I
« Et ils ne sont jamais revenus ? s’exclama le professeur.
– Jamais ! répéta gravement le fermier. Nul ne sait ce qu’ils sont devenus et le mystère reste entier. Cela paraît absurde, n’est-ce pas, qu’en l’an de grâce 1912, à quelques heures de cheval à peine de mon « estancia, » il puisse exister une terre inconnue, séparée du reste du monde par une haute chaîne de montagnes, premiers contreforts de la Cordillère des Andes, et qu’aucun de ceux qui tentèrent de les franchir n’ait jamais été revu. Quand j’arrivai dans le pays il y a déjà vingt ans, je ne pris d’abord pas garde aux contes qui circulaient sur cette région. Mais, peu à peu, je fus bien forcé de me rendre à l’évidence. Combien de voyageurs, après s’être arrêtés ici un moment pour se rafraîchir et se reposer, disparurent ensuite au sommet de ces monts pierreux ! Ils allaient poussés par la curiosité, la soif des aventures, l’espoir de découvrir des richesses… et je n’en entendais plus parler… À la fin, les républiques de trois des grands États sud-américains s’émurent. Une grande expédition fut organisée, composée d’explorateurs expérimentés et de plus de cent hommes ; ils campèrent dans mon domaine durant une nuit. Je les vis s’éloigner aux lueurs triomphales de l’aurore avec un inexprimable sentiment d’angoisse, que je jugeai ridicule à ce moment-là. Eh bien, il y a deux années de cela… et pas un seul n’a reparu.
– C’est inimaginable ! déclara le colonel, tortillant nerveusement sa moustache et jetant un coup d’œil du côté de son ami le professeur. Dites donc, mon cher Larosée, nous en avons résolu quelques-unes de ces énigmes de la nature, depuis bientôt dix ans que nous courons ensemble l’univers ; si nous tentions aussi de résoudre celle-là ? La tâche est digne de nous. Songez donc ! Une terre inconnue ! Quelles moissons de choses intéressantes nous pouvons recueillir pour nos conférences de l’hiver prochain en Sorbonne ! Il y a peut-être de l’autre côté de ces imposantes montagnes des peuples de race étrange que la civilisation n’a pas atteints ou qui sont en avance sur nous ; il y a peut-être aussi une faune et un flore curieuses, source pour vous de précieuses études. Qu’en dites-vous de mon idée, hein, mon cher naturaliste ?
– Vous savez bien que je suis toujours prêt à commettre toutes les folies pour l’amour de la science… » répliqua, de sa voix flûtée et tranquille, le petit professeur.
M. Varaine, riche propriétaire-fermier en Argentine, chez qui avait lieu cette conversation, se mit à rire.
« Venez donc tous deux prendre le frais sous la véranda, prononça-t-il, et ne débauchez pas mon vieux camarade de collège, monsieur de Chassemaure, je vous en voudrais trop. Vous ne pouvez deviner quelle joie j’éprouvai lorsque j’appris que Larosée s’embarquait pour un voyage d’exploration en Amérique. Je lisais, sans en manquer un seul, tous les articles de journaux célébrant la gloire de ce grand savant qu’est devenu mon condisciple préféré du lycée Janson, de même que vos conférences sur l’Histoire de l’Armée à travers les âges, monsieur de Chassemaure, m’intéressaient au plus haut point… Vous le voyez, je n’ai eu de cesse que lorsque vous avez eu accepté l’hospitalité de mon toit. Il y a à peine huit jours que vous êtes là ; ne partez pas encore… surtout par la Cordillère… acheva-t-il avec un frisson léger. Maudites montagnes ! reprit-il ; je crains toujours que Didier, avec sa jeunesse ardente et impétueuse, ne se laisse entraîner aussi vers elles, un beau jour. Et je n’ai que ce fils !
– Et vous pouvez en être fier, déclara le colonel de Chassemaure. C’est un cavalier et un chasseur de premier ordre. Avec cela, beau garçon, et un cœur d’or, voilà de quoi conquérir le monde ! Justement, n’est-ce pas lui qui revient de « l’estancia » voisine ? »
Un jeune homme, en effet, monté sur un superbe cheval blanc, arrivait au galop sur la piste poussiéreuse. Il jeta les rênes à un domestique qui accourait et s’élança vers la véranda.
« Qu’y a-t-il, Didier ? Pourquoi es-tu dans cet état ? questionna avec inquiétude M. Varaine, en constatant la pâleur et l’agitation de son fils. Que signifie cette bosse sur ton nez ? Te voici tout défiguré !
