Des moitiés d’arbres flambaient dans l’immense cheminée de la salle basse du Klein Schlossel. La table n’était pas encore desservie, encombrée de plats et de flacons auxquels avaient fait honneur Frantz de Müllenheim, le châtelain du lieu, et Maxime Deuriot, son hôte ; tous deux trapus, pansus, barbus, installés à droite et à gauche de l’âtre, coudes appuyés sur les bras de leurs antiques fauteuils, épaules renversées contre les hauts dossiers, séchant leurs bottes neigeuses et leurs costumes de chasse en velours marron. Sous la conduite du vieux garde Nicolas Grimmer, ils avaient battu la forêt tout l’après-midi à la poursuite d’une bande de sangliers, de sorte que les émotions d’une journée fatigante, jointes à la célébration de leur victoire au retour et, maintenant, à la béatitude d’une digestion laborieuse, les prédisposaient à rêver.

Derrière les vitres, la neige achevait de poudrer les perruques des pins alignés sur le versant en face et plaquait de grosses masses blanches dans l’ombre ; de brusques rafales secouaient les battants des portes ou s’engouffraient dans les méandres des couloirs.

Maxime Deuriot, avant de renouer la conversation, vida d’un trait son vidercome empli à ras le bord.

« Vraiment, dit-il après avoir essuyé ses lèvres, cette vieille Urschel Schwein vous semble redoutable au point que sa rencontre émeuve un cœur de la trempe du vôtre ? »

Un bon rire le secoua.

« Peuh ! laissez nos paysans craindre les sorciers ou trembler à la menace d’une jettatura, mais ne vous avisez pas de colporter ces légendes enfantines et n’allez pas croire aux loups-garous ! »

Müllenheim hocha la tête.

« De tels phénomènes sont trop fréquents pour qu’on les mette en doute, répondit-il. Les gens de la campagne, les bergers surtout, à cause de leur isolement et de leur naïveté sauvage, vivent en communion plus directe avec la nature, et l’intuition de ses secrets devient parfois merveilleuse. Je leur concéderais volontiers le développement d’une faculté virtuelle, atrophiée par notre civilisation, grâce à laquelle ils perçoivent, dans l’atmosphère environnante, des formes d’êtres et d’objets invisibles à nos yeux sceptiques.

– Oh ! s’écria Maxime, je ne conteste pas l’étrangeté de certaines hallucinations ou de certains pressentiments, mais de là à admettre que quelqu’un, homme ou femme, Urschel par exemple, se métamorphose en bête et s’en aille rôder la nuit !…

– Discuter avec vous m’entraînerait trop loin, dit Müllenheim.

– Pas du tout ! le décor cadre admirablement avec une histoire de revenants… »

Deuriot rapprocha son fauteuil de la table, emplit de bière blonde les vidercomes et ralluma sa pipe.

« J’écoute, dit-il à son ami.

– Je débuterai donc par vous faire observer trois choses essentielles, commença Frantz ; d’abord, dans aucun récit, le loup-garou n’a répandu le sang, ses rares victimes sont mortes suffoquées ; puis, le loup-garou pourchassé n’a jamais été saisi, n’a jamais péri sur place ; enfin, le loup-garou blessé, retrouvé chez lui quelquefois mourant, avait toujours alors sa forme humaine.

Les documents recueillis par la société psychique de Londres, continua Müllenheim, des milliers de récits glanés dans l’histoire, les dogmes des religions antiques tendraient à révéler en l’homme l’existence d’une personnalité interne, d’essence moins matérielle que celle du corps physique, distincte de celui-ci, capable de se dessiner, de grandir et d’abandonner même son enveloppe de chair, sous une affluence, provoquée volontairement ou non, de fluide nerveux. On expliquerait ainsi les visions à distance et la lucidité somnambulique, les apparitions d’amis ou de parents éloignés, les rappels de paysages entrevus dans des rêves et visités plus tard, et la présence simultanée d’une personne constatée en plusieurs endroits différents. »

Deuriot eut un sourire.

