UN CONTE INÉDIT
D’EDGARD POË [sic]
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Le conte fantastique dont nous donnons ci-dessous l’exacte traduction devait paraître dans le troisième volume des Histoires extraordinaires d’Edgard Poë [sic]. La mort l’empêcha d’achever ce volume, dont il n’écrivit que deux contes : la Chanson de J.-S.-T. Hollands et le Balancier. Le second est perdu. Un ami de Poë, M. H. D***, a pris copie du premier, qui nous est communiqué. C’est une véritable primeur littéraire dont nous pouvons garantir l’authenticité. La Chanson de J.-S.-T. Hollands date de juin 1849, quatre mois avant la mort d’Edgard Poë.
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La Chanson de J.-S.-T. Hollands
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Depuis tantôt six mille ans que l’homme s’avance à travers l’inconnu, sa lanterne à la main, ce qu’il a découvert n’est rien en comparaison de ce qui lui reste à découvrir et de ce qu’il ne découvrira jamais. L’imagination recule épouvantée devant certains problèmes insolubles qui défient toute espèce d’algèbre et de trigonométrie.
De ce nombre est le cas de M. J.-S.-T. Hollands, mort à Baltimore l’année dernière, à peu près à pareille époque.
Qu’on ne m’accuse pas d’inventer à plaisir les faits que je vais raconter : j’y assistais, et, vivrais-je cent ans, je ne les oublierai jamais.
Il m’est impossible de me rappeler où j’ai fait la connaissance de J.-S.-T. Hollands. C’est peut-être bien à Boston, à l’hôtel du Tomahawk, où je descendais souvent.
J.-S.-T. Hollands était un grand diable haut de six pieds, d’une intelligence plutôt ordinaire et extrêmement nerveux. En ce temps-là, il passait son existence à faire de mauvais vers, qu’il présentait régulièrement aux journaux, mais qu’on n’imprimait jamais.
Toujours est-il que l’année dernière, – en juin, – je le retrouvai à Baltimore. Il demeurait à Union’s-Hôtel, juste en face de la maison où je suis né.
Je le rencontrai dans la rue ; mais il semblait si affairé, qu’il ne me reconnut pas. Il me parut singulièrement changé : il avait maigri et faisait positivement l’effet d’un squelette ; ses yeux étaient cerclés de noir.
Je voulus le voir, mais il était devenu insociable comme un Irlandais après boire (1) ; je me présentai plusieurs fois à Union’s-Hôtel, il me fit dire systématiquement qu’il n’y était pas.
Le domestique qu’il chargea de ces désobligeantes réponses me donna de singuliers détails sur la manière de vivre de son locataire. J.-S.-T. Hollands ne sortait presque jamais, et se plaignait de vives douleurs dans la poitrine tout en refusant de voir aucun médecin. De temps en temps, il jouait du violon, mais toujours le même air. Deux ou trois fois il avait chanté sur cet air une chanson incohérente où il était question, me dit le domestique, de cœur vide, de ver rongeur et de glas.
Le domestique – un observateur – émit l’opinion que J.-S.-T. Hollands avait eu, à Boston, quelque histoire d’amour qui lui avait détraqué la cervelle.
J’avais à peu près oublié J.-S.-T. Hollands, lorsqu’à huit jours de là je rencontrai la même domestique.
« Le fou au violon est bien malade, me dit-il ; venez donc le voir, puisque vous êtes médecin. »
Je suivis l’homme, et le patron de l’Union’s-Hôtel m’introduisit sans difficulté dans la chambre de M. Hollands. Celui-ci était étendu sur son lit ; il ne reconnaissait personne, et sa figure offrait tous les caractères de la phtisie la plus avancée.
Une idée me traversa la tête. Depuis deux ans, mon attention avait été attirée par le magnétisme, dont j’avais vu obtenir et obtenu moi-même des résultats surprenants. Je commençai, au-dessus de la tête et de la poitrine du moribond, les passes que j’avais reconnues les plus efficaces pour endormir. M. Hollands fut extraordinairement influencé par le premier mouvement de ma main qui traversa son front ; mais, quoique je déployasse toute ma puissance, aucun effet ne sembla se manifester, avant un quart d’heure. Le pouls de M. Hollands était devenu imperceptible. Au bout de ce temps, le mourant se mit lentement sur son séant.
