? »

Clerget alla vers la porte-fenêtre de la salle d’opération, qui donnait sur le petit jardin sépulcral où l’on prenait le thé aux beaux soirs. On devinait qu’ils souffrait affreusement et que son angoisse augmentait avec l’imminence d’un danger moral déjà envisagé, soit pour la raison de l’enfant, soit pour ses particulières conception de la gloire.

« Que direz-vous, cher maître, si Mlle Christiane venait ici et contemplait cette tête, sans le moindre dégoût ? »

Le père eut un geste de révolte.

« Vous risqueriez une pareille confrontation avec un sujet, un candidat à la folie ? Vous plaisantez, je pense ! Il ne faudrait pas nous fourrer tous les deux dans le guêpier d’une crise de nerfs à ce tournant de notre histoire, mon cher garçon. Ça, je m’y oppose !

– Et si la raison de Mlle votre fille résistait à la très franche explication que nous aurions devant elle ? Si je l’avais préparée, moi, dont le rôle ici est celui du préparateur, du toujours modeste préparateur… les femmes sont sujettes à l’erreur presque autant qu’à la crise de nerfs…

– Allons ! allons ! fit le savant, en riant tout à coup de son gros rire d’illuminé. Faut-il comprendre que vous aviez déjà parlé ensemble de ma prochaine victoire ou que vous lui avez conté des blagues ? Vous êtes, vous, le candidat à la survie conjugale… J’aurais dû m’en souvenir. Vous tenez à nous mettre la corde au cou ? Appelez ma fille. Nous tenterons de la convaincre, si elle ne l’est pas déjà tout à fait. »

Justin Clerget ouvrit doucement la porte-fenêtre et appela, d’une voix qui s’étranglait et sifflait sur ses dents à l’imitation de celle du pauvre assassin. Lui, comme l’autre, appelait à son secours. Il savait qu’elle était là, errant dans son tourment personnel autour de la pelouse qui semblait recouvrir des tombes.

« Mademoiselle Christiane, voulez-vous venir un instant, je vous prie ? Monsieur votre père vous demande. »

Et, plus bas, il ajouta, résigné aux pires aventures :

«  Moi, je remets mon sort entre vos mains, Christiane ! »

Ce fut une apparition exquise.

Elle entra en laissant passer, avec elle, comme un flot d’espérance, toute l’atmosphère d’un beau vert émeraude de ce petit réduit végétal où l’on apercevait, sur le fond des hortensias rose pâle, cet amour transi qui grimaçait douloureusement. Elle vint, s’efforçant à la correction de sa silhouette d’intruse dans le sanctuaire de la science, très blanche, très blonde, mais toujours en deuil. Allait-elle donc consentir à la gloire épouvantable des deux démons de la survie ?

« Que me veux-tu, père ? fit-elle, sans aller devant la cage de cristal où reposait la tête, fantôme lamentable d’une opération expiatoire.

– Regarde-moi ça ! cria le docteur Brandt, dont l’enthousiasme débordait en constatant que l’entrevue serait moins tragique qu’il ne le supposait. Il vit encore ! Tu peux lui parler, le toucher… seulement pas sur la bouche, car, s’il n’est pas mort, il mord ! On a dû te raconter l’histoire ? Te préparer, à ton tour, hein ? Rends-toi compte par toi-même, ma chère enfant, et un peu de courage, si tu veux, plus tard, devenir la femme d’un médecin. »

Christiane regardait alternativement son père et Justin Clerget.

« Oui, dit-elle enfin avec un sourire triste. Je sais tout. Ton préparateur est bien habile, et j’ai encore plus peur de lui que de toi, mon père. Pardonne-lui ! Mais, au nom de ta gloire, il faut que ceci disparaisse… »

Elle se haussa jusqu’à la cage de cristal, saisit à bras tendus, sans répulsion, sans nervosité, cette tête exsangue, ainsi qu’elle aurait pu le faire pour un objet quelconque ; et, méprisante, la laissa tomber de toute la hauteur de ses mains levées sur les dalles de marbre du laboratoire, où elle se brisa dans un inexplicable bruit de ressort qui se disloque…

… Comme la grenouille, comme la souris, ce n’était qu’un effrayant jouet mécanique, chef-d’œuvre de la patience de Justin Clerget.

Le docteur Christian Brandt n’eut pas la peine d’accorder la main de sa fille à son opérateur, car il mourut le soir même, frappé par une apoplexie foudroyante, sinon par sa terrible déception.
 
 

FIN

 
 

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(Mme Rachilde, in Ève, le premier quotidien illustré de la femme, première année, n° 24, 25 et 26, dimanche 14, lundi 15 et mardi 16 mars 1920)