« Oui, dit-il, vous parlez des miracles de saint François-Xavier reconnu en divers lieux à la fois, et de la légende du père Alphonse de Ligori, aperçu auprès du pape agonisant, tandis que, juste à la même heure, on l’observait en prière extatique chez lui, bien loin de Rome !

– J’ajouterai à vos exemples, répliqua Müllenheim, ceux mentionnés par le positiviste d’Assier dans son volume intitulé l’Humanité posthume, les récits de voyageurs sur la bilocation des fakirs et des brahmes, et même l’assertion de la voyante de Prévorst qui prétendait distinguer les doublures fluidiques non seulement des humains, mais aussi des animaux, des végétaux et des minéraux.

– Quel rapport établirez-vous entre cette possibilité d’un
dédoublement de l’individu et les métamorphoses d’Urschel
 Schwein ?

– Voici. Intermédiaire entre l’âme et le corps matériel, le 
corps astral s’imprègne de nos désirs, de nos pensées ordinaires, 
et les reflète sur le corps matériel dont, à la longue, il modifie les 
traits. Souvent, durant le sommeil ou l’extase, le corps astral se 
dégage et se transporte où bon lui plaît. De sorte que le loup-
garou se formerait de l’enveloppe fluidique d’un homme dont le loup représente les instincts sauvages et sanguinaires, et qui, lorsque son fantôme erre dans la campagne, dort péniblement dans son lit et rêve qu’il est un véritable loup. »

Maxime Deuriot fit un geste d’incrédulité.

« Cette hypothèse, conclut Müllenheim, émise par les anciens maîtres, a été reproduite de nos jours par Eliphas Lévy entre autres, et je l’ai citée presque textuellement. Swedenborg, pendant ses crises somnambuliques, voyait souvent des esprits figurer divers animaux, et beaucoup de nos paysans sont visionnaires ; vous savez à quelle cause je l’attribue. Je ne soupçonne en tout cas ni la sincérité de leurs récits, ni leur bonne foi parfaite. Je dirais même que si nos savants, moins aveuglés par l’esprit de sectarisme, appliquaient leur méthode d’observation et d’expérimentation à un ordre de faits réputés imaginaires, faute d’études, et niés jusqu’à ce jour de parti pris, ils établiraient la preuve d’une façon indéniable, je crois, de cette personnalité interne, existante chez l’homme et dont je vous parlais tout à l’heure.

– Quelqu’un a rencontré Urschel Schwein en loup-garou ? dit Maxime ; quelqu’un l’a poursuivie et frappée ?… »

En guise de réponse, Frantz appuya sa main sur le bouton du timbre.

« Priez Nicolas Grimmer de se rendre ici, » commanda-t-il au domestique.
 

*

 

« Vous ne croyez ni aux sorciers, ni aux sorcières, monsieur Deuriot ? commença le garde sur l’invitation de Müllenheim ; n’empêche qu’elles existent, ces bêtes venimeuses, ces crapauds gonflés des rancunes et des haines récoltées sur leur route, sans cesse prêts à déverser leur venin par esprit de vengeance. On se sent meilleur avec d’honnêtes gens, plus gai avec de joyeux compères, plus en appétit avec de gros mangeurs ; eh bien, me voilà vieux de soixante printemps et, d’aussi loin qu’il me souvienne, je ne me rappelle ni réjouissances ni tablées où la belle humeur ait tenu, une fois le profil crochu d’Urschel Schwein paru sous l’auvent de la porte ou à l’entrebâillement de la croisée !

On ne lui connaît pas de jeunesse, à cette gueuse. Sa face de chouette, ridée à vingt ans, m’effrayait, quoique gamin, car elle avait un bec au lieu de nez, des gencives édentées et baveuses, des yeux ronds qui vous trouaient l’âme de coups de vrille. Elle n’est point native du village : un matin, Jacob Rœhmer, le boulanger, la découvrit dans une hutte de bûcherons, environ à trois portées de fusil des ruines d’Andlau, accroupie tout contre un cadavre, celui de son père sans doute, et, parce qu’elle regimbait à le suivre, il dut la ficeler comme une louve sur la banquette de sa carriole. »

Nicolas Grimmer se signa.