– Il y a, père, qu’un grand malheur vient de se produire par ma faute. Comme vous le savez, j’étais allé rendre visite à Loreto Romanes, le fils de notre voisin. Nous partîmes pour une longue promenade aux environs et j’eus la malencontreuse inspiration de le taquiner, comme il soutenait qu’aucun Français n’avait encore osé franchir la fatale Cordillère, et de prétendre qu’en tout cas aucun Espagnol ne la franchirait jamais. Nous nous séparâmes un peu fâchés, mais je crus sincèrement qu’il retournait chez lui. Or, un peu plus tard, je l’aperçus sur le chemin conduisant aux montagnes. Je me mis à sa poursuite et le rappelai. Il éperonna plus fort sa monture. Peut-être l’aurais-je, malgré tout, rejoint si mon cheval, n’ayant mis le pied dans un trou, ne fût tombé, m’entraînant avec lui. Je dus rester étourdi environ une heure. Lorsque je me relevai, Loreto avait disparu. J’ai prévenu son père et lui ai juré que je ramènerais son fils, si je ne périssais pas moi-même dans cette entreprise. Je viens vous dire adieu et faire mes préparatifs de départ. Demain à l’aube, je me mettrai en route. »
À ces mots, M. Varaine était devenu plus blême encore que le jeune homme.
« Tu ne feras pas cela, balbutia-t-il. Songe à ta mère !…
– C’est mon devoir, » dit fermement Didier.
Et le malheureux père se tut.
Mais M. de Chassemaure s’était approché. Il tendit à Didier sa longue main maigre.
« Tope là, enfant, s’écria-t-il, tu es un brave ! Nous ne te laisserons pas partir seul : Larosée et moi t’accompagnons. Nous aurons tous trois la gloire de planter le drapeau français sur le sol de cette contrée dangereuse et inconnue ; c’est moi qui vous le prédis, mes amis !»
L’enthousiasme de l’ancien colonel de l’armée coloniale qui s’était fait explorateur et dont les livres d’histoire étaient fort appréciés, fut communicatif. M. Varaine, lui-même, se sentit un peu moins inquiet sur le sort de son fils, le sentant encadré ainsi par deux hommes de valeur et d’un courage à toute épreuve.
La petite caravane quitta « l’estancia » au lever du soleil.
Jamais on n’a vu contraste aussi frappant que celui qui existait entre M. de Chassemaure et son collègue et ami le professeur d’histoire naturelle Larosée.
Le premier, grand, maigre, musclé pourtant, était vêtu comme un brigand de Calabre et armé d’autant de revolvers, fusils, coutelas qu’il en eût fallu pour tenir tête à une tribu de cannibales. Il montait un puissant cheval bai, et sa figure hirsute de vieux grognard était ombragée d’un casque de toile blanche.
Le second, petit, un peu fort, abritait son chef sous un simple chapeau de paille, retenu par un élastique passé sous le menton, afin qu’il ne s’envolât pas. De grosses lunettes bleues protégeaient ses yeux ; ses cheveux rouges passaient en mèches longues sous son chapeau. Il ne possédait apparemment aucune arme. Seule une petite boîte de fer-blanc peinte en noir était attachée sur son dos par des bretelles. Deux ou trois autres boîtes étaient placées dans les fontes de sa selle.
La petite troupe comprenait, outre Didier Varaine, Barnabé Oarra et Mathias Lécossais, deux fidèles serviteurs de « l’estancia » qui s’étaient offerts spontanément à accompagner leur maître. Barnabé ferait la cuisine : jeune, il avait la réputation d’un cordon bleu parmi les vachers du domaine. Quant à Mathias, « cowboy » avant tout, il surveillerait les six mules transportant les bagages communs.
Bien qu’inséparables, Mathias et Barnabé se querellaient souvent. Pour l’instant, ils semblaient de méchante humeur, et Didier étant resté un peu en arrière, à un moment donné, Mathias lui demanda d’un air de confidence :
« Dites, « patron, » pourquoi emmenez-vous ces deux messieurs avec nous ? Nous aurions bien suffi à vous protéger et, à en juger par leur apparence, ils seront juste bons à nous encombrer ! Le grand ferait bien dans un cirque avec son ridicule attirail, c’est un explorateur pour rire ! Quant au petit à lunettes, il se trouvera mal devant un moustique, sûrement. »
Didier sourit.
« Vous pourriez bien vous tromper dans vos suppositions, mes amis, déclara-t-il, et changer d’avis plus vite que vous ne le croyez. »
Et il rejoignit ses compagnons. Barnabé devait en effet apprendre à ses dépens que le colonel de Chassemaure était aussi terrible en réalité qu’en apparence et qu’il ne plaisantait point avec les questions culinaires, car il se targuait d’être un fin gourmet. Vers le soir, la petite troupe avait atteint le sommet de la première rangée de hauteurs. Mais une brume épaisse cachant le paysage, on décida de camper pour la nuit sur le plateau. Comme Barnabé apportait triomphalement devant Chassemaure un rôti de bœuf, plutôt desséché, celui-ci le lui lança à la figure. Ne pouvant supporter pareil outrage, l’ex-cuisinier des cow-boys (dont les estomacs peu exigeants lui avaient valu sa réputation exagérée) voulut retrousser les manches de sa veste et préparer ses poings. Il n’en eut pas même le temps. Le colonel le souleva en l’air tel un fétu de paille et l’envoya rouler un peu plus loin contre Mathias, qui accourait pour le défendre. Les deux serviteurs, après s’être relevés, contemplèrent M. de Chassemaure d’un tel œil admiratif que celui-ci éclata de rire et leur tendit à chacun la main. Désormais, la paix était faite !