« Monsieur Hollands, lui demandai-je, dormez-vous ?
– Oui… me répondit-il. Non ! pas assez ! »
Je fis quelques nouvelles passes, principalement sur la poitrine.
« Dormez-vous ? lui demandai-je de nouveau.
– Oui… dit-il d’une voix saccadée, en heurtant ses dents les unes contre les autres avec un bruit de castagnettes.
– Où êtes-vous ?
– À Boston… Summers Street… chez… Ne me forcez pas à dire ce nom-là ! »
Je concentrai toute ma volonté.
« Quel nom ? repris-je.
– Laura L… ! fit-il d’une voix étranglée… Réveillez-moi ! »
La physionomie de M. Hollands s’était tellement convulsée que je jugeai imprudent d’insister.
« Où souffrez-vous ? » lui demandai-je.
Le moribond battit rapidement des paupières à cinq ou six reprises, s’appuya du bras gauche sur l’oreiller, s’étreignit de la main droite la poitrine à la place du cœur, et, sur un air bizarre que je n’oublierai jamais, chanta la chanson que voici d’une voix faible :
J’ai senti quelque chose se briser dans mon cœur,
Le soir de son dernier baiser,
Dernier mensonge de sa pitié,
Et, comme un ver qui entre dans un fruit,
J’ai senti s’introduire en moi,
L’amour qui ronge et qui tue. (2)
« Tiens ! s’exclama le domestique, sa chanson ! »
M. Hollands continua :
L’amour a pénétré dans mon cœur,
Qu’il a dévoré entièrement.
L’amour avide,
Puis, ainsi qu’un pauvre sans pain,
Il est mort de faim un beau jour,
Dans mon cœur qu’il avait vidé.
Son cadavre, glacé et raide,
Frappe à coups cadencés
La paroi rouge de mon cœur mort ;
Et je n’ose plus faire un mouvement,
Car je l’entends sonner le glas,
Dès que je veux bouger.
M. J.-S-T. Hollands termina cette étrange chanson par un gémissement et tomba à la renverse sur son lit. En quelques passes, je l’éveillai ; il me reconnut.
« Allez-vous-en ! me cria-t-il avec fureur… Je ne suis pas fou… pas fou !
Je sortis de l’Union’s-Hôtel très singulièrement impressionné. Le soir, je rencontrai un de mes amis de Boston, et je lui demandai quelques renseignements sur Laura L… Il m’apprit que c’était une femme de mœurs plus que légères qu’Hollands avait dû épouser, et qui était devenue la maîtresse d’un certain Van S…, négociant d’Anvers, établi à Boston.
Le lendemain soir, – un samedi, – je retournai à Union’s-Hôtel vers neuf heures et demie. Toute la maison était sens dessus dessous. M. Hollands agonisait. Quand j’entrai dans sa chambre, il lui restait à peine un souffle de vie.
J’exécutai de nouveau quelques passes magnétiques sur sa tête et sa poitrine…
Tout à coup le moribond sauta brusquement à bas de son lit, tandis que, stupéfiés, nous ne songions même pas à le retenir, et, d’une voix comme je n’en ai jamais entendue, d’une voix qui semblait venir d’une lointaine distance, et qui raclait le tympan, si je puis m’exprimer ainsi, il chanta, sur le même air que la veille, les vers suivants :
Aujourd’hui, c’est pour elle
Que sonne le glas, dont la force augmente
À tous les instants.
Dans mon cœur, brisé par ses coups,
Le glas va cesser… Priez tous
Pour la femme qui va mourir.
Au moment où il achevait le dernier vers, M. Hollands tomba raide à la renverse : il était mort. Dix heures sonnaient à ce moment.
Je suivis son convoi le lendemain, très ému de la mort du pauvre garçon. Deux jours après, comme j’allais quitter Baltimore, je reçus un numéro d’un journal de Boston. Fatalement, par un effet indépendant de ma volonté, et sans que je pusse m’expliquer pourquoi, mes yeux tombèrent immédiatement sur le passage suivant :
« Un crime épouvantable a jeté la terreur, samedi soir, parmi les habitants de Summers Street ; on manque encore de détails précis à l’heure où nous mettons sous presse. Tout ce que nous savons, c’est que la victime se nomme Laura L…, que l’assassin est un Belge établi dans cette ville nommé Van S… ; que la jalousie est probablement le mobile du crime, et que le meurtre a été commis à dix heures précises. »
EDGARD POË
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(1) Edgar Poë a toujours eu les Irlandais en horreur.
