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L’histoire de Gef est l’un des cas de hantise les plus remarquables de l’entre-deux-guerres, ne serait-ce que par sa nature même : il ne met pas en scène un fantôme, mais un animal vivant. Avant de laisser nos lecteurs découvrir (ou redécouvrir) l’extraordinaire affaire de Doarlish Cashen, nous nous contenterons d’apporter quelques précisions : les visites du Gef s’espacèrent peu à peu pour cesser complètement aux alentours de 1940. Margaret et Voirrey Irving vendirent la maison en 1945, après la mort de James.

L’année suivante, le nouveau propriétaire, Leslie Graham, déclara, photo à l’appui, avoir tué un animal bizarre rôdant autour de la ferme ; mais, à en croire Voirrey, sa fourrure blanche et noire, et sa taille beaucoup plus grosse ne correspondaient en rien à Gef.

Vingt-cinq ans plus tard, le journaliste Walter McGraw retrouva la trace de Voirrey Irving, à l’occasion d’un article à paraître dans le magazine Fate en juillet 1970. Au cours de l’entretien qu’elle lui accorda, elle confirma à plusieurs reprises que l’histoire de Gef n’avait rien d’une supercherie. Elle aurait souhaité ne l’avoir jamais rencontré, et semblait regretter amèrement la curiosité suscitée par cette affaire, qui avait porté préjudice à sa famille, et l’avait empêchée de trouver un mari.

Voirrey Irving mourut en 2005 ; malheureusement, la ferme de Doarlish Cashen a aujourd’hui disparu.
 

MONSIEUR N

 
 
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LA MANGOUSTE QUI PARLE

 

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Investigation d’un Phénomène Psychique (1)

 

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HARRY PRICE et R. S. LAMBERT

 

(Compte rendu par F. R.-W.)

 
 

La hantise extraordinaire d’une ferme sur l’Île de Man (située entre l’Angleterre et l’Irlande), malgré une investigation récemment conduite par des expérimentateurs d’une grande expertise, demeure encore un mystère insondable. Le cas est presque unique dans l’histoire des recherches psychiques, et nous laissons à nos lecteurs le plaisir d’essayer de déchiffrer le problème.
 

LA DIRECTION.

 
 

Sur la côte ouest de l’Île de Man, isolée sur une lande élevée comme un plateau de plus de deux cents mètres au-dessus de la mer, se trouve encore une ferme où un homme, sa femme et sa jeune fille vivent pauvrement du produit d’un troupeau de quarante moutons. L’homme, M. James T. Irving, n’est pas un fermier par profession. Il était autrefois un commis voyageur pour les pianos, et voyageait beaucoup en Orient ; sans être linguiste, il connaît quelques phrases d’allemand, de russe, d’arabe et d’hindoustani.
 
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Mme Irving se dit psychique ; elle est hospitalière et travailleuse.
 
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La jeune fille, Voirrey Irving, blonde avec des yeux vert-brun qui ne supportent pas bien le soleil, d’humeur changeante et d’un air boudeur, a maintenant dix-sept ans. Elle chasse les lapins de garennes, avec l’aide de son chien Mona, les tuant avec un bâton, un fait important dans l’histoire qui suit.
 
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Nous avons dit que la ferme est isolée. Le mot est insuffisant. La ferme de Doarlish Cashen est extraordinairement isolée. Aucune habitation humaine n’est proche. On ne voit, de la maison, que la bruyère et la mer. Aucune route – pas même une piste – ne conduit à la ferme. On ne peut pas y arriver même avec une voiture de paysan. Elle est effarante en sa solitude. Pourtant, la famille Irving n’a aucun caractère fermier ; leur manière de vivre et de parler est celle de petits bourgeois d’une ville provinciale. Leur mentalité est saine et intelligente ; il n’y a rien de déséquilibré dans le père et la mère ; quelques éléments curieux dans le caractère de Voirrey semblent être le résultat de sa vie isolée.
 
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Voirrey et M. Lambert,

devant la ferme de Doarlish Cashen

 

Dans cette ferme viennent de se passer des phénomènes les plus étranges : « le mystère le plus curieux et le plus insondable de nos jours. » Cette visitation surnaturelle ou surnormale – ce n’est pas exactement une « hantise, » car la famille Irving a une affection pour son « fantôme » – commença en 1931. Elle continue toujours, et il n’y a que rarement un jour où cette voix étrange ne se fait pas entendre.
 
