« Ce n’est point une bague, mais un sépulcre. »

 
 

Il y a quelque temps, notre ami Jérôme Bolteau nous signalait un curieux fait-divers intitulé « Un Cadavre dans une bague, » paru dans la « Revue anecdotique » du Voleur Illustré, trente-huitième année, n° 418, du 3 novembre 1864. Le Voleur étant, comme son nom l’indique, une revue hebdomadaire se faisant essentiellement l’écho des journaux quotidiens, cette anecdote a été largement citée dans la presse de l’année 1864 ; on la retrouve ainsi mentionnée par exemple dans le « Petit Courrier » du Journal du Loiret, quarante-septième année, n° 256, vendredi 28 octobre 1864, ou dans « Les Cimetières de Paris, » du Petit Journal quotidien, n° 611, mercredi 2 novembre 1864. Elle a même été reprise plus tardivement dans Le Journal de Roubaix, du 10 octobre 1872, où le Russe devient « un richissime négociant égyptien venu dernièrement faire des achats sur la place de Roubaix… »
 
 

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S’il faut en croire un journal sérieux, quotidien, politique, la France, puisqu’il faut l’appeler par son nom, on parlerait beaucoup en ce moment d’une assez singulière aventure. Comme nous avouons naïvement n’y ajouter aucune foi, nous nous bornons à emprunter le fait à notre grand confrère qui nous paraît avoir une tendance marquée à l’éclosion des canards fantaisistes.
 

Un Russe, dit-il, grand personnage, arrivé dernièrement à Paris, se faisait remarquer par une grande tristesse. Il portait au doigt une bague fort singulière ; aussi large qu’un bracelet, elle s’allongeait sur sa main droite comme un bouclier. Cette bague, verdâtre, coupée en veines roses, éveillait l’attention de tout le monde ; mais personne n’osait interroger le mystérieux étranger.

L’autre jour, cependant, une dame, le trouvant dans un salon, se risqua à dire :

« Vous avez là une bien belle bague ! »

Le premier mouvement du Russe fut de cacher sa main ; mais, cédant à un irrésistible besoin d’épanchement :

« Ce n’est point une bague, répondit-il, mais un sépulcre. »

L’assemblée frissonna.

« Ce bijou, madame, reprit-il, c’est ma femme. J’eus le malheur de la perdre il y a quelques années. C’était en Russie. Elle était Italienne et avait peur du lit glacé de la tombe. J’emportai ma chère trépassée en Allemagne ; j’y connaissais un grand chimiste, et je lui demandai de faire de ce corps une substance solide que je pusse toujours garder avec moi.

Huit jours après, il me fit venir, me montra la bière vide, tout un affreux attirail de cornues, d’alambics, et ce bijou posé sur un meuble. Il avait, à l’aide de substances corrosives et d’une presse spéciale, réduit et comprimé tout ce qui fut ma femme pour en faire ce joyau qui ne me quittera plus. »
 

Il est regrettable que la France, journal sérieux, n’ait point cru devoir révéler le nom du personnage russe et du grand chimiste distillateur de cadavres ; l’exemple du premier eût pu trouver des imitateurs et ledit chimiste se faire une importante clientèle. Car, on ne voit pas pourquoi, grâce à son procédé de compression chimique, chacun ne pourrait point porter toute sa parenté défunte à chacun des doigts de la main. Nous ne désespérons point, quant à nous, de voir quelque jour M. V. Séjour ou M. Dennery substituer cette bague-cercueil à la bague maternelle de tradition dans les mélodrames, et il est probable que la première fois que la jeune ingénue ou le jeune premier se serviront de ce nouveau truc, soit à la Gaîté soit à la Porte-Saint-Martin, il y aura dans l’auditoire un frissonnement de terreur bien sentie, surtout si conformément à la description ci-dessus, la bague est bien verdâtre et coupée en veines roses, ce qui ajoute à la couleur de famille indispensable en pareil cas.
 
