Dans L’Intransigeant du 15 juin 1931, se trouve reproduite une lettre de Victor Llona adressée au rédacteur en chef de La Revue européenne, à propos de la récente traduction de la nouvelle d’Ambrose Bierce, « An Occurrence at Owl Creek Bridge » (1890) par L.-A. Delieutraz, que la revue venait de publier sous le titre : « Une Exécution. » Il demande à la revue d’insérer, dans son prochain numéro, un rectificatif lui attribuant l’antériorité de la traduction et le privilège d’avoir été le premier à introduire l’œuvre de Bierce en France.
 

XX En marge du registre des traductions.

M. Victor Llona vient d’adresser au rédacteur en chef de la « Revue Européenne, » une lettre où il pose la question du titre des traductions :

« Dans votre numéro de ce mois vous publiez une traduction, signée L. A. Delieutrez [sic] et intitulée Une Exécution, de la nouvelle d’Ambrose Bierce, An Incident at Owl Creek Bridge. [sic]

Puis-je vous demander de bien vouloir rappeler dans votre prochain numéro que j’ai publié moi-même, pour la première fois en France, je crois bien, une traduction de cette nouvelle dans le numéro de décembre 1921 de « la Nouvelle Revue française, » sous le titre Un Incident au pont d’Owl Bridge ? Cette traduction figure d’ailleurs dans le recueil de contes d’Ambrose Pierce [sic] que j’ai publié l’année suivante à la « Renaissance du Livre, » sous le titre Aux Lisières de la Mort.

Je tiens en effet à marquer mon droit de priorité pour l’introduction auprès des lecteurs français du grand écrivain qu’était l’Américain Bierce.

(Signé : Victor Llona.)
 

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(« Les Treize, » « Les Lettres, » in L’Intransigeant, cinquante-deuxième année, n° 18865, lundi 15 juin 1931)

 
 

 

☞  Ambrose Bierce, « Un Incident au pont d’Owl Creek, » traduit par V. M. Llona, in La Nouvelle Revue Française, neuvième année, n° 99, nouvelle série, 1er décembre 1921 ; cette traduction a été reprise dans Excelsior-Dimanche, « Les Contes d’action, » première année, n° 26, 26 août 1923, puis dans Le Progrès civique, journal de perfectionnement social, n° 378, 13 novembre 1926. Elle a été recueillie en volume dans le recueil Aux Lisières de la mort, Paris : « Collection Littéraire et Artistique Internationale, » La Renaissance du Livre, [1922].
 
 

 

 

☞  Ambrose Bierce, « Une Exécution, » traduit de l’anglais [sic] par L.-A. Delieutraz, in La Revue européenne, n° 6, nouvelle série, juin 1931 ; cette traduction a été reprise dans La Revue belge, onzième année, tome II, n° 3, 1er mai 1934.
 
 

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La traduction de Llona précédant de dix ans celle de Delieutraz, sa demande peut en effet paraître parfaitement légitime. Victor Llona fait néanmoins erreur ; contrairement à ce qu’il pense, il n’est pas le premier traducteur d’Ambrose Bierce en langue française. La nouvelle d’Ambrose Bierce avait déjà fait l’objet en 1914 d’une adaptation très libre et extrêmement écourtée par Jean Joseph-Renaud dans les contes du Matin, sous le titre : « Au Pont du hibou. » Il l’avait d’ailleurs reprise, tout comme quatre autres adaptations d’Ambrose Bierce, au sommaire de son recueil Le Clavecin hanté chez Lafitte en 1920 ; nous aurons l’occasion d’y revenir prochainement sur ce blog.
 
 

 

AU PONT DU HIBOU

 

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Un homme se tenait sur un pont de bois, regardant l’eau rapide courir, écumer, à vingt pieds au-dessous de lui. Ses mains étaient liées derrière son dos. Une corde qui cerclait, lâche, son cou et qui pendait derrière son dos, était attachée au parapet, auquel l’homme tournait le dos.