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Voirrey, James Irving et Richard Lambert

 

En octobre 1931, dans la basse-cour de la petite ferme, M. Irving vit un jour un animal ayant quelque ressemblance avec une belette. Cet animal aboyait comme un chien et miaulait comme un chat. Intrigué par cette bête, le fermier imita les cris des différents animaux, et la belette les répéta correctement et sans hésitation. Mme Irving, ayant vu une fois l’animal, déclara que c’était un furet, mais avec la queue d’écureuil. Au commencement de l’hiver, – et la ferme de Doarlish Cashen est exposée aux terribles vents et pluies du nord-ouest, – l’animal s’installa dans la maison. Peu de temps après, s’étant accoutumé aux nuances de la voix humaine, la belette commença à parler. Le rapport de M. Irving lui-même, sur ce développement ahurissant, est traité dans les mots suivants :

« En ce qui concerne son pouvoir de parler, la belette n’avait pas cette faculté avant la première semaine de novembre passé (1931) ; mais maintenant, elle parle avec autant de raison qu’un être humain, bien que ceci paraisse incroyable.

Les premiers bruits de la bête étaient purement de caractère animal, et nous empêchaient de dormir. J’ai commencé de l’éduquer en imitant les cris de tous les animaux du voisinage, et j’imitai ensuite le cri et lui donnai le nom de l’animal. En quelques jours, il suffisait de mentionner le nom de l’animal, et la belette répondait avec le cri caractéristique de cet animal, sans jamais se tromper.

Ensuite, ma fille Voirrey commença à lui dire quelques rimes de la Mère Oie, et, presque sans difficulté, l’animal répéta ses paroles, Sa voix était certainement deux octaves au-dessus de la voix humaine, très claire, très distincte, mais récemment, la belette arriva à parler dans la gamme de la voix humaine… »
 
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Photographie de Gef, prise par Voirrey

 

En février 1932, un reporter d’un grand journal, The Manchester Daily Dispatch, fut envoyé à cette ferme isolée sur l’Île de Man. Son premier rapport est celui-ci :

« L’homme-belette mystérieux de Doarlish Cashen m’a parlé aujourd’hui. Mon investigation sur cette histoire – certainement la plus extraordinaire en son caractère qui n’ait jamais obtenu croyance sur toute cette île – me laisse perplexe. Ai-je entendu parler une belette ? Franchement, je ne sais pas, mais je sais que j’ai entendu aujourd’hui une voix qui parlait, mais une voix que je n’aurais jamais pu imaginer venant d’une gorge humaine. Les habitants de la maison, qui insistent sur le fait que c’est la voix d’une belette, me semblent des personnes saines, honnêtes et responsables, nullement du genre à s’amuser dans une mystification ennuyeuse et tirée en longueur, leur donnant une notoriété désagréable. De nombreuses autres personnes ont eu les mêmes expériences que moi. »

Dans son deuxième rapport, le reporter se montre un peu soupçonneux de la petite fille (elle avait quatorze ans, à ce moment-là). Il continue :

« Le dénouement de ce mystère de « l’homme-belette » de Doarlish Cashen se trouve-t-il dans la double personnalité de la fillette Voirrey Irving ? Voilà la question que je me pose après avoir entendu cette voix perçante et mystérieuse qu’on attribue à cette petite bête évasive, ayant un corps de belette.
 
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Autoportrait de Gef

 

Hier, j’ai entendu plusieurs phrases, et on m’affirma que ces bruits venaient de « l’homme-belette. » La conversation se passait entre la « belette » et Mme Irving qui était dans une autre chambre. La fillette, Voirrey, resta sans bouger dans une chaise, dans la chambre. J’étais dehors de la chambre, mais la porte était ouverte. Je pouvais voir – vaguement – la réflection de Voirrey dans un miroir de l’autre côté de la chambre. Elle avait ses doigts sur ses lèvres. Je l’ai bien observée. Autant que je pouvais voir, il n’y avait pas de mouvements des lèvres, mais elles étaient cachées par les doigts. Quand – très doucement – je parvins à entrer dans la chambre, la voix cessa. La fillette resta sans bouger, sans même nous regarder. Je remarquai qu’elle suçait un morceau de ficelle. »
 
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Le Capitaine Macdonald, un investigateur des Recherches Psychiques, envoyé de Londres par le Laboratoire National des Recherches Psychiques, visita la ferme pendant quelques jours de suite. Il entendit l’étrange voix, mais toujours de loin ; toute investigation détaillée fut empêchée, car la belette criait :

« Non, je ne veux rien faire, car je ne vous aime pas ! »

Le rapport du Capitaine Macdonald ne fut donc pas favorable, car la voix venait du deuxième étage de la petite maison, et Mme Irving et Voirrey étaient en haut.
 
