Des magiciens vont tenter une expérience dans le Hartz

 

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La fille du Dr Erich Bohn de Berglau, qui passe pour être un des savants les plus compétents du monde entier en ce qui concerne la sorcellerie et la magie noire, vient d’arriver à Londres.

Elle est venue dans la capitale anglaise comme envoyée de son père pour entamer en son nom des pourparlers avec le professeur Harry Price, qui est en train de préparer avec un groupe d’Anglais connus un congrès des adeptes de la magie noire.

Price se propose également à cette occasion de reproduire sur le sommet du Brocken, dans les montagnes de Hartz, la fameuse scène de « Faust, » où un bouc se transforme miraculeusement en une jeune fille de beauté divine. [sic]

La fille d’Erich Bohn doit jouer le rôle principal dans cette expérience originale de magie noire. Elle a raconté à ce sujet ce qui suit à un rédacteur du « Daily Mail » :

« Pour qu’une telle expérience magique puisse être tentée, a-t-elle affirmé, il faut trouver une jeune fille au cœur pur.

Nu-pieds, enveloppée dans une robe d’une blancheur immaculée, elle doit mener avec une corde de soie le bouc dans le cercle magique. Lorsque la lune (et l’expérience magique doit avoir lieu sous la pleine lune) en montant aura atteint une certaine hauteur, elle recouvrira le bouc d’un voile magique. Puis elle le retirera et, au lieu de bouc, devra apparaître une jeune fille de beauté divine. Il est vrai que, d’après les adeptes de la magie noire, l’expérience ne peut aboutir que si la jeune fille qui mène le bouc a vraiment le cœur pur. Il était difficile de trouver une jeune fille qui aurait consenti à marcher nu-pieds, vêtue d’une robe légère sur le sommet neigeux de Brocken en plein hiver. »

Mais la fille du docteur Erich Bohn a eu le courage d’accepter de jouer ce rôle périlleux.

Elle a d’ailleurs ajouté que son père et les autres savants ont consenti à participer à l’expérience de magie noire sur le Brocken parce qu’elle aura lieu le jour du centenaire de la mort de Gœthe, et la fameuse scène de « Faust » se passe, comme on sait, sur le sommet de cette montagne.
 

(Réd. — Décidément la science et la matière, pas plus que la raison pure et même le simple bon sens, n’ont encore conquis le monde ! Souhaitons simplement que Mlle Bohn ne s’en tire qu’avec un bon rhume…)
 
 

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(in L’Impartial, journal quotidien et feuille d’annonces, cinquante-et-unième année, n° 15630, mardi 29 décembre 1931)

 
 
 

 

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(in L’Est républicain, quarante-quatrième année, n° 16210, mardi 17 mai 1932)

 
 
 

 

SABBAT SUR LE BROCKEN

 

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Des Anglais, près de Mayence, tentent de mettre en pratique les rites des sorcières germaniques.

 

Malgré la présence d’un bouc et d’une « vierge au cœur pur, » le mystère attendu ne s’est pas accompli.

 

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Berlin, 18 juin (dép. Petit Parisien).
 

Selon des témoignages concordants recueillis au Xe siècle, les sorcières d’Allemagne ont coutume de se donner rendez-vous, certaines nuits de pleine lune, sur le Brocken, le plus haut sommet du Hartz. Elles arrivent en chevauchant des manches à balai, des fourches et des truies pleines.

Alors a lieu, après le sabbat rituel, le mystère de la transformation d’un jeune bouc vierge en un jeune homme d’une beauté radieuse.

La légende de l’Adonis germanique, enregistrée dans le Faust de Gœthe, a trouvé des sceptiques dans la personne de M. Joat, professeur de psychologie à l’université de Londres, et de M. Price, qui ont voulu en avoir le cœur net.

Avec un certain nombre de personnes de la haute société britannique, ils ont procédé, la nuit dernière, aux rites consignés par le détail dans des textes latins. En toilette de soirée et en frac, ladies et gentlemen se sont réunis à minuit sur le Brocken pour cette séance de magie… noire.

Au milieu d’une double circonférence a été tracé un triangle dont une pointe était dirigée vers Mayence. M. Price a dûment attaché un jeune bouc blanc à une corde de soie fixée à un pieu planté au centre du cercle.