L’homme lui-même était en dehors du parapet, au bout d’une planche appuyée sur deux traverses qui dépassaient. À l’autre extrémité de la planche se trouvaient les exécuteurs, un lieutenant et un sergent de l’armée fédérale américaine.

Tout à l’heure, le lieutenant quitterait la planche. Puis le sergent en ferait autant. Et, comme tous deux faisaient contrepoids, la planche basculerait, le condamné tomberait dans l’espace : la corde le retiendrait – par le cou…

Sur la berge, une compagnie d’infanterie présentait les armes. Le capitaine se tenait à droite de la ligne, la pointe de son épée sur le sol, sa main gauche sur sa main droite.

Personne ne bougeait. La Mort est un dignitaire qui, lorsqu’il arrive après avoir été annoncé, doit être reçu avec des marques de respect, même par ceux qu’il n’impressionne pas. Dans l’étiquette militaire, l’immobilité est une des formes de la déférence.
 

*

 

L’homme qu’on allait pendre avait environ trente-cinq ans. C’était un civil, un planteur. Ses cheveux bruns, longs, encadraient son visage énergique, distingué. Rien en lui d’un vulgaire assassin. Le code militaire prévoit l’exécution de gens très différents et les gentlemen ne sont pas exclus…

Celui-là, nommé Carton Farquhar, était un citoyen du Sud ; il avait essayé, patriotiquement et vainement, d’incendier « le pont du Hibou, » qui allait maintenant lui servir de potence…

Le lieutenant enjamba doucement le parapet ; le poids du sergent empêchait seul la planche de basculer.

Carton Farquhar, qui avait refusé qu’on lui bandât les yeux, regarda un instant l’appui incertain de ses pieds et l’onde qui coulait en bouillonnant. Un morceau de bois y dansait ; il le suivit des yeux…

Pour fixer ses dernières pensées sur sa femme, sur ses enfants, il baissa les paupières, mais un son régulier, sourd, qu’il ne pouvait ni comprendre, ni ignorer, retentit en son crâne. On eût dit qu’un marteau de forgeron frappait de grands coups sur l’enclume. Cela semblait tout près et pourtant éloigné. Il écouta chaque heurt avec impatience et aussi – pourquoi donc ? – avec appréhension. Les intervalles de silence devinrent de plus en plus longs… Comme des heures séparaient maintenant un coup de l’autre.

Ce qu’il entendait là, c’était le tic-tac de sa montre…

Il rouvrit les yeux, et aperçut encore l’eau là-bas, au-dessous…

« Si je pouvais libérer mes mains, pensa-t-il, je dégagerais ma tête du nœud coulant et je sauterais dans le fleuve. En nageant entre deux eaux, peut-être éviterais-je les balles ; je regagnerais ma demeure, qui, Dieu merci, est en dehors de l’invasion ! Ma femme ! mes petits ! »

Le capitaine fit un signe au sergent qui bondit par-dessus le parapet.

La planche bascula…
 

*

 

Carton Farquhar tomba dans l’eau comme une masse de plomb. Il perdit conscience. Une douleur à la gorge et aux poignets l’éveilla. Un sentiment de plénitude, de congestion, le gênait. Mais le froid qui l’enveloppait lui restitua la pensée…

Il comprit que, la corde s’étant cassée, il venait de tomber dans le fleuve.

