1. UNE PRIME EXCEPTIONNELLE

 

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L’autorité sportive que confère l’Auto à ses chroniqueurs réguliers m’a valu le très grand honneur d’être appelé à rédiger l’article « Lutte pour la Vie » dans la Formidable Encyclopédie des XXe, XXIe, XXIIe Siècles et Suivants, œuvre considérable comme son nom l’indique, et à laquelle un groupe distingué de savants, de philosophes, de musiciens, d’hommes de loi, d’herboristes, d’auteurs dramatiques et de sportsmen, met en ce moment ce que l’on est convenu d’appeler la dernière main. L’ouvrage complet paraîtra en l’an 2103, en même temps que les pièces de théâtre annoncées cet été par leurs auteurs comme « devant passer la saison prochaine sur une des principales scènes du boulevard. » Et, soit dit en passant, on peut souscrire dès à présent à ce véritable monument encyclopédique. Il y a même, pour les mille premiers souscripteurs, l’avantage d’une prime exceptionnelle et gratuite, d’un intérêt suffisant pour que je demande la permission de m’étendre un peu sur elle, si j’ose m’exprimer ainsi.

Cette prime, essentiellement sportive, comme on va le voir, consistera tout simplement en un petit dirigeable des plus perfectionnés.

Qu’on veuille, bien entendu, prendre l’épithète de « petit » dans un sens relatif. Il ne s’agit pas du dirigeable de poche stupidement rêvé par des esprits dénués de toute orientation pratique, les mêmes qui attendent, avec une patience inlassable autant qu’irritante, l’accumulateur à 3000 ampères ne dépassant pas les dimensions d’une boîte à sardines, en même temps que l’aliment chimique capable de nourrir Laurent le Baucairois à raison de trois granules par jour, une par repas, si tant est que l’on puisse appeler « repas » l’absorption d’une tête d’épingle.

Je considère, pour ma part, qu’on peut, sans exagération, taxer de petitesse un dirigeable susceptible d’être aisément garé dans une chambre de bonne, ou dans la galerie d’un appartement dont le loyer annuel ne dépasse pas 1200 à 1400 francs, selon qu’il se rapproche ou s’éloigne du centre de Paris.

Or, c’est le cas du dirigeable-prime qui nous occupe, et qui prendra le nom distinctif de : « Dirigeable Populaire International. »

Dirigeable – il serait oiseux d’y insister – parce qu’on pourra le diriger.

Populaire, parce que les chambres de bonnes et les appartements de 1200 à 1400 francs, sans courir les rues, sont infiniment plus nombreux que les jardins d’hiver et les hôtels pouvant rivaliser avec la Muette ou les locaux de l’A. C. F.

International, parce qu’on devra ses plans à l’éminente collaboration de tous les ingénieurs qui se sont spécialisés dans les questions d’automobilisme et d’aérostation, et cela sans distinction de nationalité. La conquête de l’air ne saurait être, en effet, une conquête patriotique, et, sous prétexte que M. Winton est Américain, par exemple, il eût été absurde de ne pas demander à M. Winton les secrets du démarrage foudroyant qui le signala dans la Coupe Gordon Bennett.

Passons donc, sans autre commentaire, aux principales caractéristiques du Dirigeable Populaire International.

Ces caractéristiques ne sont, ma foi, pas ordinaires, et, à celui qui conçut le plan d’ensemble d’un aussi parfait engin, l’on peut adresser, d’enthousiasme, l’interpellation mondaine, dont la vogue s’accroît en ce moment sur nos plages : « T’en as un œil ! »

Ce n’est même pas avec un seul œil, fût-il d’aigle, dont parlent nos meilleurs auteurs classiques, que l’on atteindrait un pareil résultat. Qu’on en juge :
 