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Plusieurs fois, des épingles, du gravier, ou de légers objets furent jetés aux visiteurs, selon la manière normale du « poltergeist. » Voirrey était à l’âge de la puberté (ce qui confirme la théorie du poltergeist qui est presque toujours associé avec un garçonnet ou une jeune fille de cet âge), mais, à Doarlish Cashen, il y avait d’autres phénomènes encore plus inexplicables. (D’ailleurs, le « poltergeist, » phénomène tout à fait commun, n’a jamais été expliqué).

En mars 1932, l’animal annonça qu’il n’était pas une belette, mais une mangouste, qu’il était né le 7 juin 1852, près de Delhi, dans les Indes. (Il n’expliquait pas comment sa mère mangouste avait pu consulter le calendrier grégorien pour lui dire la date plus tard !).

En juin 1932, la mangouste se montra plus facilement. Elle se laissait caresser par la famille. M. Irving trouva que ses pattes de devant étaient formées comme des mains, avec les pouces opposables. (Aucune vraie mangouste ne possède cette particularité.)
 
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Moulages des empreintes supposées de Gef

 

Dans le printemps, la mangouste commença à tuer les lapins de garennes pour faire plaisir à ses hôtes. Elle disait qu’elle les prenait par la gorge, mais il n’y avait jamais la marque des dents. Les lapins avaient l’air d’avoir été étranglés. Invariablement, la mangouste disait où on trouverait le lapin mort, et n’a pas donné une seule fois une fausse indication.

Pendant l’été, on changea son nom de « Jack » en « Gef », et c’est par ce nom qu’elle est connue dans les annales psychiques. La nourriture de « Gef » appartient également au domaine du mystère. Elle ne mange pas les lapins qu’elle tue. Elle ne mange rien du tout de la nourriture normale d’une mangouste. Elle aime les gâteaux, les bonbons et les chocolats, comme Voirrey. Elle mange aussi les saucisses, le lard et les pommes de terre. La nourriture qui lui est destinée est toujours posée sur les poutres ouvertes du plafond. Gef mange bien, quelquefois beaucoup, mais pendant des semaines, elle ne mange pas du tout.
 
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Photographie de Gef, prise par Voirrey

 

En 1933, on trouva que la mangouste savait lire. Elle avait déjà exprimé, plusieurs fois, une terreur de la mort. Un soir, quand M. Irving était en train de lire le journal, Gef cria :

« Je vois quelque chose ! Cela me fait trembler, cela me fait peur ! »

M. Irving regarda le journal, mais ne trouva rien d’alarmant. La mangouste cria :

« Pas là, pas là ! Regardez dans la colonne des morts ! » Il s’y trouvait là, parmi les décès, une notice de la mort d’un homme appelé Jeffery, qui avait toujours été connu par le nom de « Jef. » (2)
 
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Autre photographie de Gef
 

Quelques semaines plus tard, Gef démontra qu’elle connaissait l’alphabet des sourds-muets. Vers la fin de l’année 1933, la mangouste avait aussi développé la clairvoyance. Elle visita une école, à quelques kilomètres de là, où elle apprit le solfège. Elle commença bientôt à chanter, d’une voix d’un octave ou dix notes au-dessus des limites de la voix humaine, quelques chansons inconnues des personnes de la famille Irving. Ajoutons que les paroles de Gef ont été entendues par de nombreuses personnes hors de la famille Irving.
 
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À peu près à la même époque, Gef commença à parler en plusieurs langues, mais le vocabulaire employé par la mangouste révélait que ses connaissances ne dépassaient pas les mots connus par M. Irving. Bien que « né à Delhi, » Gef ne connaissait que quelques expressions hindoustani, d’usage courant chez les Anglais.

Il est à remarquer que Gef connaît la clôture de la saison de chasse pour les lapins. Pendant la saison 1933-1934, elle tua quarante-sept lapins, mais pas un seul n’était attaqué après le jour de clôture. Elle s’amusait à trouver les œufs que les canards et poulets de la ferme essayaient de cacher.
 