 

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(in L’Europe artiste, douzième année, n° 44, dimanche 30 octobre 1864)

 
 

 

LA BIJOUTERIE VIENT DE FAIRE UN GRAND PAS

 

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Jamais, au grand jamais, les journaux sérieux, – ainsi qualifiés parce qu’ils débitent toutes sortes de calembredaines sans rire, – n’avaient imaginé un canard aussi dodu, aussi corsé, que celui voletant la semaine dernière dans les cages d’osier de la grande presse. Le veau à deux têtes, le serpent qui se cache sous l’herbe dans l’œsophage d’une gardeuse de dindons, ne sont que des atomes crochus comparativement à ce Moscovite orné d’une bague fabriquée par les marchands de bijoux à 3 fr. 50… la ligne. (Réclame en grande largeur.)

L’homme fossile, tiré d’un lit de guano, disent les uns, d’une pièce de M. Clairville disent les autres, l’homme fossile qu’on montrait naguère encore à la Porte-Saint-Denis pâlit devant cette nouvelle merveille.

Par quel journal ce canard a-t-il été couvé ? Nous l’ignorons ; mais qu’importe ! voici la chose telle qu’elle a été mirlitonée par ces loustics :
 

UN CADAVRE DANS UNE BAGUE.

 

On parle beaucoup en ce moment d’une assez singulière aventure. Un Russe, grand personnage arrivé dernièrement à Paris, se faisait remarquer par une grande tristesse. Il portait au doigt une bague fort singulière : aussi large qu’un bracelet, elle s’allongeait sur sa main droite comme un bouclier. Cette bague, verdâtre, coupée en veines roses, éveillait l’attention de tout le monde ; mais personne n’osait interroger le mystérieux étranger.

L’autre jour, cependant, une dame, le trouvant dans un salon, se risqua à dire :

« Vous avez là une bien belle bague ! »

Le premier mouvement du Russe fut de cacher sa main ; mais, cédant à un irrésistible besoin d’épanchement :

« Ce n’est point une bague, répondit-il, mais un sépulcre. »

L’assemblée frissonna.

« Ce bijou, madame, reprit-il, c’est ma femme. J’eus le malheur de la perdre il y a quelques années. C’était en Russie. Elle était 
Italienne et avait peur du lit glacé de la tombe. J’emportai ma 
chère trépassée en Allemagne ; j’y connaissais un grand chimiste, et je lui demandai de faire de ce corps une substance solide que 
je pusse toujours garder avec moi.

Huit jours après, il me fit venir, me montra la bière vide, tout un affreux attirail de cornues, d’alambics, et ce bijou posé sur un meuble. Il avait, à l’aide de substances corrosives et d’une presse spéciale, réduit et comprimé tout ce qui fut ma femme pour en faire ce joyau, qui ne me quittera plus. »
 

Voilà assurément un chimiste bien habile ; il a résolu le problème de réduire une femme.

Le grelot est attaché, et nous avons la conviction que la bijouterie ne s’arrêtera pas en si beau chemin.

La question du déplacement des cimetières est tranchée. Plus de concessions à perpétuité, de fosses temporaires ! On portera feu son portier en breloques, et les mânes de nos ancêtres se transformeront en articles de bijouterie.

« D’où vous vient cette épingle ?

– C’est une de mes petites cousines.

– Elle est charmante.

– On n’en disait pas autant de son vivant. »

Et l’homme qui convolera en secondes noces offrira à sa prétendue sa première femme – sous forme de boucles d’oreilles.

Les chimistes allemands ont de grandes vues.

Les chimistes français le prennent de moins haut ; ils se contentent de faire pousser les cheveux.

Et encore n’y parviennent-ils pas toujours.

Quoi qu’on en dise, la bijouterie vient de faire un grand pas.
 