I. – LE MOTEUR
 

Sera actionné par l’essence, l’alcool, ou le pétrole lampant, selon les conclusions de la Commission des Carburants. Force effective, affirmée par d’indiscutables diagrammes (tout ingénieur qui se respecte vous confirmera qu’un diagramme ne saurait être discuté) : 5 chevaux. C’est plus qu’il n’en faut. Nombre des cylindres : 12. C’est également plus qu’il n’en faut, et, en outre, cela constitue – nul ne l’ignore, de même que nul n’a jamais pu dire la raison de ce phénomène, – le cycle idéal de rendement et d’équilibrage. Allumage par accumulateurs secs et sans plaques, récupérant leur charge automatiquement dans les énergies électriques latentes contenues par les nuages. (Quand il n’y aura pas de nuages, la charge sera toujours suffisante pour attendre qu’il en vienne.) Refroidissement intensif par combinaison de jeux d’orgues à ventilateur, donnant sans cesse des morceaux de grand opéra destinés autant à charger le touriste qu’à rendre le moteur complètement silencieux, en dominant avec suavité le bruit de ses explosions.
 

II. – TRANSMISSION
 

Par prise directe sur un seul arbre, donnant toutes les vitesses, grâce à un pignon d’angle indéfiniment extensible. Hélices égales de 810 x 100, rigoureusement interchangeables.
 

III. – DIFFÉRENTIEL
 

Supprimé, pour cause d’inutilité dans airs. Cette suppression (B. S. G. D. G.) constitue d’ailleurs le meilleur perfectionnement qu’on puisse apporter à n’importe quel système de différentiel.
 

IV. – ENVELOPPE
 

L’enveloppe sera constituée par un bandage pneumatique de dimensions spéciales, et affectant sensiblement la forme d’un Uppman croisé d’Henry Clay, ou, si vous préférez, d’un fuseau. À l’intérieur, seront disposés des ballonnets ou chambres à air, lesquelles seront maintenues à une pression de 15 à 20 kilogrammes par les gaz s’échappant du moteur. Ces gaz viendraient-ils à manquer que l’enveloppe resterait gonflée à bloc, car – appréciez ceci qui n’est pas dans une musette – cette enveloppe pompera littéralement et automatiquement l’obstacle. Et l’obstacle, en l’espèce, c’est – qu’il me soit permis d’abuser des adverbes – purement et simplement de l’air.

J’ajoute que cette enveloppe sera antidérapante et increvable. Et que l’on ne vienne pas me dire que de telles qualités sont superflues. D’abord, c’est pour le superflu que nous travaillons. Ensuite, vous abandonnerais-je généreusement le dérapage, que la crevaison resterait là, terrifiante. Il ne faut pas se dissimuler, en effet, que, lorsqu’on se promène dans l’espace, une chute est toujours possible. Et voyez-vous la tête d’un touriste qui, dégringolant de deux ou trois cents mètres, verrait son enveloppe éclater sur un tesson de bouteille ? Ce serait la mort sans cri, et, dans tous les cas, sans phrase.

Pour en terminer avec cette trop longue question de l’enveloppe, disons que celle-ci sera dégonflable à volonté, par l’adjonction d’un système de soupapes, toutes commandées, comme bien l’on pense.
 

V. –  GRAISSAGE
 

Automatique, par humidité ambiante, rosée du soir et du matin.
 

VI. – CARROSSERIE
 

Tonneau, ou, plus exactement futaille, à quatre bains de siège faisant face au vent.
 

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Telles sont les grandes lignes de cette prime remarquable, et – je l’ai déjà dit, mais je le répète, car cela ne gâte vraiment rien – gratuite.

À ces grandes lignes, il faudrait ajouter l’énumération de mille perfectionnements de détails, dus à l’ardente imagination de mon brillant confrère de Pawlowski. Détails et perfectionnements rien moins que négligeables, car, si l’on peut concéder que Pawlowski est un esprit bizarre, inquiétant, on ne saurait oublier que ce même esprit est prodigieusement inventif et d’une ressource inépuisable. Les perfectionnements en question vous seront du reste expliqués tôt ou tard par de Pawlowski lui-même, qui trouvera dans cette exposition corollaire un plaisir légitime doublé d’un excellent sujet d’article.