« Que ne fut-elle écrasée comme une vipère, la maudite, car, de ce jour, le diable habita le pays. Urschel Schwein sait des secrets pour empoisonner le bétail, attirer la grêle sur telle ou telle récolte, faire se quereller les gens ou les rendre malades ; sa rencontre présage sûrement quelque disgrâce, et jamais elle ne s’arrête sur la lisière d’un champ ou ne frappe chez un voisin sans devancer une catastrophe !

Le vieux Hans Behr, que vous connaissez, lui doit sa ruine ! Encore un qui en fit l’expérience lorsqu’il perdit, grâce à sa magie, toutes ses bêtes en une nuit, et vous n’ignorez pas qu’il possédait la métairie la plus conséquente du pays. Force lui fut, à quelques temps de là, de travailler chez les autres ; quoiqu’il ne manquât pas de courage, la misère s’abattit sur lui, sa femme mourut de chagrin, le laissant avec deux fils, gars solides, vaillants soutiens que la guerre, cette autre peste, lui a broyés depuis. »

L’émotion assombrit la voix du garde ; Müllenheim lui versa à boire, tous trinquèrent et il reprit :

« Enfant, je lançais des pierres à Urschel Schwein, j’excitais les chiens à la mordre et maintes de mes tracasseries avaient fait trembloter son menton de galoche, tandis que sa crochette me menaçait de loin. Elle m’inspirait une frayeur vindicative, obsédante, si bien qu’au lieu de la fuir, je ruminais continuellement de nouvelles farces à lui jouer. La guerre s’acharna entre nous, d’année en année plus cruelle ; peu à peu, les moustaches me poussèrent et, bref, le matin arriva où le curé d’Andlau bénit mon union avec Salomé Wattervald. »

Nicolas Grimmer but une ample gorgée.

« Nous descendions les marches de l’église, flambants dans nos costumes d’épousailles et bouquets au côté gauche, lorsque je distinguai, à l’angle de la place, les prunelles luisantes de mon ennemie braquées sur moi. Le soleil nous éclaboussait de feu ; néanmoins, Urschel Schwein ne clignait pas les paupières et son regard distillait une telle joie méchante, dénonçait une telle animosité, que le froid me gela les os et que je résolus d’acheter la paix, crainte de sorcelleries contre les miens.

Main tendue, j’allai droit vers la vieille gueuse, mais elle s’esquiva très vite malgré sa jambe torse, et je l’entendis seulement ricaner au détour de la rue.

– Parbleu ! fit Maxime, votre sorcière me semble surtout malicieuse, se rendant fort bien compte de l’importance que vous lui prêtiez et, ravie de se venger des cailloux reçus jadis, elle profitait simplement du jour de votre mariage pour jeter en travers de la joie, afin de la rendre incomplète, ce nuage que l’émotion vous fit grossir plus que de raison !

– Dix à onze mois se succédèrent, poursuivit Nicolas, mois heureux, car l’entente régnait chez nous, et Salomé, bien qu’à peine relevée de couches, soignait la popote et le ménage. Je ne songeais guère à Urschel Schwein ; quand le bonheur vous tient, on oublie trop qu’il y faudra renoncer peut-être ! lorsqu’un soir, au rabat d’une de mes tournées, je la rencontrai causant avec ma femme.
 
 

 

« Je suis venue emprunter une tranche de pain, me dit-elle, et embrasser l’enfant ; ça lui portera chance ! »

Son accent gouailleur me mordit d’un frisson, et je me dressai par instinct devant le berceau où dormait notre Tony, ses doigts roses fermés sur ses yeux.

« Veux-tu nous réconcilier ? » murmurai-je.

Au lieu de répondre, elle éclata de son ricanement du matin des noces et sortit en tirant le loquet.

Alentour, continua le garde après une courte pose, on vantait les joues rondes et fermes, les plis gracieux des cuisses et du cou de notre petit gars. Je le voyais sommeiller paisiblement, les lèvres barbouillées de lait, plein de vie et de santé… »

Il serra les poings.

