RÉSUMÉ DES CHAPITRES PRÉCÉDENTS
Le narrateur s’est lancé dans l’exploration de la mystérieuse maison aux 30 portes où demeure un certain professeur Gaultier qui a réussi à entrer en contact avec des univers inconnus co-existant dans l’espace. Les héros de l’histoire ont ouvert la 6e porte et ont pénétré dans une forêt à la végétation inconnue. Là, une étrange population d’hommes de verre était terrorisée par le professeur Gaultier. Celui-ci est capturé par les héros de l’histoire, mais il parvient à leur échapper. Il est tué, et les héros de l’histoire restent prisonniers au pays de la 4e dimension. Ils se lancent dans l’exploration du pays des hommes de verre. Ils finissent par découvrir les ruines d’un étrange chemin de fer électro-magnétique qui semblent les vestiges d’une civilisation disparue.
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« Montons ! » dis-je. J’étais maintenant bien décidé à éclaircir le mystère, à savoir quel drame avait détruit toute vie, avait anéanti toute cette civilisation.
L’escalier tournait, encombré partout de robots effondrés, rouillés outre mesure, au point de tomber en poussière lorsque nous les heurtions du pied. J’estimai que nous avions dû monter une hauteur de 10 étages quand, soudain, un nouvel obstacle nous arrêta. L’escalier était coupé ! Une quinzaine de marches manquaient. Au-delà, il reprenait en ligne droite et s’arrêtait enfin à un palier.
« Il faut passer, dis-je à Loya. Détache mon sac et donne-moi la corde. »
Ayant lové le solide câble d’alfa, et crochant à une extrémité une pièce métallique assez lourde ramassée dans un robot moins abîmé que les autres, j’essayai, grâce à ce grappin improvisé, d’attraper l’un des piliers qui, de l’autre côté de la coupure, soutenait le plafond. J’y réussis à la troisième tentative. Souquant dur sur la corde, je sentis que l’amarre tiendrait. Le reste était jeu d’enfant. Loya, pas plus que moi, n’était gênée pour exécuter cette petite séance de voltige. En un instant, nous fûmes de l’autre côté. Quelques marches encore, et nous touchions au but. Devant nous, face à la porte ouverte, qui se ferma silencieusement quand nous l’eûmes franchie, s’élargissait une pièce circulaire, une rotonde éclairée de toutes parts par d’immenses baies vitrées. Sur des rayons bas, tout autour de la pièce, couraient des centaines de livres magnifiquement reliés. Des fourrures flétries jonchaient le sol. Et, dernière énigme dans la cité mystérieuse, derrière un immense bureau fait d’un bloc de matière plastique transparente, renversée dans un fauteuil de forme bizarre, une momie nous fixait de ses yeux morts. Une momie, c’en était une : un vieillard incroyablement ridé, barbu, aux membres squelettiques, aux mains parcheminées plus semblables à des griffes, étendues sur des papiers épars. Il était vêtu d’un singulier costume, une ample robe safran brodée de dessins géométriques. Loya poussa un gémissement de terreur. J’étais moi-même plus qu’impressionné. Ce tête-à-tête, dans cette salle close, après la traversée de la cité, était presque plus que je n’en pouvais supporter. Pourtant, je la rassurai.
« Ne crains rien… Il est mort, tu le vois bien ; je dirais même mort depuis longtemps. Et un mort ne peut pas faire de mal ! »
J’approchai. Au premier coup d’œil, mon désappointement fut complet. Les caractères qui couvraient les feuillets bleu pâle répandus sur la table étaient non seulement inconnus, mais différents de tout ce que j’avais pu voir jusqu’alors. Ils ressemblaient pourtant vaguement à certaines lettres de l’alphabet hébreux. Mais comment les déchiffrer ? C’était manifestement impossible. J’examinai les objets encombrant encore le bureau. Un verre de la même matière translucide, au fond garni d’un dépôt rougeâtre, posé devant le vieillard ; un coffret garni de boutons, un téléphone sans doute, ou une radio. Un autre coffret, avec un seul bouton à deux positions celui-là. Et une série de petites boîtes plates circulaires. J’en ouvris une. Elle contenait un fil d’acier lové sur une bobine. Je me frappai le front.
« Un dictaphone, je parie ! Et voilà les enregistrements sur fil d’acier ! Si cela pouvait encore marcher, je saurais peut-être ! »
Sans peine, je levai le couvercle du coffret à un bouton. Un axe s’offrait pour recevoir la bobine. Chaque bobine était, heureusement, numérotée, non pas en chiffres de cette écriture inconnue, que je n’eusse su lire, mais par des bâtons : I, II, III et ainsi de suite, de façon à être compris de n’importe qui.
(À suivre)
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(H. Bourdens, in Le Petit Marocain, trente-septième année, n° 10136, jeudi 10 février 1949 ; ce très curieux roman « fantastique, » sur le thème des autres dimensions, n’a jamais été publié en volume ; il est précédemment paru dans L’Avant-Garde, organe central de la Fédération des jeunesses communistes de France, à partir de septembre 1946)
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(in Ce Soir, grand quotidien d’information indépendant, dixième année, n° 1549, vendredi 6 septembre 1946)