Le lendemain matin, on se remit en marche. On avait trouvé les traces du passage du jeune Espagnol et Didier avait toutes les peines du monde à ne pas distancer ses compagnons, tant il avait hâte d’être fixé sur le sort de Loreto.
Cependant, l’ascension devenant de plus en plus difficultueuse, il fut décidé que Barnabé et Mathias resteraient en arrière avec les bagages et que les explorateurs les attendraient au lieu qu’ils auraient choisi pour le déjeuner.
C’est peu après que Didier Varaine fit une découverte qui le glaça d’angoisse et de terreur.
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LES SECRETS DE LA CORDILLÈRE
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RÉSUMÉ DU CHAPITRE PRÉCÉDENT
Loreto Romanes, un jeune Espagnol, mis au défi par son camarade Didier Varaine, un jeune Français, a franchi la frontière de la « Terre inconnue, » lieu fatal situé par-delà la Cordillère des Andes et dont nul n’est jamais revenu. Didier part à sa recherche en compagnie du colonel de Chassemaure et du savant naturaliste Larosée.
II
Le squelette d’un cheval, les os déjà « nettoyés, » gisait au bord d’un étroit sentier surplombant l’abîme. La selle, ou du moins ce qui en restait, était couverte de sang coagulé ; les mêmes taches livides se reproduisaient sur le sol, indiquant qu’une lutte désespérée avait eu lieu en cet endroit.
Tandis que le colonel, Larosée et le jeune homme, examinaient ces sinistres indices, leurs montures se mirent soudain à hennir et à trembler.
« Attention ! » s’exclama Didier.
Il avait entrevu, l’espace d’un éclair, parmi les blocs de granit, une bête énorme dont le pelage brillait au soleil comme du satin et dont les yeux d’or semblaient deux globes lumineux. Un rugissement, répété par cent échos, vint troubler le silence profond de ces solitudes.
Didier se faufila entre les débris des rocs, suivi du colonel. Brusquement, une silhouette souple et noire bondit devant lui et s’en vint retomber sur une large pierre formant piédestal. En même temps, le jeune homme et Chassemaure pressèrent la détente.
Juste un instant, la magnifique bête – un puma d’une taille colossale – oscilla sur ses jambes de derrière, comme prête à sauter sur ses assaillants, qui crurent l’avoir ratée et reculèrent. Mais, poussant un second rugissement d’agonie, elle s’abattit.
Les chasseurs se précipitèrent, espérant s’emparer de la fourrure superbe. Mais ils durent s’arrêter net ; ils se trouvaient au bord d’un insondable précipice large de plusieurs kilomètres et empli d’une buée bleue qui empêchait qu’on en vît le fond. Le fauve était tombé dans le vide et, par conséquent, il était perdu pour eux.
Quand ils revinrent vers l’endroit où ils avaient laissé le professeur, qui devait garder leurs chevaux, ils aperçurent ce dernier assis par terre, inscrivant quelque chose sur son carnet de poche, de la pointe de son stylo.
« C’est notre journal de route que Larosée est chargé de tenir, expliqua le colonel à Didier ; vous pouvez lire, il n’y a pas de secret. »
Il se pencha, ainsi que le jeune homme, par-dessus l’épaule du professeur.
« Retrouvé le squelette du cheval de l’Espagnol Loreto, probablement dévoré par puma d’une taille extraordinaire, entraperçu aujourd’hui. Tué par nous, est tombé dans abîme, n’avons pu avoir la peau. Espère avoir plus de chance une autre fois et pouvoir faire rapport détaillé sur ce rare spécimen de la faune américaine. »
Deux larmes coulèrent sur les joues de Didier. Il commençait à désespérer de retrouver vivant son jeune camarade.
Le précipice découvert par Didier et le colonel s’étendait sur une longueur indéfinie, semblait-il. En somme, c’était une sorte de vallée profonde séparant deux rangées de montagnes. Nos explorateurs comprirent qu’ils se trouvaient maintenant à la lisière de la Terre inconnue. Comment descendraient-ils dans la vallée ? Ils l’ignoraient encore, car les flancs de la Cordillère étaient à pic de ce côté. Mais leur volonté vaincrait tous les obstacles, ils le jurèrent.
Didier demanda la permission de prendre les premières heures de garde cette nuit-là. Tout à ses remords et à son chagrin, il ne pouvait dormir. Loreto était-il mort ou vivant ?