« Hélas ! monsieur Deuriot, Tony mourut étouffé cette nuit-là, et le médecin ne sut découvrir aucun symptôme de maladie… Urschel Schwein s’était vengée de moi ! »

Les mots s’étranglaient dans la gorge de Nicolas Grimmer, et sa douleur vraie, encadrée par le fantastique du récit et du décor, vibrait d’une intensité particulière. Ses prunelles pâles, presque blanches, versaient des lueurs phosphorescentes, et le rougeoiement du foyer saignait sur sa taille géante, semait d’étincelles rousses ses longues moustaches et sa barbe broussailleuse.

« La coïncidence entre l’arrivée d’Urschel Schwein et la mort de Tony est certes bizarre, dit Maxime Deuriot toujours incrédule, tandis que Nicolas Grimmer s’épongeait la face ; j’avoue qu’elle a été fatale, mais autorise-t-elle néanmoins à conclure à la possibilité d’un crime ?…

– Vous n’avez entendu que la préface, mon cher, répondit Müllenheim ; patientez, l’histoire commence seulement !

– Je me jurai d’étrangler la sorcière ! continua le garde, mais la réflexion me dit qu’un honnête homme ne condamne pas les gens sans preuves et j’abandonnai mon projet. Toutefois, j’ouvris l’œil sur les manigances de l’ensorceleuse, et quand, l’année d’après, Salomé eut de nouvelles grossesses, je redoublai mes précautions.

Ma femme reçut défense expresse de prêter quoi que ce soit : ni linge, ni outil, ni ustensile de ménage, peur d’incantations diaboliques, et je traçai sur notre porte, à l’aide d’un pinceau mouillé de couleur rouge, les quatre lettres J. N. R. J., c’est-à-dire Jésus de Nazareth, roi des juifs, parce qu’elles garent des envoûtements.

La grossesse de Salomé touchait à sa fin. Un soir de juillet, nous prenions le frais sur le pas de la porte, lorsque Waldmann, notre chien, grogna tout à coup, et de derrière un bouquet d’arbres se détacha la silhouette ratatinée et cahotante de la vieille Urschel.

Des tenailles m’agrippèrent le cœur. Machinalement, j’allongeai les doigts vers un manche de bêche gisant à terre et m’en saisis.

Elle approchait, traînant davantage sa jambe malade, geignante, courbée, ses mains appesanties sur sa crochette.

« Que désires-tu ? lui criai-je. Passe au large ; on ne t’aime pas ici. »

Un sourire hideux découvrit, aux coins de sa bouche, ses dents jaunâtres et pointues.

« Arrière ! lui dis-je encore, oiseau de malheur !

– Ne me refuse pas du lard et du sel, grommela-t-elle d’un ton pleurard, ça portera chance à l’enfant ! »

Ça portera chance à l’enfant ! Le même souhait que pour mon pauvre Tony !…

Je vis rouge. Un élan me souleva, le manche de la bêche si terriblement brandi qu’Urschel Schwein fit volte-face et se sauva cahin-cahan, sans souffler mot.

Cependant, Salomé accoucha d’une fille, notre gentille Lénélé, et nous l’aimâmes doublement, à cause de son frère disparu.

Huit jours plus tard, les gendarmes me portèrent assistance pour capturer des braconniers, et je rentrai au milieu de la nuit, ralenti par l’épaisseur des ténèbres, butant contre les racines ou les ronces.

Soudain, à six mètres de notre cahute, Waldmann se rabattit poltronnement, l’oreille basse, la queue entre les pattes, et refusa de bouger.

J’écartai les derniers branchages pour voir ce qui l’effarait, et, à la clarté de la lune, j’aperçus un profil d’animal assez gros, remuant au centre de la clairière.
 
 

 

Il rôdait, allait et venait devant la porte, flairait en dessous ; j’avançai et, tout aussitôt, une truie efflanquée accourut joyeusement se frotter à mes guêtres.