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Le langage de Gef est rude, impoli et plein d’argot, les mots d’argot étant ceux employés par la famille Irving. Malgré cette restriction de langage, elle a connaissance de nombreuses choses inconnues de ses hôtes. Selon M. Irving, Gef possède un grand répertoire de rires :

« Quelquefois, son rire est comme celui d’un enfant précoce ou espiègle ; ou comme le rire sénile d’une personne très âgée ; parfois, elle a un rire satanique, ou le rire d’un fou. Nous détestons cette dernière forme de rire, car elle est très agaçante. Heureusement, elle ne se produit que rarement. »
 
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M. Irving indiquant une des cachettes de Gef

 

Les Irving affirment que la mangouste peut danser au rythme de la musique, qu’un soir, elle leur a donné un concert avec des chansons en manx (langage de l’Île de Man), en espagnol, en gallois et en hébreu, suivi par une conférence en flamand. Gef calcule rapidement, mais seulement avec les chiffres simples. Pendant une certaine période, elle devint si grossière que le lit de Voirrey fut transféré dans la chambre de ses parents, à cause des menaces de la mangouste. Mme Irving avait peur que Gef fût un esprit diabolique. Cette phase ne dura que quelques semaines.

La mangouste peut aussi se transformer en chat, au moins selon les dires de M. Irving, et l’animal le confirme.

Une fois, Gef annonça qu’elle allait donner des poils de sa fourrure pour prouver qu’elle était une véritable mangouste. Mais ces poils, mis dans les mains des experts, et analysés par la microphotographie, se révélèrent les poils d’une chienne, Mona, la chienne de la ferme.
 
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Voirrey et sa chienne, Mona

 

Une deuxième visite du Capitaine Macdonald ne fut pas plus concluante. Plusieurs fois, il fut suggéré que Harry Price, un des investigateurs les plus connus dans le monde psychique, visite Doarlish Cashen, mais la mangouste se mettait en colère à la mention du nom et déclarait ouvertement sa haine pour M. Harry Price.

Néanmoins, MM. Price et Lambert firent le voyage. Gef disparut de la ferme le jour de l’arrivée de la lettre annonçant leur visite. Aucune évidence psychique ne se présenta pendant les quelques jours de la visite. Gef ne revint que le soir après le départ des investigateurs.

Une troisième visite du Capitaine Macdonald fut pleine d’événements, mais il ne fut pas possible d’avoir des phénomènes quand tous les membres de la famille Irving étaient sous observation.

Il est certain que Gef, « la mangouste qui parle, » est en rapport très étroit avec la famille Irving. Elle mange les mêmes mets que la jeune Voirrey, avec les mêmes préférences ; comme Voirrey, elle a un intérêt tout spécial pour les automobiles, et elle fait souvent le tour des garages dans l’île. Elle chasse les lapins, comme Voirrey le faisait autrefois. Son langage et les quelques expressions des langues étrangères, sont modelés sur celles de M. et Mme Irving. Est-il possible que Gef n’ait été, au commencement, qu’une fantaisie de la petite Voirrey Irving, mais une fantaisie si persistante et si forte dans cette ferme isolée, qu’elle soit devenue une forme-pensée, et que cette forme-pensée devînt ensuite l’habitation d’un désincarné lié à la terre, ou d’un élémental ? Il y a de nombreuses hypothèses à faire, mais aucune ne semble satisfaire toutes les conditions.
 
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La famille Irving

 

Pour terminer, nous ne pouvons pas mieux faire que de citer un appendice du livre écrit par MM. Price et Lambert. Cet appendice ne donne pas définitivement les conclusions des auteurs, car ils admettent qu’ils n’ont pas trouvé une solution définitive. Ce n’est qu’une suggestion que le dénouement du mystère pourrait se faire ainsi :

« Gef ne se place en aucune des catégories de phénomènes anormaux reconnus par les recherches psychiques. Il semble avoir une forme animale, le pouvoir de la parole, et de l’intelligence – ce qui ne se trouve sous de telles conditions dans aucun cas de hantise moderne. Mais, il y a trois siècles, on n’aurait eu aucune difficulté en lui donnant son vrai caractère. Le juge Matthew Hopkins, le fameux « Chasseurs de Sorciers » aurait immédiatement classé Gef parmi les « familiers » ou les suppôts si constamment en évidence parmi les créatures infortunées qu’il condamnait pour la sorcellerie.