EDMOND MARTIN

 
 

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(in Le Tintamarre, critique de la réclame, satire des puffistes, vingt-troisième année, dimanche 6 novembre 1864 ; « Perturbation, ma sœur, » collage de Max Ernst pour La Femme 100 têtes, 1929)

 
 
 

 
 

Or, cette légende n’a pas le mérite de la nouveauté ; nous la retrouvons déjà évoquée six années plus tôt, dans le roman de George Sand, L’Homme de neige, où le sinistre baron Olaüs de Waldemora porte, monté sur une bague, le corps de sa défunte épouse, réduit sous la forme d’un diamant noir : « On raconte dans les chaumières des environs que par amour pour sa femme, qui était aussi méchante que lui, il a confié son corps à un alchimiste, qui l’a fait réduire dans un alambic, et qu’il en est résulté un gros diamant noir. Ce qu’il y a de certain, c’est qu’il porte au doigt une bague étrange que je ne peux pas regarder sans terreur et sans dégoût. »
 
 
 

 

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(George Sand, L’Homme de neige, cinquième partie, in Revue des Deux-Mondes, tome 15, livraison du 1er août 1858)

 
 

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En réalité, ce « canard d’outre-tombe » avait déjà connu de beaux jours dans la presse au début de l’année 1858, et George Sand s’est manifestement inspirée de cette anecdote pour la légende de la bague du baron de Waldemora.
 
 
 

MOYEN D’UTILISER LES MORTS ET D’EN FAIRE DES PARURES

 

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Nous lisons dans le dernier numéro du Sancho :

« On parle beaucoup en ce moment d’une assez singulière aventure. Un Russe, grand personnage arrivé dernièrement à Paris, se faisait remarquer par une grande tristesse tempérée par une certaine extase. Cet homme portait au doigt une bague fort singulière, aussi grande qu’un bracelet ; elle s’allongeait dans sa main droite comme un bouclier pour l’annulaire. Cette bague verdâtre, coupée de veines roses, éveilla l’attention de tout le monde, mais personne n’osait interroger le mystérieux étranger. L’autre jour, cependant, une dame, le trouvant dans un salon, se risque à dire : « Vous avez là une bien belle bague ! » Le premier mouvement du Russe sentimental fut de cacher sa main, mais il céda à une tentation d’épanchement. « Ce n’est point une bague, répondit-il, mais un sépulcre. » L’assemblée frissonna. « Ce bijou, madame, reprit-il, c’est ma femme. J’eus le malheur de la perdre, il y a quelques années. C’était en Russie. Elle était Italienne et avait peur du lit glacial qu’elle pouvait trouver après la vie. J’emportai ma chère trépassée en Allemagne ; j’y connaissais un grand chimiste, et je lui demandai de faire de ce corps une substance solide que je pusse toujours garder avec moi. Huit jours après, il me fit venir, me montra la bière vide, tout un affreux attirail de cornues, d’alambics, et ce bijou posé sur un meuble. Il avait, à l’aide de substances corrosives et d’une presse spéciale, réduit et comprimé tout ce qui fut ma femme, pour en faire ce joyau qui ne me quittera plus. »

Ce deuil par la chimie est un progrès sur le projet de crémation proposé par le journal la Presse. Si cette mode pouvait prendre, une veuve aurait son mari monté en bracelet, avec une chaîne au bout. Cela lui rappellerait les liens de l’hyménée. Un mari aurait sa femme en épingle ; ce serait piquant, et on pourrait faire de certains académiciens une belle garniture de boutons d’habits. »
 

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(« Variétés et nouvelles, » in La Presse médicale belge, dixième année, n° 9, dimanche 21 février 1858 ; l’article sera repris dans La Gazette médicale de Lyon, dixième année, n° 4, 1er mars 1858)

 
 

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Autre fait-divers. Qui a rencontré le Russe fantastique que l’Estafette nous présente dans son numéro du 14 ?

Ce Russe, fraîchement débarqué, se fait remarquer par « une grande tristesse tempérée par une certaine extase. » – Tristesse et extase le prennent en regardant une bague qu’il porte au doigt, – une « bien belle » bague, – une bague verdâtre coupée de jolies veines « roses. »

De quoi est faite cette bague ? – Frémissez ! – Cette bague a été faite avec le cadavre de la femme du Russe !

Et quelle partie du cadavre ? Un os ? un nerf ? – Mieux que cela ! – Cette bague, c’est la femme elle-même, tout entière ! – Son mari, qui l’adorait, l’a confiée à un « grand chimiste. » Celui-ci a condensé la dame sous la forme d’une bague « à l’aide de substances corrosives et d’une presse spéciale. » (– je crois bien !) – Si bien qu’au lieu d’avoir sa femme au bras, – comme les autres maris, – ce Russe porte sa femme au doigt, – ce qui est infiniment plus commode.