La prime sera livrée, franco de port et d’emballage, en même temps que le premier des trois cent vingt-sept volumes de la Formidable Encyclopédie. Il y sera joint, toujours gratuitement, un Manuel théorique et pratique sur le maniement et l’entretien du Dirigeable Populaire International, par M. Baudry de Saunier. C’est dire qu’un enfant pourra se servir de l’engin. On trouvera aussi, dans le caisson de la futaille, et de plus en plus gratuitement, une Histoire de l’aérostation indirigeable et dirigeable, à travers les âges, augmentée d’un commentaire sur le Boomerang au XVIIIe siècle, et d’un précis sur l’usage du ski chez les Esquimaux, ouvrage très volumineux et très documenté, de M. Octave Uzanne.

Là, du reste, n’est pas la question. La question, qu’on veuille se le rappeler, c’est la façon dont j’ai traité l’article : « Lutte pour la vie, » que le groupe distingué de savants, philosophes, etc., voulut bien solliciter de mes lumières. Mais, la place me faisant défaut, je n’y pourrai revenir que dans une prochaine chronique.
 
 

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(Henry Kistemaeckers, in L’Auto, quatrième année, n° 1040, jeudi 20 août 1903 ; illustration d’Albert Robida pour Le Vingtième Siècle, Paris : Georges Decaux, 1883)

 
 

 

2. LE PLUS GRAND DES SPORTS

 

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J’ai annoncé naguère à mes aimables lecteurs, et non sans une légitime fierté, que le groupe directeur de la Formidable Encyclopédie des XXe, XXIe et XXIIe Siècles venait de consacrer définitivement mon autorité sportive en me confiant la rédaction de l’article : « Lutte pour la vie. »

Après m’être acquitté de cette tâche, j’ai réfléchi tout à coup que je serais bien bête, en vérité, de ne point utiliser immédiatement cette prose, en lui faisant les honneurs de l’Auto. La Formidable Encyclopédie ne devant paraître qu’en 2103, personne ne se rappellera plus à cette époque assez éloignée que l’article en question n’est pas inédit. Il serait donc tout à fait antisportif, en même temps que contraire aux traditions les plus respectées de la Chronique, de ne pas faire d’une pierre deux coups.

D’une pierre deux coups ! Je suis – et le proclame hautement – trop chroniqueur et trop sportsman dans l’âme pour manquer un aussi joli résultat.

Et voici dans son texte lapidaire le morceau tel qu’il sera publié, – je le répète pour la vingtième et dernière fois, et j’entends qu’on se le tienne pour dit, – en l’an 2103 de notre ère chrétienne.
 

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LUTTE (POUR LA VIE). – V. VIE.

VIE (LUTTE POUR LA). – V. STRUGLE FOR LIFE.

STRUGGLE FOR LIFE. – S. m. (streu-guel for laï-fe), de l’anglais.En Angleterre, on emploie plus fréquemment le gallicisme « Lutte pour la vie, » et le populaire seul se sert de l’expression de terroir usitée en France. Sorte de pugilat fort en honneur chez les humains, depuis l’origine du monde, et dont la pratique n’est tombée en désuétude que dans la seconde moitié du siècle dernier, pour disparaître complètement à l’aurore du XXIIe siècle : C’est la vie, mon chéri, et même la LUTTE POUR LA VIE… (Maur. Donn.). Par ces temps de STRUGGLE FOR LIFE, il n’est pas sans intérêt de jeter un coup d’œil rétrospectif sur la façon dont les Pahahouins de l’Amérique du Sud ont toujours envisagé les règles fondamentales de ce sport plus vulgairement désigné par les Apaches de Belleville sous l’ancienne locution de LUTTE POUR LA VIE. (Oct. Uz.) ; Oh ! oh ! c’est la LUTTE POUR LA VIE ! (Edm. Rost) ; S’il rouspète, crève-z’y le setier. En cas de fil d’arnaque, on visitera l’Abbaye de Monte-à-Regret, j’ m’en goure. Tant pluche, mon poteau, ça s’appelle le STRUGGLE FOR LIFE, y faut des refroidis pour que la vie marche ! (Bibi-Surin de Montp.) ; La LUTTE POUR LA VIE ! On n’a pas mieux défini le problème de l’existence humaine. (Jules Claretie).