Dans les livres ayant trait à la sorcellerie et au satanisme (3), nous trouvons des détails sans fin sur les « familiers  » et leurs façons de se conduire. Il est étonnant de remarquer combien de ces cas nous rappellent les actions de Gef. Presque tous les animaux domestiques et de nombreux animaux sauvages apparaissent dans ces rapports : l’écureuil, la belette, le furet, le putois et le lapin.

En 1589, Joan Prentice, une sorcière, confessait que le diable la visitait sous la forme d’une belette ou furet, avec des yeux de flamme. Le nom de cette belette était Bidd, et elle suçait le sang du doigt de la sorcière, chose que Gef fit une fois avec Mme Irving. Elizabeth Bennet, sorcière, avait un furet comme « familier. »

En 1644, le juge John Stearne témoignait qu’une sorcière, Elizabeth Clarke, produisit devant le tribunal sept ou huit familiers, parmi eux, une belette ou un putois. Dans deux différents cas, en 1693, les familiers des sorcières furent des putois. Entre putois et la « mangouste » de Doarlish Cashen, il n’y a que peu de différence.

Ces familiers demeuraient dans les murs des huttes ou maisons des sorcières (comme Gef), ils étaient traités comme les animaux favoris et mangeaient la même nourriture que leurs hôtes (encore comme Gef). Souvent, ils pouvaient parler, et ils avaient une grande facilité de parole, même s’ils semblaient parler une langue difficile à comprendre. Bien qu’intelligents, ils étaient indisciplinés, et ne gardaient pas parole. Ils tuaient les animaux (lapins ou poulets), cherchaient les objets perdus, et étaient employés comme messagers par leurs maîtresses les sorcières. Généralement, ils vivaient à un âge avancé (comme Gef), autour de soixante ans.

Tous ces facteurs peuvent trouver leur parallèle dans l’histoire de Gef. De plus, il faut noter une similitude entre la vie à Doarlish Cashen au vingtième siècle, et la vie dans les nombreuses fermes isolées d’Angleterre pendant les seizième et dix-septième siècles. Pendant la monotonie des longs et sombres hivers, presque sans lumière, sauf une mauvaise bougie, combien il était facile dans ces fermes isolées d’avoir des visions curieuses et des fantaisies bizarres ! Sans le réaliser, quelles sont les étranges idées qui, pour les divertir, ont pu sortir des imaginations peureuses et embrouillées !

Parfois, en raison d’un désir morbide de notoriété, ou de quelque chose qui briserait la dureté et la monotonie de leur triste existence, les paysannes d’autrefois confessèrent leurs habitudes de sorcellerie, même en sachant que cette confession les mènerait au gibet. De nos jours, la sorcellerie n’est plus punissable de mort, mais par le fait qu’elle n’est plus une profession punissable, son attrait est perdu !

Nous ne nous trouvons plus en compagnie des « familiers » des sorciers. Mais n’est-il pas possible qu’il existe encore des fantômes de fantômes, qui continuent une existence atténuée dans des lieux isolés et oubliées comme la ferme de Doarlish Cashen, sur l’Île de Man ?
 

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(1) The Haunting of Cashen’s Gap, A Modern « Miracle » investigated, par Harry Price et R. S. Lambert, avec huit planches hors textes. (Éditeurs : Methuen & Cie, Londres. Prix : 24 francs franco)
 

(2) Ce fait donne naissance à la théorie que la mangouste est une forme-pensée habitée par un double ethérique qui n’ose pas faire face à la mort ethérique. F. R.-W.
 

(3) Witcheraft and Demonism, par C. L’Estrange Ewen (1933).
 

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(in L’Astrosophie, revue mensuelle d’astrologie, de sciences psychiques et d’occultisme, vol. XV, n° 2, août 1936 ; l’article sera repris in extenso en deux livraisons, dans L’Écho du Sud, organe indépendant des intérêts généraux du sud de Madagascar, treizième année, n° 639 & 640, samedis 5 et 12 juillet 1941)

 

REMARQUE : Comme c’est généralement le cas dans la revue, l’article a été rédigé directement en français par un Anglais. J’ai pris la liberté de rectifier quelques faux-sens et de corriger la construction de certaines phrases, en préservant néanmoins assez d’anglicismes pour conserver tout le sel de la traduction.
 
 
GEF DAILY SKETCH, samedi 7 novembre 1936
 
 

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