Il ouvrit les yeux, et, à travers des ténèbres, il vit au-dessus de lui une lumière, lointaine, inaccessible. Il descendait encore dans l’eau, car la lumière s’affaiblit jusqu’à disparaître. Puis, elle recommença à luire ; elle augmenta et il sut ainsi qu’il revenait à la surface…

Il n’eut pas conscience qu’il faisait effort, mais une douleur aiguë à ses poignets lui révéla qu’il essayait de dégager ses mains. Il donnait son attention à cette lutte comme un badaud observe un jongleur, sans intérêt dans le résultat. Quel splendide effort ! Quelle force magnifique, surhumaine ! Ah, bravo !… La corde cédait !… Il observa curieusement comme ses mains vinrent vite débarrasser son cou du nœud coulant enfoncé dans la chair…

Il sentit sa tête émerger ; la lumière aveugla ses yeux, il but une longue gorgée d’air. Ah ! la caresse des petites vagues du fleuve sur son visage !… Il vit la forêt sur une berge, et, sur l’autre, en silhouettes contre l’horizon, les soldats qui gesticulaient ; ils étaient énormes, avec des mouvements grotesques, horribles.

Le capitaine leva son sabre, un léger nuage de fumée s’éleva, des balles crépitèrent autour de Farquhar. Il plongea, il plongea aussi profondément qu’il le put ; l’eau hurlait dans ses oreilles avec la voix tonitruante du Niagara.

Quand il revint à la surface pour respirer, il vit qu’il avait été longtemps sous l’eau, car il se trouvait maintenant loin du pont du Hibou. Il nageait de toutes ses forces. Son cerveau était aussi énergique que ses bras et ses jambes. Il pensait avec la rapidité de l’éclair… Jamais, en ses meilleurs jours, il ne s’était senti autant de vitalité physique, de lucidité intellectuelle.

Le sable heurta ses pieds. Le bord ! Quelques secondes après, il était à l’abri, dans les bois.

Sauvé !
 

*

 

Tout le jour, il marcha vers le Sud sans rencontrer personne. La forêt semblait interminable. Il ne s’était jamais aperçu qu’il vivait dans une contrée aussi sauvage. Une révélation inquiétante, vraiment !…

Au crépuscule, brisé, sanglant, il trouva enfin, devant lui, soudain, une route qui devait mener dans la bonne direction. Elle était aussi large et droite qu’un boulevard de grande ville, et pourtant déserte. Tout y était régulier, géométrique…

Au ciel brillaient de grandes étoiles d’or, nouvelles lui sembla-t-il, et groupées en constellations étranges. Leur ordonnance n’avait-elle pas une signification secrète, maligne ?

Il perçut des bruits singuliers. Même, entre les branches des halliers, il entendit – oui, il entendit ! – murmurer dans une langue inconnue… Son cou lui faisait mal ; il ne pouvait fermer ses yeux congestionnés. Sa langue desséchée brûlait ; il la reposa en l’avançant entre ses dents, en plein air froid…

Comme le gazon était doux, il ne le sentait plus sous ses pieds !…

… Certainement, malgré ses souffrances, il a dû s’endormir en marchant, car maintenant une nouvelle scène lui apparaît. Peut-être vient-il seulement de s’éveiller d’un délire ?… Il se trouve à la porte de sa maison !… Tout y brille dans la lumière du matin. Sans doute a-t-il voyagé la nuit entière. Au haut de l’escalier, sa femme lui tend les bras avec un sourire de joie ineffable. Comme elle est séduisante !… Il s’élance vers elle, les bras tendus…

Comme il va l’étreindre, il sent un coup terrible à la nuque, une grande lumière blanche l’aveugle. Une détonation énorme l’assourdit… Puis, tout est silence et ténèbres…

… Carton Farquhar était mort. Son cadavre, le cou brisé, se balançait doucement dans l’air, sous le pont du Hibou.

L’instant de la mort est plein de rêves qui semblent durer des heures, des jours.
 