Le campement fut installé à une petite distance du bord de l’abîme et Didier se posta en sentinelle, appuyé contre un rocher dominant le gouffre de la vallée.
Le ciel était noir, sans étoiles ; pas un souffle de vent, le silence régnait profond, pesant. Il y avait un peu plus d’une heure que le jeune homme veillait, quand il crut percevoir dans le lointain un cri plaintif. Il écouta. Le cri se répéta plusieurs fois. Était-ce quelque oiseau ? Non, il ne pouvait y avoir à cette altitude que de rares condors. Alors, quoi ? On eût plutôt dit une plainte humaine.
Le jeune homme n’y put tenir. Il avança avec précaution dans la direction d’où lui avait paru venir le bruit. Quelle distance parcourut-il ainsi ? Il ne s’en rendit pas compte ; il avait oublié ses compagnons, il avait oublié tout ce qui n’était pas cet appel qui lui déchirait le cœur !
Soudain, il s’arrêta, secoué d’un long frisson, et se dissimula derrière un amas de rocs. Des pas se rapprochaient : une sorte de trot lourd et cadencé. Il n’eut pas même le temps de faire usage de son fusil. Une ombre gigantesque se profila au-dessus de lui, dans les ténèbres, mais il lui fut impossible de discerner à quel genre d’assaillant il avait affaire. Il se sentit soulevé de terre, étreint par deux bras monstrueux, le visage pressé contre une poitrine velue et, à demi suffoqué, fut emporté comme un enfant.
Puis, l’auteur du rapt s’immobilisa ; l’étreinte autour des membres du pauvre Didier se desserra légèrement. Retrouvant un peu de souffle, il voulut lutter. Mais des cordes grossières furent enroulées autour de son corps ! Qu’étaient ses faibles forces comparées à celles de son terrible et mystérieux antagoniste ! L’instant d’après, il était lancé, tel un ballot, dans l’espace.
Un cri affreux lui échappa : il tombait dans le vide. Mais, aussi brusquement qu’il avait été jeté, sa chute fut arrêtée par une secousse horrible qui parut lui briser tous les os, et il resta suspendu… – comment ? pourquoi ? – dans l’abîme, ses talons heurtant la paroi pleine d’aspérités du roc.
Durant de longues minutes, ce fut de nouveau le silence.
Attention ! Qu’était ceci ? Le même cri – qui avait attiré le malheureux Didier dans cette embûche – venait de se reproduire, plainte faible, désespérée, d’une pauvre créature humaine : cette fois, Didier en était certain.
Il frémit et, essayant de percer l’obscurité qui l’environnait, il distingua une sorte de paquet informe se balançant, de même que lui, à l’extrémité d’une courroie, à peine à vingt mètres de distance. Des phrases sans suite, des murmures comme de quelqu’un qui délire, suivirent le cri.
Et Didier, subitement, reconnut la voix de Loreto Romanes. Il comprit la vérité !
« Loreto ! Loreto ! » appela-t-il.
La réponse fut un éclat de rire, presque d’insensé.
« C’est fini ! c’est fini ! disait le jeune Espagnol, je deviens fou… qui pourrait prononcer mon nom ?
– C’est moi, Didier Varaine, rassurez-vous, nous serons bientôt sauvés ! s’exclama le pauvre Didier, croyant fort peu à cet encouragement. Depuis combien de temps êtes-vous là ? »
Mais Loreto s’était tu et le jeune homme eut beau parler, supplier, plus rien ne lui répondit. Son ami était-il mort ?
Cependant, les heures coulaient avec une lenteur atroce pour le supplicié. Enfin, une bande grise, dans le ciel, indiqua l’aube. Et comme le ciel s’illuminait des rayons joyeux du soleil, un spectacle étrange et abominable s’offrit aux regards de Didier.
Par une espèce de lanière faite d’herbes séchées, il était suspendu au-dessus de la vallée bleue dans laquelle était tombé le puma. Et, tout le long de la paroi, d’autres cordes pendaient, supportant les restes à moitié dévorés ou rongés de ce qui avait été des hommes. Loreto était le plus proche de cette rangée de victimes. En face, de l’autre côté de la vallée étroite, une idole gigantesque, sculptée dans la pierre, trônait sur un piédestal de granit. Les deux bras levés, les poings fermés en un geste de menace, les dents découvertes dans un rictus féroce, elle semblait personnifier le génie cruel et implacable de la Cordillère réclamant toujours des proies nouvelles et défendant son mystère.