(2) Les vers anglais de cette chanson contiennent plusieurs fautes de prosodie ; on voit qu’Edgard Poë n’y a pas mis la dernière main.
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(Anonyme, « Varia, » in La Liberté, première année, n° 0 [numéro spécimen], mardi 16 avril 1872 ; illustration de Harry Clarke pour « La Vérité sur le cas de M. Valdemar, » in Tales of Mystery and Imagination d’Edgar Allan Poe, 1919)
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Dès sa parution, ce conte attribué à Edgar Allan Poe a été traduit en espagnol par Gustavo Baz ; il a été repris dans le journal El Domingo quinze jours plus tard.
☞ « La Canción de J. S. T. Hollands. Cuento inédito (traducción de G. A. B. [Gustavo A. Baz]), » in El Domingo, Semanario de literatura, ciencias y mejoras materiales, [Mexico], troisième série, n° 3, 2 juin 1872.
Cette première traduction a été reprise récemment dans la revue Ulthar, revista de fantasía, ciencia ficción y terror, n° 16, juin 2021 ; le même numéro contient également le conte d’Aurélien Scholl, « Un sueño de Edgar Poe » [Un Rêve d’Edgar Poe], que nous avons déjà mis en ligne sur ce site.
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« La Chanson de Hollands » a connu une regain de postérité à la suite de sa republication dans le Gil Blas du 15 février 1881 ; elle a ainsi fait l’objet d’une demi-douzaine de traductions en langue espagnole.
☞ « Un Cuento inédito de Edgar Poe : La Canción de Hollands, » in La Correspondencia de España, diaro universal de noticias eco imparcial de la opinion y de la prensa, [Madrid] trente-deuxième année, n° 8380, mercredi 2 mars 1881. Article emprunté à La Epoca.
☞ « La Canción de Hollands. Un Cuento inédito – Edgardo Poe, » in La América, vingt-quatrième année, n° 19, 8 octobre 1883.
☞ « Un Cuento inédito de Edgar Poe : La Canción de Hollands (traducción literal), » in El Indiscreto, periodico semanal [Montevideo], deuxième année, n° 44, 29 mars 1885.
☞ « Un Cuento inédito de Edgar Poe : La Canción de Hollands, » in El Orden [Tucumán, Argentine], 12 novembre 1885.
☞ Edgar Allan Poe, « La Canción de Hollands, » in Σοφία, revista teosófica, septembre 1904.
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Sa traduction dans La América nous intéresse plus particulièrement, car elle a donné lieu à une étude très documentée de John E. Englekirk junior, « The Song of Hollands, an Inedited Tale Ascribed to Poe, » dans le New Mexico Quarterly, vol. I, n° 3, d’août 1931. John Englekirk y démontre qu’Edgar Allan Poe ne saurait être l’auteur de ce conte prétendument inédit et, se basant sur la traduction du texte « Un sueño de Edgardo Poe » [Un Rêve d’Edgar Poe], parue dans la livraison suivante de La América, le 28 octobre 1883, en attribue logiquement la paternité à Aurélien Scholl.
En quoi il fait erreur : le véritable auteur de ce conte apocryphe n’est pas Scholl, mais un mystificateur de renom, déjà bien connu des lecteurs de la Porte ouverte. Il convient en effet de mettre « La Chanson de J. S. T. Hollands » à l’actif de Gaston Vassy, alias Gaston Pérodeaud…
Quelques années plus tard, Gaston Vassy utilisera ainsi ce soi-disant inédit de Poe pour illustrer un de ses « canards » fantaisistes paru dans Le Figaro du 18 mars 1874.
« La Chanson de J. S. T. Hollands » figure également en bonne place parmi les ouvrages du même auteur, en quatrième de couverture de La Reine des fleurs, légende hindoue, Paris : En vente chez tous les libraires et à la Maison L. T. Piver, 1874.