Une « vierge au cœur pur, » dans la personne de Mlle Bohn, de Breslau, arrosa l’animal de vin rouge, puis lui frotta le front d’une pâte composée de sang de chauve-souris, de suie, de miel et de pollen de fleurs.

À minuit exactement, l’animal fut recouvert d’un drap blanc, tandis qu’on allumait un feu de branches sur lequel on épandait de l’encens, puis les assistants prononcèrent en latin les incantations prescrites.

Après avoir compté jusqu’à dix, M. Price enleva le drap et, au désappointement de tous, l’Adonis germanique n’était pas présent au rendez-vous. Seul le jeune bouc vierge continuait à gambader.

Les honorables ladies et gentlemen qui ont cru devoir passer le canal pour exécuter cette cérémonie se sont divisés en deux camps : les mécréants, qui tiennent la légende des sorcières transformant le bouc en jeune homme d’une éblouissante beauté pour un événement qui a cessé d’être vraisemblable, et les convaincus, qui assurent que l’expérience a seulement été ratée.

On a beaucoup remarqué, par exemple, qu’au moment décisif la lune s’est cachée derrière un nuage, ce qu’elle n’aurait pas dû faire.

Pour en avoir le cœur net, M. Price, le professeur Joat et les membres de la société londonienne vont recommencer l’expérience cette nuit même.
 
 

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(in Le Petit Parisien, cinquante-septième année, n° 20200, dimanche 19 juin 1932)

 
 
 

 

MAGIE NOIRE

 

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Sur le « Brocken, » au cours de l’expérience ratée

 
 

Une bien curieuse expérience de magie noire été tentée ces jours derniers sur le mont Brocken, en Allemagne.

Un M. Harry Price, professeur anglais, n’émettait rien moins que la prétention de transformer un bouc en un jeune éphèbe beau comme Apollon.

L’affaire devait se passer sur le coup de minuit, par un beau clair de lune. Une jeune fille tout de blanc vêtue devait assister le professeur dans son opération, laquelle consisterait à recouvrir d’un voile le bouc, à prononcer quelques formules cabalistiques, et pchtt… à retirer le voile. Le bouc aurait disparu pour faire place au bel Apollon qui, de même que dans les contes de fées, tomberait enamouré dans les bras de la jeune fille tout de blanc vêtue.

L’expérience eut lieu. Toutes les conditions étaient requises. Le professeur, la jeune fille, le bouc, les formules magiques et la lune étaient là. Hélas ! Trois fois hélas ! Le bouc est resté bouc… et la jeune fille devra chercher par ailleurs le Prince Charmant.

Sir Harry Price n’est qu’un farceur. La magie noire a fait faillite. Pourtant, les magiciens n’ont pas désarmé. Et, chez nous, Tardieu et Herriot font mieux que Price….
 

JEAN-CLAUDE

 

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(in L’Humanité, organe central du parti communiste, vingt-neuvième année, n° 12241, dimanche 19 juin 1932)

 
 
 

 

 

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(in L’Intransigeant, cinquante-troisième année, n° 19233, lundi 20 juin 1932)

 
 
 

 

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(in Paris-Soir, grand quotidien d’informations illustrées, dixième année, n° 3180, lundi 20 juin 1932)

 
 
 

EXPÉRIENCES

 

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Remy de Gourmont soutenait, un jour, devant moi, que lorsqu’on demande des preuves au surnaturel on en obtient toujours, mais le vieux sceptique eût été fort déçu par la récente expérience de deux professeurs anglais qui ont tenté de faire revivre la légende de l’Adonis germanique, d’après le Faust de Gœthe, où l’on voit un bouc blanc transformé en jeune homme.

Les deux professeurs ont atteint le sommet du Brocken, sous un clair de lune de ballade allemande et, au milieu d’un cercle magique, une vierge au cœur pur a arrosé de vin le bouc neigeux. Les formules rituelles ont été prononcées, mais l’Adonis a refusé de paraître devant les doctes personnages et les photographes accourus.

La Loreleï doit être morte ; Méphistophélès ne s’accoude plus au tonneau de la taverne romantique dans la fumée des pipes hégéliennes, et si le bouc a fait des manières, au retour, j’ai idée qu’on a dû lui allonger quelques bourrades.

Il convient de se méfier des recettes et des rites littéraires.