Un gémissement poussé par Loreto fit retourner la tête à Didier. Allons, son ami n’était pas mort ; il restait un peu d’espoir. Hélas ! à cette seconde même, un rire rauque résonna au-dessus d’eux. Didier essaya de regarder en l’air. Il ne vit rien, sinon une immense main velue, qui eût pu être celle d’un gorille de taille peu commune. Et cette main tenait une sorte de couteau de silex et sciait lentement la corde. Didier rassembla ses forces et lança vers le ciel des clameurs stridentes. Trois détonations retentirent, répercutées par les échos environnants. Didier n’entendit pas la dernière : il s’était évanoui.
« Que m’est-il arrivé ? Où suis-je ? Et Loreto ? Et cet affreux démon ?
– Calmez-vous, cher enfant, tout va bien, déclara le professeur Larosée, qui administrait un cordial au jeune homme. Loreto dort d’un bon sommeil. D’ici quelques jours, il aura oublié cet affreux cauchemar.
– Nous retournons à « l’estancia, » acheva le colonel qui arrivait ; il le faut bien pour ramener Loreto. Mais nous reviendrons et la Cordillère sera bien forcée de nous livrer ses secrets. Quant à l’homme-singe de la caverne que nous avons tué, il a roulé, lui aussi, dans le gouffre. Mais ne vous désolez pas, mon cher Larosée, il ne doit pas être seul de son espèce. Nous irons faire une petite visite domiciliaire dans cette caverne d’où nous le vîmes surgir, si Dieu nous prête vie.
– Et nous nous vengerons sur les autres de ce que celui-là nous a fait endurer, prononça Didier d’un ton rageur.
– Oh ! il n’eût guère été dangereux si je l’eusse aperçu à temps, » grommela le petit naturaliste avec un sourire paisible.
Didier, Barnabé et Mathias ouvrirent de grands yeux.
« J’aurais voulu vous voir entre ses « pattes, » grommela le jeune homme ; de quelles armes vous fussiez-vous donc servi puisque vous n’en possédez pas ?
– Je lui aurais jeté à la figure une de mes pastilles asphyxiantes, répondit d’un ton modeste le professeur. Vous verrez, elles sont étonnantes ! »
Et il tapait avec satisfaction sur la boîte noire pendue à son dos.
« Ah ! mes amis, vous ne savez pas encore quel grand inventeur est notre cher naturaliste ! » proclama M. de Chassemaure.
Nos héros devaient, en effet, plus tard rendre hommage à la science de Larosée au cours de leurs aventures dans La Vallée de la Mort. C’est dans cet épisode que nous le retrouverons prochainement.
LA VALLÉE DE LA MORT
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« Cet endroit ne mérite pas d’autre nom que celui de « Vallée de la Mort, » s’écria le colonel de Chassemaure. Voyez ces squelettes, ces crânes blanchis, ces ossements de chevaux ! Le sol en est parsemé. De quoi moururent tous ces hommes ? »
Le savant naturaliste et professeur Larosée secoua la tête.
« Comment ils périrent, je l’ignore, mon ami, déclara-t-il. Quoi qu’il en soit, nous avons fait une découverte : voici les tristes restes des explorateurs et de la troupe de cavaliers que trois des grandes républiques sud-américaines envoyèrent en reconnaissance, par-delà la Cordillère, et qui ne revinrent jamais de la « Terre inconnue. » Eh bien ! malgré toutes les difficultés que nous avons rencontrées, nous voilà au sein de cette contrée fatale et j’ai la conviction profonde que nous réussirons là où les autres ont failli. Vous et moi, et Didier Varaine, le fils de notre ami dont l’« estancia » s’étend de l’autre côté de ces montagnes, Barnabé Oarra et Mathias Lécossais, nos serviteurs, tous, nous avons, sans nous en douter, suivi la même piste que les malheureux membres de cette expédition. »
M. de Chassemaure, ancien colonel de l’armée coloniale, était devenu, vers la fin de sa carrière, explorateur célèbre, grâce à la rencontre qu’il avait faite du savant Larosée, qui l’avait entraîné à sa suite. De concert, ils avaient déjà parcouru depuis dix ans la moitié du monde lorsqu’ils se décidèrent à un voyage d’études en Amérique du Sud. Là, le professeur Larosée retrouva, installé comme colon en Argentine, dans un vaste domaine, son ancien camarade de collège, Varaine, dont le fils, jeune et plein d’ardeur, se joignit à eux. Nul de ceux qui, franchissant cette partie de la Cordillère des Andes, avaient voulu visiter la région qui s’étendait au-delà, n’était jamais revenu et c’est pour cela qu’elle avait été nommée : « La Terre inconnue. »
Entre le colonel et le professeur, le contraste était saisissant. Le premier, grand, mince, musclé, était vêtu tel qu’un brigand de Calabre et s’embarrassait d’une quantité d’armes, telles que : pistolets, fusil, poignard, etc. Le savant Larosée, au contraire, petit et fort, coiffé d’un vieux chapeau de paille retenu sur son chef par un élastique passé sous le menton, ses longues mèches de cheveux carotte flottant au vent, les yeux protégés par d’énormes lunettes bleues, ne possédait apparemment aucune arme défensive. Seule, une petite boîte de fer-blanc peinte en noir était retenue sur son dos par des courroies de cuir.