Il s’agit d’un livret-réclame, comme Vassy avait l’habitude d’en publier, en homme d’affaires et publiciste avisé, pour le magasin de fleurs-parfumerie d’Alphonse Piver : À la Reine des Fleurs, édité à l’occasion du centième anniversaire de la fondation de l’entreprise.
Le conte, toujours attribué à Edgar Poe, a ensuite été republié à deux reprises. Une première fois dans le Gil Blas, la notice d’introduction étant signée cette fois Gaston Vassy :
« Un Conte inédit d’Edgar Poë : La Chanson de J. S. T. Hollands, » in Gil Blas, troisième année, n° 455, mardi 15 février 1881.
Une seconde fois dans Le Mot d’ordre, sous la signature de Sifflet, un des multiples pseudonymes de Gaston Pérodeaud :
« Chronique parisienne : Un Conte inédit d’Edgar Poë, La Chanson de J. S. C. Hollands [sic], in Le Mot d’ordre, sixième année, n° 249, 1er Fructidor an 90/mercredi 6 septembre 1882.
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Nous reproduisons ci-dessous le fait divers à sensation du Figaro, reprenant l’épisode de la « Chanson de Hollands, » et l’étude que John Englekirk junior a consacrée à cet apocryphe dans le New Mexico Quarterly.
MONSIEUR N
AVENTURE EXTRAORDINAIRE. – SUICIDE ET SPIRITISME
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Je commence par vous donner ma parole d’honneur que je ne crois ni au magnétisme, ni au spiritisme, ni au somnambulisme. Aussi, en présence de la chose extraordinaire que je vais vous raconter, je déclare que je ne comprends rien, et je me borne à constater les faits :
Donc, avant-hier matin, a été trouvé, broyé sur la voie, le cadavre d’un employé du chemin de fer du Nord, nommé Grapin. La mort remontait à plusieurs jours.
Dans les poches du cadavre était une lettre, dont l’orthographe montre que Grapin était profondément illettré. La voici textuellement:
Lundi. – Je rentre chez moi aveque la consience d’un homme qui a accomplie son devoire, heureus et contant. Je me couche et je mandors. Lorsque jentand frappé 2 cous à ma fenêtre, il ni avet pas de vent, pas de brise. Je m’écrie : « Dieu, sauve ma femme et mon enfan. »
Mardi. – J’ai été inquies toute la journé. J’ai travaillé, je rentre encore ches moi. A minnuit, dans la cheminée, come un coup de foudre. Çait come un martô sur de l’airin. Je reppete ma prière : « Dieu, punisez moi, mais épargné ma femme et mon enfan. » Je sens qu’il vien darivai maheure. Je cor, je ne sai où je vai. Ce que je sai bien, c’est que je retourne à la Providence.
Rien de plus. Remarquez en passant l’élévation de la pensée de cette dernière phrase…
Justement intriguée, la police a ouvert immédiatement une enquête et a découvert que Grapin était un honnête garçon, mais d’esprit un peu faible, et fervent adepte du spiritisme. Il y a quelque temps, il avait envoyé son enfant à la campagne et sa femme s’était placée comme femme de chambre.
Ici, nous arrivons à l’invraisemblable.
L’enquête a constaté qu’à l’heure où Grapin avait entendu les deux coups mystérieux frappés à la fenêtre, son enfant avait une crise violente, et que le lendemain, à minuit précis, au moment juste où Grapin entendait dans la cheminée le bruit du tonnerre dont il parle, et s’écriait : « Je sais qu’il vien darivai malheure, » son enfant mourait.
Expliquez cela si vous pouvez !
Je vais me mettre en campagne ce matin pour pouvoir publier demain les renseignements les plus circonstanciés sur cette extraordinaire aventure.
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J’ai passé une partie de la journée d’hier à recueillir des renseignements sur Grapin, le pauvre diable d’illuminé dont j’ai raconté le suicide, et qu’un inexplicable pressentiment a averti, à l’heure précise où son enfant mourait. Grapin, m’ont dit plusieurs personnes qui l’ont connu, était, il y a trois ans encore, un garçon plein de bon sens. À cette époque, il se mit à lire les ouvrages d’Allan Kardec et les mémoires du célèbre médecin Daniel Douglas Home. Cela lui tourna le cerveau ; il crut dès lors aux Esprits et aux communications surnaturelles.
