PHARAONNE1
 
 

UNE HISTOIRE FANTASTIQUE

 

_____

 

La Fille du Pharaon revient chercher après des millénaires sa main momifiée

 

_____

 
 

(DE NOTRE CORRESPONDANT PARTICULIER)

 
 

LONDRES, 10 février – À l’époque de la découverte du tombeau de Toutankhamon, dans la vallée des Rois, on parlait avec terreur, dans les milieux indigènes, de la vengeance du pharaon, dont les Européens venaient, au nom de la science, profaner la sépulture.

D’éminents égyptologues, dont on ne pouvait mettre en doute la bonne foi, se portèrent même garants de certaines manifestations apparemment toutes naturelles, mais qu’ils expliquèrent satisfaisantes, entre autres la « résurrection » d’une momie de pharaon dans le musée du Caire.

Aujourd’hui, le comte Louis Hamon, grand voyageur, qui a visité à peu près tous les pays du monde et dont la résidence londonienne est située dans Park street, Portland place, raconte une histoire plus extraordinaire encore que toutes les précédentes.

Jusqu’en 1922, il avait en sa possession une main momifiée âgée de 3000 ans, et voici de sa bouche les circonstances dans lesquelles il devint propriétaire de cette relique et les raisons qui le poussèrent à s’en débarrasser il y a deux ans :

« La main m’avait été donnée il y a 34 ans, dit le comte Hamon, par un Égyptien qui prétendait descendre d’une très ancienne famille de grands-prêtres et qui disait que je l’avais guéri de la malaria. Pour me prouver sa gratitude, il me fit cadeau de ce qu’il avait de plus précieux chez lui, c’est-à-dire de la main momifiée d’une des sept filles du pharaon hérétique qui régna avant Toutankhamon.

La princesse en question, s’étant révoltée contre son père, livra une bataille aux apostats qui la tuèrent au cours du combat et lui tranchèrent la main droite afin que celle-ci ne reposât jamais en paix avec le corps de la malheureuse.

Le sarcophage de la princesse est déposé quelque part dans la vallée des Rois, mais, comme l’avaient juré les hérétiques, la main momifiée a été transportée de par le monde pendant trente siècles par des propriétaires successifs. Moi-même je ne m’en suis jamais séparé au cours de mes voyages. »
 
 

Des gouttes de sang

 

_____

 
 

« Un jour, dans ma résidence d’Irlande, je m’aperçus que la main, dure comme de l’ébène et brune comme du tabac, avait changé de position : l’index était dressé vers le plafond. J’appuyai, et le doigt céda doucement sous la pression. Le jour suivant, je tâtai de nouveau la main. La chair en était tendre et, à ma grande stupéfaction, il y avait des gouttes de sang sur les articulations.

Cela se passait en 1920. Au mois de mai de l’année suivante, la main, qui avait recouvré son état d’apathie complète, reprit les apparences de la vie. En 1922, elle saigna de nouveau. Comme je craignais d’être halluciné, je fis venir un notaire, un pharmacien et un ingénieur de mes amis, qui certifièrent par écrit que la relique présentait bien toutes les apparences de la vie. »

Cet acte, dressé par le notaire, le comte le montra aux journalistes. Un post-scriptum du pharmacien dit comment ce dernier rendit à la main sa fermeté au moyen d’une solution de poix et de laque.
 
 

Une effarante apparition

 

_____

 

Au clair de lune, scintillante dans ses atours, brisant des portes de chêne, la Fille du Pharaon s’avance…

 

_____

 
 

En octobre de la même année, le comte et sa femme étaient sur le point de quitter l’Irlande, où la vie devenait intenable en raison des raids constants des sinn-feiners. Déjà la presque totalité du mobilier avait été expédiée en Angleterre lorsque, la veille du départ, la main redevint sanguinolente.

« Nous ne pouvions l’emporter dans cet état, et le soir, les domestiques s’étant retirés, ma femme et moi décidâmes d’incinérer la relique encombrante. Je pris la main très doucement et la posai dans la cheminée, où flambait une grosse bûche, tandis que la comtesse récitait une prière égyptienne du Livre des morts.

Alors, il se passa une chose inouïe, invraisemblable. La porte vitrée extérieure de la salle se brisa avec fracas, mais les battants de chêne de la porte intérieure étant fermés, nous crûmes à une visite nocturne des républicains. Nous nous préparions à fuir lorsque cette deuxième porte, pourtant solide comme un roc, ploya. Ses vantaux se bombèrent comme sous la pression d’un géant et s’abattirent dans la salle avec un bruit terrifiant.

Dans l’écran, nous vîmes le jardin qu’éclairait une magnifique clair de lune. Sur le porche, une femme dont nous n’apercevions que la tête et les épaule, se tenait immobile. L’apparition s’avança vers nous et marcha droit vers la cheminée.

Ainsi éclairée, elle se précisa. Sur la tête de l’Égyptienne resplendissaient les ailes dorées d’un scarabée autour duquel s’enroulait un serpent, emblème royal de l’antique Égypte. Cette coiffure jetait des feux éblouissants, ainsi, du reste, que les yeux fendus en amande du spectre et les joyaux de la ceinture qui encerclait sa taille.

Devant le foyer, l’apparition se baissa, plongea les bras dans les flammes, puis les releva au-dessus de sa tête. Nous vîmes distinctement les deux mains jointes en forme de coupe.

Déjà la princesse, – ce ne pouvait être qu’elle, – marchant à reculons, se trouvait près du porche. L’apparition s’évanouit bientôt, mais pendant quelques instants encore, ses yeux magnifiques, suspendus dans l’espace, nous regardèrent d’un air profond. »
 
 
PHARAONNE2
 

_____

 
 

(in Le Matin : les derniers télégrammes de la nuit, quarante-et-unième année, n° 12772, lundi 11 février 1924 ; l’article a été repris dans Eon, revue initiatique, quatrième année, deuxième série, n° 9-11, janvier-mars 1924 ; puis dans L’Annuaire de la noblesse de France et des maisons souveraines de l’Europe en 1934, volume 81)