Grands dieux ! – Si ce Russe avait, – outre sa bague, – une chaîne de montre !

Il en a une, ce n’est que trop probable, – et une très longue, peut-être, le misérable ! – Or, je vous le demande en frissonnant, – qui peut dire combien de parents, d’aïeux, d’oncles, de tantes, de cousins et de cousines, il porte au cou, – traîtreusement déguisés en anneaux de chaîne de montre !!!…
 
 

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(« Petit journal des grands journaux, » in Figaro, cinquième année, n° 315, dimanche 21 février 1858)

 
 
 

 
 

Il est difficile d’assigner une date précise à l’origine de ce canard, mais il nous paraît vraisemblablement avoir pris naissance dans un article de Mondion, paru dans Le Chroniqueur de la semaine du 23 novembre 1856. En attendant qu’un lecteur avisé ne lui découvre, un jour ou l’autre, une source antérieure…
 

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Je ne sais pas quelles seront les opinions politiques, socialistes, littéraires, didactiques du nouveau propriétaire de la Presse, et je ne commettrai pas l’indiscrétion de les lui demander.

J’avoue cependant que je serais assez curieux de savoir ce qu’il pense en particulier des articles mélancoliques de M. Bonneau, qui veut qu’on brûle les morts, et s’il est d’avis qu’à son décès on l’ensevelisse, lui M. Millaud, dans une bière en or, ou qu’on le brûle sur un réchaud d’or, pour l’enfermer ensuite dans une urne d’or.
 

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Il paraît que les fossoyeurs, ces rudes sages-femmes qui nous extrayaient de la vie pour nous mettre en nourrice, ou plutôt en nourriture, dans le sein de la vieille terre, abusaient des bontés de cette indulgente et dernière amie, et que, d’un autre côté, nous sommes d’une essence trop particulièrement délicate pour servir d’engrais.

J’avoue que je me trouverais, par la pensée, tout autant humilié d’être réduit à l’état d’un peu de cendre, bonne à faire une chaufferette ; et je crois que cette poussière précieuse finirait par embarrasser la piété forcément oublieuse de nos héritiers directs ou indirects.

Au moins, quand nos cheveux repoussent en herbe, nos amis peuvent venir nous caresser du pied, et il y a dans le rêve d’une assimilation avec la nature quelque chose de vague et de touchant qui peut les aider religieusement à se souvenir ou à ne plus nous regretter.

Mais cette affreuse petite cendre, ce néant immortel, toujours gris dans un coin de boîte, cela ne répondrait à rien, et serait une sorte d’exception sacrilège et prétentieuse dans la nature.
 

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Je sais bien que la rhétorique y gagnerait, et que, quand on parlerait désormais des cendres de tel grand homme, on ne commettrait plus un trope inutile.

Mais cette raison grammaticale n’est pas assez sérieuse pour changer quelque chose à l’antique coutume de fumer le sol humain avec des hommes.
 

*

 

J’avoue cependant encore que si cette mode coquette de brûler les corps avec quelques pastilles du sérail avait été mise en pratique il y a dix-sept ou dix-huit ans, on aurait épargné de cruelles émotions à cette pauvre madame Lafarge, qui a eu la douleur de voir déterrer son époux.

À la bonne heure ! voilà un argument que la galanterie fait accepter, et qui rendrait bien plus facile le secret de certains drames domestiques dont la justice a toujours l’indiscrétion de se mêler.
 

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Eh bien ! je ne prétends pas faire concurrence à M. Bonneau, mais j’ai, moi aussi, un moyen plus propre, plus chimique, plus élégant à proposer.

J’ignore les formules, les procédés, la recette ; il n’y a plus que cela à trouver. Mais voici l’idée.
 

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Il y a quelques années, je rencontrais souvent un étranger, un Russe, qu’une grande tristesse, tempérée par une certaine extase, accompagnait partout.

Cet homme portait au doigt une bague fort singulière ; aussi grande qu’un bracelet, elle s’allongeait dans la main droite, comme un bouclier pour l’annulaire.

Cette bague verdâtre, coupée de veines roses, éveillait l’attention de tout le monde.