J’ai souvent songé à faire un pèlerinage à ce platane des Invalides qu’aimait M. Taine et dont parle Barrès dans ses Déracinés. Le livre en main, je le reconnaîtrais facilement, mais j’ai toujours eu peur de ne trouver à son ombre qu’une vieille dame qui attend le tramway Montparnasse-Pereire.

Au temps de mon romantisme, j’avais pour ami un garçon dont je goûtais l’esprit ingénieux et les poèmes noirs. Il avait lu dans les notes posthumes de Baudelaire cette recette de sirop : « Lichen d’Islande, 125 grammes. Sucre blanc, 250 grammes. Faire tremper pendant 12 ou 15 heures dans une quantité d’eau suffisante, puis jeter l’eau. Faire bouillir le lichen dans deux litres d’eau sur un feu doux jusqu’à ce que les deux litres se réduisent à un seul litre. Ajouter les 250 grammes de sucre et laisser épaissir. Prendre par jour trois grandes cuillerées à bouche, le matin, à midi et le soir. »

Mon ami fabriqua cet élixir baudelairien, en prit devant moi une cuillerée, le trouva écœurant, et, comme sa femme de ménage était enrhumée, il lui fit cadeau de la fiole. Baudelaire ordonnait de boire le sirop froid. Elle le fit réchauffer, y ajouta du rhum et fut guérie.

Il sied de ne toucher aux recettes des grands poètes qu’avec respect. Il sied encore davantage d’y croire sans les expérimenter.

Cette règle prudente comporte une exception : l’ambroisie. La plus humble cuisinière d’Arles la réussit à merveille, car un helléniste me prouva que la divine liqueur des Immortels et des Déesses de l’Olympe n’était autre que l’aïoli, cette mayonnaise à l’ail dont on assaisonne en Provence la morue, les pommes de terre et les escargots !
 
 

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(Léo Larguier, in Les Nouvelles littéraires, artistiques et scientifiques, onzième année, n° 507, samedi 2 juillet 1932)

 
 
 

 

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(in L’Humanité, organe central du parti communiste, trente-troisième année, n° 13801, mardi 29 septembre 1936)

 
 

 

Rappelons pour mémoire que l’expérience de Harry Price a également été mentionnée par Gustave Le Rouge au début de sa chronique « Petites Recettes pour aller au Sabbat, » parue dans Le Monde illustré du 28 mars 1936, et déjà publiée ici même :

« Après le haschich, l’opium, la coco et les messes noires, les onguents des sorcières et le sabbat reviennent à la mode. C’est en Allemagne, sur le sommet du Brocken, que les chercheurs de paradis artificiels ont organisé, sous la direction d’un professeur de l’université de Londres, une manifestation sabbatique à laquelle assistaient plusieurs milliers de spectateurs.

On sait que, dans l’imagination allemande, les montagnes du Brocken occupent une place tout à fait spéciale. C’est là que, pendant le Moyen Âge, eurent lieu des sabbats qui réunissaient des milliers de sorciers. C’est là que Gœthe, fidèle à la tradition, a placé dans son Faust la scène du Walpurgis au cours de laquelle Méphistophélès fait apparaître le fantôme sanglant de Marguerite. Ces montagnes stériles et désolées, entourées d’un véritable désert, offraient un lieu fait à souhait pour une opération magique. Enfin, à cause de la renaissance des sèves terrestres, c’est l’équinoxe de printemps qui offre la date la plus favorable pour une pareille tentative.

Le thème de l’expérience était le suivant. S’inspirant d’anciens manuscrits, le professeur devait muer un jeune bouc en un adolescent de la plus grande beauté, mais, pour cela, il fallait qu’il fût assisté « d’une vierge au cœur pur » et qu’il fît usage de certains onguents qui devaient aider à la métamorphose du chèvre-pied.

Malheureusement, l’expérience a complètement échoué. Le magicien anglais, tenant par la main « la vierge au cœur pur, » a eu beau demeurer très longtemps dans le cercle magique, à côté du jeune bouc, la transformation merveilleuse ne s’est pas accomplie et la foule s’est retirée déconfite, presque hostile. »
 

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Nous avons enfin eu la chance d’acquérir, assez récemment, un exemplaire de la photographie de presse, datée de juin 1932, qui a servi d’illustration pour les articles de L’Intransigeant et du Monde illustré ; elle porte le cachet de la Keystone-View-Company, 25 rue Royale, Paris 8e. Nous la reproduisons ci-dessous.