Je ne vous entends plus
Crétinards des isolations grammaticales
Vous zézayez vos métaphores pourries
Vous bavez vos mots gangrenés
Vos mots de philistins
Vos mots de curés vos mots de fumistes
Vos innommables mots de romanciers
Vos mots de boutiquiers
Mais je vous dis
Vos mots sont dans la dèche
Vos mots sont à l’agonie
*
Je vous annonce une révolution violente
Vos langues vont disparaître
Vos descendants les liront dans de vieux almanachs
Ils cracheront là-dessus
Ils se moqueront des bénédictions squelettiques de vos bouches
Ils riront de vos syllabes de chancre
Les lettres blêmes de vos adolescents feront rugir les enfants
Vos poèmes d’amour donneront les coliques aux femmes amoureuses
Toute votre canaille de mots-fumier créera un rire hystérique dans les villes de verre
*
Nous voulons chanter de nouveau
Nous voulons chanter des hymnes aux mots nouveaux
Nous voulons gueuler dans une langue nouvelle
Qui nous donnera un frisson
Qui nous fera rêver dans une syntaxe de sortilège
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(Eugène Jolas, Mots-Déluge, hypnologues, Paris : Éditions des Cahiers libres, 1933 ; illustration de Roland Topor)