La bête avait dû s’égarer dans la forêt ; aussi, quitte à réclamer une indemnité à son propriétaire, je me préparais à lui fournir pâtée et gîte, quand Waldmann redoubla ses aboiements.

Le poil hérissé par une indescriptible terreur, arc-bouté sur ses pattes tremblantes, il lançait à des intervalles réguliers un cri lugubre et reculait à mesure vers le taillis.

Tandis que je l’appelais, la cloche de l’église d’Andlau sonna au lointain.

J’ai fourni mes preuves de bravoure ; néanmoins, la peur me poignait. Un malheur naît vite, et je n’avais pas causé aux miens de la journée !… Le désir de rentrer me tarda.

Déjà ma dextre touchait à la gâche de notre serrure, lorsque la truie se posta au travers du seuil, barrant le chemin. Je l’écartai du pied, elle revint à la charge ; je levai la baguette du fusil pour la battre, elle s’enfuit en grognant.

« Dieu bon ! pensai-je, la truie boite comme Urschel Schwein. »
 
 

 

Agacé par les hurlements de mon chien, pris de peur en quelque sorte par instinct de conservation peut-être, non pour moi mais pour les miens, pressentiment, que vous dirais-je, sans plus réfléchir, j’épaulai et fis feu. La fumée se dissipa… rien !

Sitôt la détonation, Salomé était sortie me rejoindre. Ensemble, nous fouillâmes chaque buisson, chaque haie. Waldmann quêta furieusement… pas une trace !

– Vous rêviez debout, mon cher ! s’écria Deuriot ; Nicolas Grimmer ne manque pas son gibier.

– Si Urschel Schwein avait pénétré dans la cabane, dit Müllenheim. Lénélé serait morte à l’aube. »

Deuriot eut un haut-le-corps.

« Urschel Schwein !… Plaisantez-vous ?…

– N’empêche, ajouta le garde, que, durant deux mois, la vieille sorcière n’a pu bouger de sa paillasse. Une grave blessure, gagnée on ne sait où ni comment, rongeait sa jambe mauvaise, et le médecin craignit la nécessité d’une amputation. Dès lors, elle m’a laissé tranquille. »

Maxime secoua les épaules.

« Alors, dit-il, le coup de feu tiré au loup-garou aurait blessé réellement Urschel Schwein endormie ?…

— Une femme, répondit Müllenheim, après avoir assisté au supplice d’un roué vif, accoucha d’un enfant dont tous les membres étaient rompus. Que les savants expliquent comment l’impression produite sur l’âme de la mère par un si horrible spectacle pouvait atteindre et briser les membres de l’enfant, et vous comprendrez comment des coups reçus en rêve peuvent blesser même grièvement le corps de celui qui les reçoit en imagination, surtout quand son corps est soumis à des influences nerveuses et magnétiques.

– Et ce furent là les derniers exploits de votre loup-garou? demanda Maxime Deuriot.

– Ma foi, non ! fit Müllenheim. Un berger du pays, Ignace Krempp, qu’elle poursuivait implacablement, tenta il y a quelques années la suppression de ce monstre dont les maléfices pleuvaient sur tous et désolaient véritablement l’endroit. Il l’envoûta de telle sorte qu’elle a craché le sang et manqué en mourir ; le fait s’est renouvelé à trois reprises différentes. Depuis cette leçon qu’elle a payé cher, on ne cite rien de grave, quoique chacun se tienne sur ses gardes à son approche ! Il est de fait qu’elle a beaucoup perdu de son assurance.

– Bien que Lénélé ait grandi et soit à la veille d’être mère à son tour, conclut Nicolas Grimmer, notre ancienne ennemie Urschel Schwein continue de vivre. »

Il heurta de la main sa crosse de fusil.

« Doutez ou non, monsieur Deuriot, mais si la vieille sorcière flâne jamais près du berceau de mes petits-enfants, ce n’est plus la jambe que je vise ! »
 
 

 

_____

 
 

(Georges Montière, illustrations de Laurent-Desrousseaux, in Le Figaro illustré, tome cinquième, douzième année, deuxième série, n° 46, janvier 1894)