De récentes et belles observations ont révélé, sur la planète Mars, des changements de coloration en harmonie avec la marche des saisons, et que l’on attribue à des phénomènes de végétation.
 

 

MARS ET LA TERRE

 
 

La planète Mars – notre voisine astronomiquement parlant – est le globe qui se trouve, après la Lune, dans les meilleures conditions pour permettre d’excellentes observations à sa surface. Cela a permis d’en dresser des cartes « géographiques » et des mappemondes où tous les détails sont reproduits, avec la plus grande fidélité.

L’examen méthodique et prolongé de ces détails et de leurs déplacements a révélé aux astronomes, avec précision, la durée du jour « martien, » qui est de 24 heures 37 minutes 23 secondes, et, par conséquent, sensiblement égale à celle du jour terrestre.

En revanche, Mars met 687 jours pour effectuer sa randonnée autour du Soleil. La durée de sa révolution est donc presque double de celle de la Terre.

Le diamètre réel de Mars est de 6.870 kilomètres. Cela fait que son volume est à peu près le septième de celui de notre globe ; mais sa masse est à peine le dixième de la masse terrestre. On en déduit que la pesanteur à la surface de Mars n’est que le tiers environ de celle que nous subissons sur la Terre ; si nous étions transportés sur Mars, nous aurions donc la sensation de peser trois fois moins qu’ici bas.

La distance moyenne de Mars au Soleil est 227 millions 637 mille 500 kilomètres. En parcourant son orbite fortement elliptique, Mars arrive tous les deux ans et cinquante jours à un point éloigné de la Terre de 56 millions de kilomètres seulement, ce qui permet les observations télescopiques les plus fructueuses. Ce cas s’est présenté au mois d’août 1924, et l’on se rappelle que cet événement a pris dans les revues et les quotidiens une importance exceptionnelle.

L’équateur martien est incliné de 25 degrés environ sur le plan de son orbite (à peu près comme l’équateur terrestre sur l’écliptique). On en conclut que, sur Mars, les saisons s’y succèdent comme sur notre globe, mais avec des durées plus longues, puisque l’année y est de 687 jours. Cette inclinaison entraîne, comme sur la Terre, des différences de climat, et les pôles de Mars sont signalés par des taches blanches formées probablement de glace, très étendues pendant les hivers martiens et diminuant au point de disparaître au cours des étés.

En somme, comme état général, Mars ressemble donc à la Terre, aux dimensions près, mais nous allons voir qu’il s’en distingue singulièrement par ailleurs.
 
 

LA FIN DES FAMEUX « CANAUX » DE MARS…

 
 

Vue à l’œil nu, la planète Mars est d’une couleur orangée très prononcée ; observée au télescope elle présente une apparence jaune avec une grande variété de tons affectant les principales régions de ce monde si intéressant.

Nous avons dit que les deux pôles y sont occupés par des calottes glaciaires absolument blanches. Elles se distinguent à première vue et varient avec les saisons. Sur le reste du globe, on voit des configurations, plus ou moins sombres, qui sont analogues dans leur ensemble à une distribution d’océans et de continents. Pendant longtemps, on a admis que les taches sombres représentaient des mers ou des océans et les taches claires des continents ou de grandes îles.

Mais de multiples observations avec de puissants instruments ont fait reconnaître une grande quantité de détails qui, diversement interprétés par les astronomes, ont fait couler des flots d’encre.

On sait qu’en 1877, Schiaparelli annonça l’existence des « canaux » qu’il venait de découvrit et dont la régularité géométrique était prodigieuse. Ce n’est pas tout : en 1888, le même astronome affirma que ces canaux se « dédoublaient. » Aussitôt, quelques astronomes n’hésitèrent pas à attribuer le tout à des ingénieurs martiens – évidemment plus habiles que leurs collègues de la Terre – qui procédaient tout simplement à une immense et judicieuse répartition des eaux à la surface de leur planète.