Des deux côtés, la vallée étroite dans laquelle ces hardis pionniers venaient de parvenir, était encadrée par des montagnes aux parois vertigineuses dont on n’apercevait point le sommet, non plus que le ciel, car une sorte de brouillard bleu semblait flotter à une certaine hauteur. Et le silence sous cette calotte de nuées était terrible ! Nulle trace de vie animale. Et chose plus bizarre, certes, à laquelle nul ne s’était attendu, pas la moindre goutte d’eau ! Ni ruisseau descendant en fraîche cascade, ni mare, ni lac, rien, rien qu’un désert de pierres.
Plus loin, toujours plus loin, chevauchaient nos héros, s’enfonçant dans la vallée sinistre. Maintenant, ils ne pouvaient plus revenir en arrière… et l’eau manquait toujours ! Seraient-ils donc condamnés à mourir de soif ?
Le jour s’achevait et nos voyageurs virent avec une indicible sensation de malaise les nuées bleues épaissir et s’abaisser lentement jusqu’à les baigner dans un brouillard vaporeux, mais lourd.
Ils s’installèrent pour la nuit dans un petit cirque environné de rochers. Didier Varaine ne put dormir. Sa langue était enflée, sa gorge sèche ; il revoyait constamment en pensée les amas d’ossements rencontrés dans la journée et se demandait quels supplices ces braves pionniers de la civilisation avaient endurés avant de mourir.
Enfin, l’aurore vint. Les rayons du soleil traversèrent le voile de brouillards, leur communiquant des teintes merveilleuses. Distrait un instant de sa torture, le jeune homme admirait en artiste ce spectacle, quand il sursauta. Rêvait-il ?
Une trompette avait sonné ! Les sons cuivrés furent répétés par l’écho, puis s’éteignirent au loin. Et, dans la brume, il aperçut des soldats géants montés sur de grands coursiers qui avançaient d’un pas lent et solennel. Leurs lances se profilaient – immenses – sur l’azur, mais aucun son ne se produisait, ni cliquetis d’acier, ni ces mille bruits produits par une armée en marche. La trompette avait sonné… et les soldats-fantômes passaient dans le silence de la mort.
Didier était-il victime d’une hallucination ? Il se tourna du côté de ses compagnons. Barnabé et Mathias dormaient encore. Mais le colonel et le professeur levaient, eux aussi, le nez d’un air ahuri.
La vision s’évanouit. Était-ce un mirage ?
« Ce sont les spectres… les spectres de cette troupe d’explorateurs et d’hommes courageux dont les os reposent là-bas, » murmura Chassemaure.
Larosée haussa les épaules.
« Les fantômes ne se montrent pas d’ordinaire au lever du soleil, déclara-t-il. Pour l’instant, je ne puis expliquer le phénomène. Patience ! nous verrons bien. »
Une résolution soudaine était née dans l’esprit de Didier au cours de cette discussion.
« Je vais me mettre en quête d’eau, fit-il. J’irai plus vite seul que nous tous ensemble. Si j’ai la chance d’en trouver, je reviens vite vous avertir. »
Il prit son fusil et s’éloigna. Longtemps, il marcha. Ses recherches semblaient inutiles ; pourtant, un courage bizarre le soutenait.
Brusquement, il entendit de nouveau une sonnerie de trompettes. Elle provenait de très haut, au-dessus de lui. Son cœur se mit à battre violemment. Au lieu de continuer à suivre le fond de la vallée, une impulsion irrésistible l’entraîna. Il s’élança et commença de gravir le flanc de la seconde chaîne de montagnes. Ce versant était parsemé d’un amas de rocs éboulés qui rendaient l’ascension des plus pénibles. Mais la trompette ayant retenti encore une fois, Didier continua sa route, brûlant de percer le mystère. Soudain, il déboucha dans une sorte de sentier large d’un demi-mètre environ et qui côtoyait l’abîme à deux cents pieds au-dessus de la vallée. Il ne pouvait voir autour de lui, à cause du brouillard bleu qui l’enveloppait toujours.
Mais qu’était ceci ? Il se rejeta vivement parmi les rochers et se blottit derrière l’un d’eux, frémissant. À peine s’était-il caché qu’un cavalier gigantesque fit son apparition sur le chemin, puis un deuxième, puis d’autres encore. Il en compta quarante !
Non, certes, ce n’étaient point des fantômes, mais des créatures vivantes dont la taille était exagérée par las jeux de la lumière passant à travers la brume et projetant leurs ombres sur le ciel. Ces soldats avaient des visages sombres et féroces ; ils étaient vêtus presque comme les Gaulois, nos ancêtres, et armés de lances. Étaient-ils les gardiens de la Terre inconnue ? Les habitants de la mystérieuse Cordillère ?