 

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(J. Joseph-Renaud (d’après Amb. Bierce), « Contes des mille et un matins, » in Le Matin, trente-et-unième année, n° 11029, samedi 9 mai 1914 ; repris sans mention d’Ambrose Bierce, « Variété, » in Journal de St-Quentin et de l’Aisne, quatre-vingt-seizième année, n° 162, samedi 11 juillet 1914 ; repris en volume dans le recueil Le Clavecin Hanté, Paris : Éditions Pierre Lafitte, 1920)

 
 

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Mais en vérité, ni Jean Joseph-Renaud, ni Victor Llona ne sont les véritables introducteurs d’Ambrose Bierce en France. Ils ont tous deux été précédés par une traduction anonyme de « An Occurrence at Owl Creek Bridge, » passée jusqu’à présent inaperçue. Cette traduction intégrale, tout à fait remarquable (en dépit de la coquille sur le nom de l’auteur, correctement orthographié au sommaire), est parue en août 1911 dans la revue Le Monde, encyclopédie mensuelle illustrée ; elle constitue à notre connaissance la première traduction française d’une nouvelle d’Ambrose Bierce, et la seule à avoir été publiée du vivant de l’auteur – ou du moins avant sa disparition supposée au Mexique, où il serait allé rejoindre les rangs des troupes de Pancho Villa. « La Porte ouverte » est donc particulièrement heureuse de republier aujourd’hui l’une des nouvelles les plus emblématiques d’Ambrose Bierce, dans sa toute première traduction française.
 

MONSIEUR N

 
 
 

 

AMBROSE BIERCE : L’INCIDENT DU PONT D’OWL CREEK

 

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Debout au milieu d’un pont de chemin de fer jeté au-dessus d’une rivière du nord de l’Alabama, un homme regarde l’eau qui coule rapidement vingt pieds plus bas. Il a les mains liées derrière le dos et, autour du cou, un nœud coulant dont la corde lui retombe jusqu’aux genoux, puis se relève et va s’attacher au-dessus de sa tête à une pièce de la charpente. Quelques planches posées sur les traverses de la voie portent l’homme et ses exécuteurs, deux soldats de l’armée fédérale sous les ordres d’un sergent qui, dans la vie civile, est peut-être un deputy sheriff. À quelque distance et sur le même plancher provisoire, se tient un officier, – un capitaine, – en uniforme et armé. À chacune des extrémités du pont, une sentinelle au port d’arme, le fusil dressé verticalement devant l’épaule gauche, le chien reposant sur l’avant-bras appliqué sur la poitrine, position peu naturelle et de pure parade, mais qui oblige le soldat à tenir le corps droit. Ces deux soldats ne paraissent pas s’occuper de ce qui se passe au milieu du pont ; leur consigne est de barrer les deux extrémités de la passerelle qui le traverse.

Sur l’une des rives, pas un être humain n’est en vue. La voie, d’abord en ligne droite, pénètre dans la forêt, puis, après une centaine de yards, fait une courbe et disparaît aux regards ; il y a certainement de ce côté un poste avancé. L’autre rive, découverte et en pente douce, est couronnée d’une palissade formée de troncs d’arbres dressés verticalement ; cette palissade est trouée de petites ouvertures dans lesquelles brillent des canons de fusil et d’une unique embrasure d’où sort la gueule d’une pièce d’artillerie en bronze qui commande le pont. À mi-hauteur de la pente, entre le pont et le fort, comme spectateurs, les hommes d’une compagnie d’infanterie alignés et en position de « En place, repos, » – la crosse de l’arme posée sur le sol, le canon légèrement incliné en arrière reposant contre l’épaule droite, les mains croisées sur le fût. Un lieutenant se tient à la droite des rangs, la pointe de son sabre piquée en terre, la main gauche appuyée sur la droite. À l’exception des quatre hommes formant groupe au milieu du pont, personne ne bouge ; les soldats de la compagnie faisant face au pont regardent sans faire un mouvement et comme pétrifiés ; les deux sentinelles qui gardent les extrémités du pont sont immobiles et pourraient être prises pour des statues ; le capitaine, les bras croisés, observe en silence les préparatifs de ses subordonnés, mais sans faire aucun geste. La mort est une autorité qui, lorsqu’elle arrive annoncée, doit être reçue avec toutes les marques extérieures de respect, même par ceux qui sont le plus familiers avec elle et, dans l’étiquette militaire, le silence et l’immobilité sont des marques de déférence.

