Une jeune fille enlevée dans la baie d’Hudson par des êtres extraordinaires, qui tiennent à la fois de l’homme, de l’ours et du singe.
L’aventure que nous allons raconter peut paraître extraordinaire. Elle vient en droite ligne d’Amérique, et celui qui en fit le récit est un Canadien français, vieux loup de mer qui a le mensonge en horreur. Il se nomme Prudent Fournier, et il est munitionnaire à bord du steamer Stord, qui fait de fréquents voyages à la baie d’Hudson.
Le brave matelot revint dernièrement d’une croisière dans les eaux glacées de cette région, où son navire était allé chercher des fourrures pour le compte d’un commerçant parisien.
Les trappeurs et les Esquimaux qui fréquentent cette partie du continent américain lui avaient bien souvent affirmé qu’il existait dans ces régions polaires une race humaine extraordinaire et dont jamais on n’avait pu étudier les mœurs.
Aussi peu crédule que possible, Prudent Fournier se refusait à admettre cette version ; aussi accepta-t-il avec joie de faire partie d’une petite expédition qui devait lui démontrer qu’il avait tort d’être aussi sceptique.
Les explorateurs, après plusieurs journées de marche, arrivèrent sur un terrain sablonneux. Ils marchèrent pendant des lieues et, avant d’arriver à une forêt très touffue, ils aperçurent sur le sable où leurs bottes laissaient à peine des traces, des empreintes de quatre pouces de profondeur.
Ils se mirent en embuscade et, après une heure d’attente, alors que déclinait le soleil, ils virent sortir de la forêt un être bâti comme un homme gigantesque et pouvant peser à peu près cinq cents kilos.
Ce phénomène, absolument dénué de tout vêtement, avait le corps couvert de poils comme un ours. Il marchait d’un pas pesant ; tout à coup, effrayé par un bruit quelconque, il se sauva avec une surprenante agilité.
Quelques instants après, il reparut avec deux compagnons dont l’un était plus petit que les deux autres. M. Prudent Fournier déchargea sur eux sa carabine, mais sans les atteindre.
La seule personne qui ait vu de près ces êtres surprenants est une charmante jeune fille de quinze ans, Mlle Rosa Michalen.
Elle accompagnait son père et son oncle à la chasse dans la région dont nous venons de parler, quand l’un de ces êtres inconnus se jeta sur elle et la saisit dans le but de l’emporter.
Folle d’épouvante, la malheureuse enfant poussa des cris perçants qui furent entendus de ses parents qu’elle avait imprudemment quittés.
Ils s’avancèrent en toute hâte, déchargèrent leurs armes en l’air et le ravisseur lâcha sa proie pour se réfugier au plus vite dans la forêt, où on n’osa le relancer.
La jeune fille, tant fut grand son émoi, ne put donner qu’une description approximative de l’être bizarre qui s’était précipité sur elle, mais Prudent Fournier et ceux qui l’ont vu, affirment qu’on ne se trouve ni en présence d’Esquimaux, ni en présence d’orangs-outangs.
Si ce récit n’excite pas la curiosité des naturalistes !…
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(Anonyme, in Le Petit Journal, quarante-quatrième année, n° 15944, mercredi 22 août 1906 ; in Le Progrès, journal républicain quotidien, quarante-septième année, n° 16915, mercredi 22 août 1906 ; in La Gazette du Centre, journal quotidien, vingt-septième année, n° 200, jeudi 23 août 1906 ; « Chronique du jour, » in Le Courrier de Saône-et-Loire, journal républicain quotidien, soixante-sixième année, n° 18023, vendredi 24 août 1906 ; sous le titre : « Extraordinaire récit – Découverte d’une Race d’Hommes géants, » in Midi colonial, organe des intérêts coloniaux, maritimes, commerciaux, agricoles et horticoles, vingt-cinquième année, n° 348, samedi 1er septembre 1906)