Didier avait oublié les tortures de la soif, l’existence de ses compagnons. Il suivait les étranges cavaliers, se dissimulant de roc en roc.
Le sentier escaladait maintenant le flanc toujours plus abrupt des monts ; le jeune homme, haletant, vit passer devant lui un grand animal qui ressemblait à un lama ; un vautour, de dimensions également peu communes, le poursuivait. Si le silence de la mort régnait dans la vallée, du moins, sur les sommets, la vie triomphait !
Le pauvre Didier, cependant, n’eut guère le loisir de se livrer à des comparaisons poétiques. Le vautour l’avait aperçu et, jugeant cette proie plus facile, fondait sur lui. Pour l’éviter, le jeune homme n’eut d’autre ressource que de se précipiter sous une sorte de tunnel naturel dans lequel s’engageait le chemin et par où venaient de disparaître les cavaliers.
Le tunnel était court et tournait à angle droit. Didier ne put s’empêcher de laisser échapper une exclamation de surprise. Il venait de faire irruption sur un plateau inondé de soleil et protégé de tous côtés par des pics aigus. Là, plus de brouillard. Une herbe courte couvrait le sol, des troupeaux d’animaux paissaient. Les quarante cavaliers se préparaient à descendre de cheval. Mais le cri du jeune homme attira leur attention. Leurs faces sauvages, à sa vue, reflétèrent d’abord un étonnement sans pareil, puis la plus féroce des haines. Ils tournèrent bride et galopèrent vers lui.
Il fallait fuir. Il se rejeta dans le tunnel et, un cavalier le serrant de trop très, il lui fit face, le coucha en joue de son fusil et tira. L’homme et le cheval tombèrent, obstruant le passage. Il profita de ce répit et, arrivé hors du souterrain, regarda autour de lui d’un air éperdu, cherchant un refuge. Le vautour, heureusement, s’était envolé.
Une piste étroite et sinueuse s’offrait à lui, redescendant vers la vallée. La terre en était fraîchement piétinée, comme si de nombreux animaux l’eussent récemment tracée. Par là, les sauvages cavaliers le pourchasseraient difficilement. Didier se mit à dégringoler la pente raide, se retenant des mains à tous les obstacles.
Il était maintenant caché à tous les regards, mais il entendait à la crête de la montagne les soldats pousser de rauques appels. À mesure qu’il descendait, la nature du terrain changeait ; le sol devenait humide, et, avec un tressaillement d’allégresse, il songea que, peut-être, il allait trouver… de l’eau !
Il mit près d’une heure à atteindre le fond de la vallée qui, en cet endroit, devenait une gorge resserrée. Et son espoir ne fut point déçu. Un étang couvert d’une écume verdâtre emplissait la gorge. C’était à cet étang sans doute que venaient boire les animaux peuplant la montagne. Didier se mit à genoux, écarta de la main la mousse répugnante, puis, s’étendant à plat ventre, lapa comme un pauvre chien l’eau nauséabonde qui lui parut le plus délicieux des nectars.
Une fois sa soif apaisée, il s’assit un instant pour se reposer et considéra le lieu où il se trouvait.
Comme nous l’avons dit, la mare occupait toute la gorge et, à moins de reprendre le sentier qu’il venait de suivre, Didier ne pouvait avancer d’aucun côté. Or, remonter, il ne l’osait à cause des cavaliers farouches qui le guettaient encore peut-être. Pourtant, il voulait, maintenant, à tout prix rejoindre ses compagnons et les mener vers l’eau qui leur sauverait la vie. Il remplit jusqu’aux bords sa gourde du précieux liquide, puis, au prix de mille efforts, tenta de côtoyer le bord du l’étang en escaladant les énormes rocs qui le bordaient. Il fit ainsi environ deux cents mètres. La gorge se resserrait de plus en plus. Jamais le jeune homme ne s’était trouvé en un endroit aussi étrangement sinistre. Au-dessus de lui, la cime des monts se rejoignait presque, formant une sorte d’arche immense projetant son ombre sur le paysage entier. À ses pieds, le marais étendait sa surface stagnante parsemée de bizarres îlots ; du moins, Didier les prit d’abord pour tels, tant ils semblaient immobiles. Bientôt, pourtant, il constata que ces îlots disparaissaient ou reparaissaient à la surface, variaient de couleur, passant du vert-gris au marron rouge. Prenant son fusil par le canon, de la crosse, il agita l’eau, la faisant rejaillir sur le « phénomène » le plus proche. Tous ces îlots plongèrent aussitôt et ne revinrent que cinq minutes plus tard. Cette fois, le jeune homme avait compris. Lui qui avait d’abord songé à se jeter dans l’étang et à nager jusqu’à ce qu’il arrivât à une extrémité, ne pouvait s’y résigner maintenant qu’il le savait hanté de ces étranges créatures dont aucun mouvement ne décelait la vie.