Malheureusement, les observations faites lors de « l’opposition » de Mars, en 1924, ont porté un coup fatal à cette magnifique théorie des canaux. Lisons plutôt :

« En ce qui concerne le réseau géométrique des « canaux » filiformes, écrit l’astronome M. Antonialdi, je n’en ai jamais trouvé trace, pas plus que mes prédécesseurs à la grande lunette : Millochau, Burson, Idrac, Bossler, malgré une attention soutenue. Mais j’ai vu, comme eux, des traînées grisâtres irrégulières, filamenteuses ou noueuses, de largeur parfois très variable sur leur trajet, ou des bords de grisailles ou des chapelets de « lacs » aux endroits mêmes où le très habile observateur qu’était Schiaparelli, travaillant avec un objectif d’ouverture bien moindre, a dessiné ses canaux filiformes. Ces traînées ont été observées avec des finesses de détail telles que, si le réseau géométrique existait, il aurait été facilement décelé. En ce qui me concerne, il n’y a aucun doute que les formations sur Mars sont aussi régulières, aussi peu géométriques que le sont les formations terrestres. »

Il est intéressant de rapprocher de ces conclusions celles de M. Van Biesbrœck, qui a étudié Mars, en 1924, à l’observatoire de Yerkes, avec une lunette dont l’objectif a 102 centimètres d’ouverture. Les voici :

« Qu’il me suffise de dire que là où l’on rencontre dans les cartes devenues classiques des « oasis circulaires » aux contours bien définis, des « canaux » aux formes géométriques d’une ténuité extrême, je n’aperçois que de petites condensations irrégulières, tout un paysage de menus détails qui n’ont rien de géométrique. Ni à ce moment, ni à aucun autre au cours de la présente opposition, je n’ai pu me convaincre de la présence sur Mars de quoi que ce soit qui ressemble aux fameux canaux, à ce filet géométrique dont certains observateurs ont si généreusement décoré le sol de la planète voisine. »

La cause paraît entendue : les canaux de Mars ont vécu.
 
 

LA VÉGÉTATION MARTIENNE…

 
 

Les remarquables observations faites par les astronomes des différents observatoires s’accordent sur ce point capital : des variations de coloration, en harmonie avec la marche des saisons, se produisent sur Mars et accusent l’existence d’une végétation.

Nous allons résumer sommairement les excellentes observations martiennes des astronomes distingués MM. Ontonialdi, Baldet et du Martheray :

Sur la surface de la planète Mars, il existe des taches présentant des colorations bien accusées. Ces colorations éprouvent des changements et des modifications, au cours des saisons martiennes. La plupart des taches sombres appelées jusqu’ici des « mers » peuvent donc être attribuées à de la végétation qui subit un changement de coloration marqué de la fin du printemps au milieu de l’été. Ce changement est plus rapide que sur la Terre, ce qui paraît démontrer que les variations de température y sont aussi plus fortes.

La vie existe donc probablement sur Mars.
 
 

LES « MARTIENS » IMAGINAIRES

 
 

En l’état actuel de la Science, aucun savant ne peut affirmer avec des preuves décisives à l’appui, même si la vie végétale existe réellement sur Mars, que la vie animale y existe également, ce qui, d’ailleurs, n’aurait rien d’absurde.

L’existence des végétaux et de l’eau étant reconnues, celle des animaux devrait logiquement s’ensuivre. Mais ceci est une autre affaire, comme dit l’autre.

On peut toutefois avancer à ce sujet que si des animaux raisonnables ou autres vivent sur cette planète, ils doivent avoir une anatomie et une physiologie différentes de celles des animaux terrestres, y compris l’homme, bien entendu. Ces êtres vivants spéciaux seraient ainsi adaptés aux diverses conditions martiennes qui ne sont pas semblables aux conditions terrestres.

Plus heureux que les hommes de sciences, les romanciers sont bien renseignés sur les habitants de Mars. Cela nous permet de présenter à nos chers lecteurs et lectrices trois élégants « Martiens, » tels qu’ils ont été conçus par l’imagination féconde du romancier anglais Weils [sic].

On ne saurait dire – même en l’absence de tout vêtement – à quel sexe ces êtres appartiennent, ce qui nous rend perplexe sur les hommages galants à offrir à la Martienne. Cependant, allons-y et adressons notre plus gracieux sourire à ce joli petit crâne orné de deux télescopes et d’un suçoir et posé coquettement par terre sur ses tentacules épanouies. Un salut bref au « mâle, » debout, dont le crâne, plus volumineux, est perché au sommet d’un robuste faisceau de macaronis. Tiens ! voilà le nourrisson à l’arrière-plan : « Ta bouche, bébé ! »

Mais nous voyons la belle Martienne ramener doucement ses tentacules et s’apprêter à nous sauter éperdument au cou. Sauvons-nous !
 
 

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(A. Colombani, in L’Écho d’Alger, seizième année, n° 6551, jeudi 15 septembre 1927)