L’anchois est, de tous les mammifères, celui qui ressemble le plus au poisson.

On en compte plusieurs espèces.

L’anchois de marais est apocryphe et amphibie. Il respire par des évents. Il se plaît dans les étangs et les cours d’eau peu rapides.

Il a dans la tête, comme le cachalot, des cavités pleines d’une substance grise et odorante, dont il se fait un grand commerce, dans les îles de l’archipel polynésien, sous le nom de beurre d’anchois.

L’anchois de montagne est beaucoup plus grand. Ses formes unissent la vigueur à l’élégance. Il bondit, sans crainte du vertige, par-dessus des précipices effrayants. Il a tout le corps, excepté les yeux et la paume des mains, revêtu d’une épaisse fourrure, qui tombe tous les trois jours. Pendant la mue, il s’enferme dans des grottes inaccessibles.

On le poursuit pour sa fourrure, mais c’est une chasse des plus dangereuses. C’est, en effet, un animal d’une férocité inouïe. Il n’est vulnérable qu’au talon gauche. Si on ne le tue pas du premier coup, il bondit sur le chasseur et le dévore.

Les chasseurs les plus intrépides recommandent leur âme à Dieu, quand ils entendent dans la montagne le rugissement de l’anchois.

L’anchois de plaine est de la taille d’un gros homard, mais il a la tête peu développée, et visible seulement au microscope. Son cri ressemble beaucoup à celui de la huppe, et ses pattes sont palmées, comme celles du castor, avec lequel on l’a souvent confondu. Il grimpe aux arbres, avec agilité, pour dénicher des hérissons dont il est très friand.

C’est, de toutes les espèces, celle qui a les mœurs les plus dissolues.
 
 

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(Gabriel de Lautrec, in Le Supplément, grand journal littéraire illustré, vingt-quatrième année, n° 2788, mardi 18 juin 1907)