Encycl. C’est surtout vers la fin du XIXe siècle, et dans les premières années du XXe que l’art du struggle for life fut à son apogée. Mais ce sport cruel date en réalité du Paradis terrestre, où Adam et Ève, qui ne connaissaient pas le tennis et ne prévoyaient guère l’automobilisme, s’y livrèrent pour tuer le temps. Ils le pratiquèrent, à la vérité, d’une façon très rudimentaire, en se défendant avec quelque mollesse contre les entreprises d’un certain Serpent, qui rôdait dans la propriété, pour y vendre en fraude – du moins, telle est la prétention d’une légende modérément plausible – des reinettes, des calvilles, et des court-pendues, fruits assez ordinaires, mais dont la consommation était, à cette époque, formellement interdite. Comme il arrive souvent entre voisins, le Serpent et le couple humain se détestèrent bientôt salement. Ils jurèrent de s’entretuer. Et de ce serment naquit le sport de la Lutte pour la vie, considéré par quelques-uns comme le père et le plus grand de tous les sports. On sait le reste. Le Serpent, n’ayant pu vaincre Adam en combat singulier, recourut à la ruse. Il fit manger au jeune ménage une pomme empoisonnée par un de ses complices, le Démon, et c’est ainsi qu’il sortit vainqueur du tournoi. « La fin justifie les moyens ! » s’écria-t-il le jour du triomphe. La phrase restée célèbre est acceptée comme la devise et, en quelque sorte, le point de départ de toutes les règles de la lutte pour la vie.

Ces règles, disons-le tout de suite, sont innombrables et assez mal déterminées. Elles partent en somme de ce principe général : « Tous les coups sont permis. » Quelques traités spéciaux, appelés « Codes » (civil, pénal), ont essayé cependant cependant d’interdire certaines prises. Mais ces traités, fort mal faits et sujets à des interprétations subtiles (rangées sous la dénomination globale de procédure), furent toujours aisément éludés, par les struggleforlifeurs de qualité.

Le premier précepte de l’art du struggleforlifeur est de se tenir en garde, constamment couvert, en effaçant par-dessus tout les endroits faibles appelés scrupules, pitié, probité, etc. Il doit se convaincre ensuite que la lutte est sans merci, et qu’il faut frapper comme un sourd, même et surtout sur un mort. Selon l’occasion et les nécessités du moment, il estoquera avec des armes différentes, choisies avec le moins d’hésitation possible dans son arsenal. Tantôt il exécutera un coulé-dessous avec la « calomnie, » arme de longue portée, tantôt, s’il est à distance, il portera un coup droit avec le « mensonge, » excellente arme pour les bottes rapides. Les coups identiques seront parés avec l’ « aplomb, » bouclier de tout premier ordre, appelé aussi « culot. » L’ « ironie » pour les feintes-dessus, l’ « indifférence » pour les petites attaques d’appel au corps, et la « rosserie » pour les contre-ripostes, sont considérées, par les connaisseurs, comme des lames d’un choix judicieux.

Le sport du struggle for life exigeait, on le voit, de la psychologie, du sang-froid, de la décision, et une grande rapidité d’exécution, aussi bien dans la parade que dans l’attaque. Il y fallait également ce que l’on appelle « une santé. » Aussi reconnaissait-on sans peine, dès l’enfance, ceux qui étaient doués pour devenir, tôt ou tard, détenteurs des nombreuses coupes offertes à leur ambition. Ceux-là, devinés vers l’âge de dix à douze ans, étaient rangés dans la catégorie des malins ; à vingt ans, ils passaient dans celle des roublards ; à vingt-cinq ans, dans celle des débrouillards ; à trente ans, dans celle des arrivistes. Enfin, lorsqu’ils détenaient la coupe, on les appelait des arrivés. Pour les petites coupes instituées par des Sociétés de province, on employait le terme de parvenus. Ceux qui déclaraient forfait ou qui abandonnaient en route étaient classifiés ratés.