L’homme qu’on va pendre semble âgé de trente-cinq ans. C’est un civil, à en juger d’après ses vêtements qui sont ceux d’un planteur. Ses traits sont sympathiques, le nez droit, la bouche marquant la fermeté du caractère, le front large, les cheveux noirs et longs peignés en arrière et retombant derrière les oreilles sur le collet d’une redingote de bonne coupe. Il porte la moustache et la barbe en pointe, mais pas de favoris. Ses yeux d’un gris sombre sont grands et empreints d’une expression de bonté qu’on ne s’attendrait pas à trouver dans les yeux d’un homme qu’on va pendre. Évidemment, ce n’est pas là un vulgaire assassin. Mais le code militaire prévoit la condamnation à la pendaison de bien des catégories de gens, et les gentlemen ne sont pas exclus du bénéfice de ses dispositions pénales.

Les préparatifs achevés, les deux simples soldats font un pas de côté et chacun d’eux retire la planche sur laquelle il s’était tenu jusque-là. Le sergent se tourne vers le capitaine, salue et se place derrière cet officier qui, à son tour, fait un pas de côté. Par suite de ce déplacement, le condamné et le sergent restent seuls aux deux extrémités d’une même planche qui porte sur trois des traverses de chemin de fer et qui, du côté où se tient le civil, atteint presque une quatrième traverse. Cette planche, jusqu’ici maintenue en équilibre par le poids du capitaine, l’est maintenant par celui du sergent ; lorsque, à un signal du premier, le second se retirera, la planche basculera et le condamné tombera entre deux traverses. Cet arrangement lui apparaît simple et pratique. Il n’a ni la figure voilée, ni les yeux bandés. Il considère un instant son support instable, puis laisse errer ses regards sur les eaux tourbillonnantes de la rivière rapide qui coule sous ses pieds. Un morceau de bois flottant attire son attention et ses yeux le suivent, descendant le courant. Comme ce morceau de bois lui semble se déplacer lentement ! Que cette rivière est paresseuse !

L’homme ferme les yeux pour donner sa dernière pensée à sa femme et à ses enfants. L’eau dorée par le soleil levant, les lambeaux de brouillard qui traînent encore sur la rivière en aval, le fort, les soldats, le morceau de bois flottant, tout cela avait distrait sa pensée. Mais voici que quelque chose de nouveau vient distraire son esprit qu’occupe le souvenir des êtres chers. C’est un bruit qu’il lui est impossible de ne pas entendre et dont il ne comprend pas la nature, un son métallique sec et dur comme le choc du marteau sur l’enclume, – c’est exactement le caractère de ce son. Le condamné se demande vainement quel est ce bruit ; vient-il de là-bas bien loin ou de tout près ? L’une et l’autre hypothèses lui semblent possibles. Le bruit se reproduit régulièrement, mais lent comme un glas de mort ; l’homme attend son retour avec impatience et aussi, il ne saurait dire pourquoi, avec une confuse appréhension. Les intervalles entre les bruits s’allongent progressivement ; l’attente devient affolante et, en même temps que les bruits s’espacent davantage, ils augmentent en acuité et en force, au point de lui blesser l’oreille comme autant de coups de couteau ; il doit se retenir pour ne pas crier. Ce qu’il entend, c’est le tic-tac de sa montre !