J’ai entre les mains une lettre qu’il a adressée à un de ses amis, quelques minutes avant de sortir pour aller se suicider. Elle confirme le singulier écrit trouvé sur lui après sa mort :
« Mon cher ami,
Je retourne à Dieu, où les Esprits m’apèlent. Toutaleure je sui decendu un instan, et jai vue dan la cour des traces des sang come si un enfan, aprèt avoire marché dans une mare de sang, avait lessé sur le carot lempreinte de ses petits pas. Je lis un maleure dans ces letres de sang. Mon enfant est mort cette nuit :
En rentran j’ai entendu sa vois mapeler par trois fois. Je remes mon âme entre les mains du Tout Puissant. »
Faut-il donc croire qu’en certaines circonstances l’âme humaine, par un pouvoir magnétique quelconque, peut réellement voir ce qui se passe au loin ?… Tout cela est bien étrange, et j’aime mieux croire à une bizarre coïncidence, tout simplement.
J’ai eu autrefois entre les mains, – par une succession de circonstances trop longues à raconter, – traduit et publié un conte inédit d’Edgard Poë [sic], qui a quelque analogie avec cette singulière aventure. Cela était intitulé : Le cas de J. S. T. Hollands.
Le héros du conte est une manière de fou, arrivé à la dernière période d’une maladie de poitrine incurable. Le malheureux, lui, prétend que les médecins se trompent, qu’il n’a pas de tubercules aux poumons, et que les épouvantables souffrances qu’il endure proviennent uniquement de ce que, depuis un soir qu’une femme l’a quitté, l’Amour lui ronge le cœur.
Un jour, l’idée vient au malade de mettre son infirmité en vers, et il compose une chanson étrange dont le texte anglais est des plus saisissants. Voici à peu près la traduction de trois ou quatre strophes :
J’ai senti mon cœur se briser
Le soir de son dernier baiser,
Dernier mensonge ;
Et comme un ver au sein d’un fruit,
L’Amour en moi s’est introduit,
L’Amour qui ronge.
L’Amour en mon cœur est entré,
Et tout entier l’a dévoré.
L’Amour avide.
Et tel qu’un mendiant sans pain.
L’Amour à présent meurt de faim
Dans mon cœur vide.
Son cadavre raide et glacé
Heurte de mon cœur trépassé
La paroi rouge,
Et je n’ose plus faire un pas,
Car je l’entends sonner le glas
Dès que je bouge !
À plusieurs reprises, on entend le fou chanter son air. Un jour, il tombe au plus mal. Alors, au moment où l’agonie commence, il se dresse tout à coup sur son séant, et d’une voix vibrante, chante un nouveau couplet :
C’est pour elle que maintenant
Ce glas funèbre va sonnant ;
Sa force augmente !
Dans mon cœur brisé par ses coups
Le glas va cesser. Priez tous
Pour la mourante !
Deux minutes après, M. Hollands rend le dernier soupir, juste comme sonnent dix heures du soir.
Or, à la même heure, à cent lieues de là, la maîtresse infidèle du poitrinaire meurt subitement, au milieu d’un bal.
Edgard Poë conclut en constatant qu’il vaut mieux ne pas chercher à comprendre les choses qui effraient l’imagination. C’est, je le répète, ce que je fais pour Grapin, dont le cas ressemble, comme vous le voyez, à celui de M. Hollands, par ceci que tous deux voient l’instant où meurt une personne éloignée.
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(Gaston Vassy, in Le Figaro, trente-et-unième année, troisième série, n° 48 et 49, mardi 17 et mercredi 18 février 1874 ; illustration d’Earl Norem pour « The Facts in the Case of M. Valdemar, » in Thrills and Chills, n° 6, 1994)
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JOHN E. ENGLEKIRK JR : THE SONG OF HOLLANDS, AN INEDITED TALE ASCRIBED TO POE
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(John E. Englekirk junior, « The Song of Hollands, an Inedited Tale Ascribed to Poe, » in The New Mexico Quarterly, vol. I, n° 3, août 1931)