D’autres distinctions encore étaient établies entre les lutteurs : celui qui faisait montre de qualités apparentes, mais un peu frustes, était « un homme. » De celui qui, sans avoir encore vaincu, paraissait toutefois assez redoutable, on disait que c’était « un Monsieur. » Celui qui laissait maladroitement voir son jeu était « un sale Monsieur. » Enfin, il y avait le superlatif : « un joli Monsieur, » et, pour le vaincu qui ne voulait pas rendre les armes, cette appellation moindre : « un triste Monsieur. »

Tous ces messieurs se rencontraient dans diverses arènes. Nous ne pouvons, dans ce court exposé, que citer les principales : la guerre, la finance, la politique, et le journalisme. On n’y était coté qu’après des épreuves éliminatoires, où les grands favoris spécialisaient leur tactique et signalaient à l’observateur impartial s’ils se proposaient d’arriver « par l’intrigue, » « par les mathématiques, » « par l’intimidation, » « par les femmes, » « par le scandale, » ou « par un travail acharné, » locutions consacrées pour identifier les divers moyens de réussir.

La caractéristique de ce sport était la proscription des demi-mesures. Le struggleforlifeur digne de ce nom n’admettait pas de quartier, et nul ne reculait, à l’occasion, devant son petit assassinat du duc d’Enghien. On chourinait littéralement ou moralement, avec une désinvolture extrême, et, il faut bien l’avouer, pas toujours dénuée de tout charme. Au bout de leur carrière, les arrivistes notables ne comptaient plus les désastres qu’ils avaient semés. D’aucuns avaient fait s’entr’égorger des centaines de mille hommes, d’autres n’avaient tué que quelques femmes, généralement mûres, par le chagrin. Les uns visaient au cœur, les autres à la bourse. Tel voulait gagner la coupe de la Gloire, tel autre la coupe de la Fortune. Tous, au demeurant, menaient des existences très agitées.

Résumons-nous. Le sport de la lutte pour la vie fut évidemment un joli jeu d’adresse, d’assouplissement et de volonté. Mais ce fut un jeu féroce, dont nos mœurs actuelles ne s’accommoderaient plus. Il convient de remarquer, du reste, qu’au moment de sa splendeur, il fut stimulé par les conditions de la vie qui, s’il faut en croire les relations de l’époque, n’était pas très facile aux XIXe et XXe siècles. Les struggleforlifeurs, alors, ne se livraient pas à leur sport cruel et favori dans un seul but d’amusement ; souvent, le plus souvent même, pourrait-on dire, ils y étaient poussés par de véritables nécessités.

De telles pratiques aujourd’hui seraient condamnables. Nos richesses publiques et individuelles ne les excuseraient plus. La locomotion aérienne, en supprimant les octrois, les douanes et les armements, a supprimé d’un trait les rivalités de nations. La fortune particulière a, de son côté, anéanti les rivalités d’individus. Une statistique que j’ai sous les yeux, établie d’après le dernier recensement, établit que le plus pauvre homme de France a 100.000 livres de revenus. Encore, sourd, aveugle et paralytique, ne sait-il comment dépenser ce patrimoine modeste, mais assuré.

D’autre part, la machine nous supplée en toutes choses : nous avons un cuisinier mécanique, un valet de chambre mécanique (ah ! où est le temps poétique des jolies caméristes !), un concierge mécanique. Tous ces mécanismes sont automatiquement créés par d’autres mécanismes, sans que nous ayons à intervenir le moins du monde dans ces échanges. Nous n’avons, en somme, plus qu’à nous laisser vivre dans une véritable féerie, assez monotone, par exemple. Il est peu probable, dans ces conditions, que l’antique et noble sport de la lutte pour la vie refleurisse jamais parmi nous.
 

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Bibliogr. – Les Aventures de ma Vie (Henr. Roch.) – Le Tour de France de 1903 (Géo. Lef.). – La Lutte pour la vie, pièce en cinq actes (Alph. Daudet). – Une Idylle tragique (Gabr. Bomp.). L’Apprentissage de Lord Will (Henr. Kist.). – L’Entrevue de Fontainebleau (Nap. Ier). – L’Élection de Pie X (un camérier). – Mémoires (Thér. Humb.). – La Serbie et ses mœurs (Maschinvitch).
 
 

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(Henry Kistemaeckers, in L’Auto, quatrième année, n° 1048, vendredi 28 août 1903 ; Frank Rudolph Paul, « The Robot Aliens, » in Wonder Stories, février 1935)