Il réussit à parcourir encore quelques mètres le long de l’étang. Avec une joie indicible, il constata alors qu’il se terminait un peu plus loin sur une plage de sable fin. Seulement, pour atteindre cette extrémité, il ne lui restait aucun autre moyen que celui de sauter sur une énorme pierre qui saillait hors de l’eau, puis sur une autre située presque au milieu du marais et, enfin, de se jeter à la nage pour accomplir le reste du trajet.
La proximité du but lui donna du courage. Il bondit sur le premier rocher et s’arrêta. Et il sentit un dégoût sans nom s’emparer de lui. Les îlots flottants voguaient lentement vers son piédestal et semblaient se rassembler autour. De nouveau, il s’élança et s’en fut retomber sur le second rocher qui s’enfonçait en pente douce sous l’eau. Au même instant, un des îlots, plus gros que les autres, qui se trouvait proche, heurta la pierre et jaillit hors de l’élément liquide – laborieusement, mais patiemment. C’était une espèce de crapaud monstrueux aux yeux glauques et horribles qui fascinèrent le jeune homme. La bouche caverneuse, ouverte toute grande, était de taille à engloutir d’un seul coup un homme et n’en paraissait pas moins affreuse pour n’être pas munie de dents.
C’était vraiment une créature hideuse, une créature de cauchemar ! Les doigts tremblants de Didier se serrèrent sur le manche de son couteau. Il le brandit pour le plonger dans le cou de la bête. Mais la tête de cette dernière se retira avec une rapidité déconcertante ; le couteau ne rencontra que le vide. Deux secondes plus tard, ce n’était pas un, mais cinq, quinze, vingt crapauds qui menaçaient le pauvre garçon.
Une terreur sans nom glaçait le sang de ses veines.
Rêvait-il, pourtant ? Il crut avoir entendu prononcer son nom. Il tourna des regards désespérés vers l’extrémité du lac.
M. de Chassemaure, le professeur Larosée venaient d’apparaître et le contemplaient avec ahurissement. Quant à Mathias et Barnabé, ils n’avaient rien vu ; couchés sur le sable de la plage, ils buvaient l’eau comme des damnés au sortir de l’enfer.
Voyant le danger dans lequel se trouvait leur jeune compagnon, le colonel et le professeur déchargèrent leurs armes dans la direction des monstres, sans résultat, car les balles glissaient sur la peau molle et visqueuse.
Didier, cependant, épuisé par les émotions et les efforts de la journée, semblait près de s’évanouir.
« Mathias, s’exclama le colonel de sa voix de stentor, que fais-tu, espèce de brute ? Ne vois-tu pas que ton jeune maître va périr englouti par ces infâmes bêtes ? Vite, ton lasso !
– Mais il sera dévoré pendant que je le tirerai dans l’eau avec la corde, fit remarquer assez judicieusement le « corn-puncher.»
– Ne vous inquiétez pas de cela, mon ami, fit Larosée de son ton toujours paisible. Lancez le lasso et, pendant que vous halerez notre ami, j’empêcherai ces intéressants spécimens du monde aquatique de l’approcher. »
Il avait ôté de son dos la boîte de fer-blanc qui ne le quittait jamais et l’ouvrait. Il en retira quatre ou cinq petites pastilles noires et, fort adroitement, les jeta de chaque côté du rocher sur lequel Didier ne se maintenait plus qu’avec peine. En même temps, Mathias faisait siffler le lasso dans l’espace.
La scène qui s’ensuivit défie toute description.
La corde s’était enroulée autour du corps de Didier, qui se sentit entraîné dans l’eau. Mathias et Barnabé le halaient avec une dextérité prodigieuse durant que les pastilles, ayant heurté soit le granit du rocher, soit le corps des crapauds, éclataient avec un bruit sec. Aussitôt, des vapeurs noirâtres et lourdes se répandirent au-dessus de l’eau en lentes spirales et, en un clin d’œil, les corps de cinquante, cent crapauds, flottèrent le ventre en l’air sur l’étang.
« Vite, s’écria le professeur dès que Didier eut été ramené sur la berge, courons un peu plus loin afin que le gaz asphyxiant ne nous incommode pas. C’est une de mes petites inventions, voyez-vous… »
Lorsque Didier Varaine eut été ranimé, il fit à ses compagnons le récit de ses aventures. Tous décidèrent alors de retourner à « l’estancia » du père de Didier afin de prendre un repos bien gagné et de rassembler une troupe d’hommes aguerris pour pénétrer plus avant dans la contrée inconnue.
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(Anonyme, « Les Grandes Aventures, » in L’Intrépide, aventures, sports, voyages, dix-septième année, n° 831, 832 et 848, dimanches 25 juillet, 1er août et 21 novembre 1926)