Personne n’osait interroger le mystérieux étranger.

Un jour, cependant, qu’une certaine familiarité presque souriante s’était établie dans la conversation, un de mes amis se risqua à dire :

« Vous avez là, monsieur, une fort belle bague. »

Le premier mouvement du Russe sentimental fut de cacher sa main ; mais une réflexion, une tentation d’épanchement lui fit honte ; il nous laissa regarder de près ce singulier joyau, et répondit :

« Ce n’est point une bague, messieurs, c’est un sépulcre. »
 

*

 

Nous crûmes que ce monsieur faisait allusion à des mèches parfumées que ce mausolée portatif cachait peut-être, et qu’il était un ancien chasseur de chevelures retiré des amours.

Aussi l’un de nous pensa-t-il agir avec beaucoup de tact en cherchant le ressort qui ouvrait ce chaton gigantesque.

Mais l’étranger, nous voyant embarrassés, continua :

« Ce bijou, messieurs, c’est ma femme ; j’eus le malheur de la perdre, il y a quelques années. C’était en Russie. Elle était Italienne et avait peur du lit glacial qu’elle pouvait trouver après la vie ; aussi m’avait-elle fait jurer, à ses derniers moments, de la ramener au soleil. Je jurai, et je fis plus que mon serment n’avait promis.

J’emportai ma chère trépassée en Allemagne. J’y connaissais un grand chimiste, B…

« Il faut, lui dis-je, que vous me trouviez le moyen de faire de ce corps une substance solide, que je puisse garder toujours avec moi.

– Cela n’est pas impossible, » répondit mon ami.

Ah ! quel grand savant ! messieurs. Huit jours après mon arrivée, il me fit venir, me montra la bière vide, tout un affreux attirail de cornues, d’alambics, et ce bijou posé sur un meuble. Il avait, à l’aide de substances corrosives et d’une presse spéciale, réduit et comprimé tout ce qui fut ma femme pour en faire ce joyau qui ne me quittera pas, avec lequel et par lequel je mourrai ; car il a fallu mêler des poisons à ces combinaisons chimiques, et le jour où la douleur me rendra la vie insupportable, je broierai un peu de cette bague dans un verre, et tout sera dit. »
 

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Je fais grâce à mes lecteurs des sentiments que ce récit éveilla en nous. Ce deuil par la chimie, cette pétrification de la mort, avait une apparence fantastique qui n’était pas sans éveiller des titillations.

Je sais bien qu’un sceptique assurait que le savant était un farceur qui avait trompé son ami et enterré proprement sa femme. Mais j’aime trop l’Allemagne pour soupçonner un de ses enfants de supercherie, quand il s’agit de réaliser une fantaisie absurde.

Je crus donc le Russe sur parole, et je propose ce moyen, comme supérieur à celui de la Presse.

Il ne serait pas sans analogie avec le procédé Appert.

Ce serait la conserve des reliques obtenue par la compression.
 

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Une veuve aurait son mari monté en bracelet, avec une chaîne au bout : cela lui rappellerait les liens de l’hyménée.

Un mari aurait sa femme en épingle, ce serait piquant ; et on pourrait faire des académiciens une belle garniture de boutons d’habits.
 

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Je connais encore un procédé, mais je ne le mentionne qu’à titre de renseignement historique.

Un Français, qui remplissait, il y a quelques années, les fonctions de drogman dans une grande ville de l’Orient, M. B… avait eu l’idée de se faire faire avec la peau vénérée de sa femme un singulier vêtement que je nommerais en latin si je me rappelais comment les Romains désignaient un caleçon.
 

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Mais ce procédé est féroce. Cette tannerie sentimentale aurait l’air de représailles ironiques.

Espérons que M. Millaud invitera les rédacteurs de la Presse à trouver quelques autres moyens encore plus habiles.
 
 

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(Mondion, in Le Chroniqueur de la semaine, paraissant tous les dimanches, dimanche 23 novembre 1856 ; illustrations : bague de deuil anglaise du capitaine George Blagdon Wescott, 1798, et bague de deuil géorgienne renfermant une tresse de cheveux, fin XVIIIe siècle)