Il rouvre les yeux et revoit l’eau qui coule sous ses pieds. « Si je pouvais, songe-t-il, me délier les mains ! Je rejetterais le nœud coulant et je sauterais dans l’eau. En plongeant, je parviendrais à éviter les balles et, en nageant vigoureusement, j’atteindrais la rive, puis la forêt et je retournerais chez nous. Grâce à Dieu, ma maison n’est pas encore dans les lignes de l’ennemi ; la contrée où sont ma femme et mes enfants n’est pas encore occupée par l’envahisseur. »

Tandis que ces pensées, que les mots traduisent trop lentement, traversent comme un éclair le cerveau du condamné plutôt qu’elles ne s’y forment, le capitaine fait un signe de tête au sergent qui fait un pas de côté…
 

*

 

Peyton Farquhar était un planteur aisé appartenant à une vieille famille respectée de l’Alabama. Propriétaire d’esclaves, et, comme tous les propriétaires d’esclaves, politicien, il avait naturellement été dès l’origine un sécessionniste ardemment dévoué à la cause du Sud. Des circonstances d’une nature impérieuse, qu’il serait superflu de rapporter ici, l’avaient empêché de prendre du service dans la vaillante armée dont la campagne désastreuse s’était terminée par la chute de Corinthe ; mais il souffrait de sa lâche inactivité, il aspirait à pouvoir utiliser son énergie, à vivre de la large vie du soldat, à trouver une occasion de se distinguer. Cette occasion, il le sentait, se présenterait à lui comme elle se présente pour tous en temps de guerre. En attendant, il faisait ce qu’il pouvait : il n’était rien qui pût venir en aide à la cause du Sud qui fût pour lui une tâche trop humble ; aucune entreprise n’était trop périlleuse, pourvu qu’elle pût être exécutée par un civil qui était de cœur un soldat et qui, de bonne foi et sans trop approfondir les choses, acceptait au moins en partie cette haïssable devise qu’à la guerre comme en amour, tout est permis.

Un soir, tandis que Farquhar et sa femme étaient assis sur le banc rustique qui se trouvait à l’entrée de leur propriété, un soldat à cheval se présenta devant la barrière et demanda un verre d’eau. Mme Farquhar voulut le servir de ses propres mains. Tandis qu’elle allait chercher l’eau, son mari s’approcha du cavalier poussiéreux et lui demanda avec une vive curiosité des nouvelles du front.

« Les Yanks (1) sont en train de réparer les lignes de chemin de fer, répondit le soldat, et se préparent à faire un nouveau pas en avant. Ils ont atteint le pont d’Owl Creek, l’ont remis en état et ont construit sur l’autre rive un retranchement palissadé. Le commandant a fait publier un avis disant que tout civil qui serait pris endommageant la ligne, les ponts, tunnels ou trains, serait pendu sommairement. J’ai vu l’avis.

– Combien y a-t-il d’ici au pont d’Owl Creek ? demanda Farquhar.

– Environ trente milles.

– N’y a-t-il pas de détachements de ce côté du creek ?

– Un poste formé d’un piquet d’hommes à un demi-mille du pont le long de la ligne, et une seule sentinelle gardant l’extrémité du pont de ce côté-ci.

–  Et si un homme, un civil candidat à la pendaison, parvenait à tromper la surveillance du poste et à maîtriser la sentinelle, demanda Farquhar, que pourrait-il faire ? »

Le soldat réfléchit.

« J’étais là il y a un mois, répondit-il, et j’ai remarqué que les inondations de l’hiver dernier avaient amoncelé une grande quantité de bois flottant contre la pile en bois de ce côté-ci du pont. Ce bois doit être sec maintenant et brûlerait certainement comme de l’amadou. »

À ce moment, Mme Farquhar apporta le verre d’eau. Le soldat but, remercia la dame cérémonieusement, salua le mari et partit. Une heure plus tard, après la chute du jour, il repassa devant la plantation, marchant dans la direction du Nord d’où il était venu. C’était un éclaireur de l’armée fédérale.
 

*

 

Lorsque Peyton Farquhar tomba dans le vide, il perdit connaissance et se sentit mourir. Il sortit de cet état d’inconscience – des siècles plus tard, à ce qu’il lui parut – avec la sensation aiguë d’une pression douloureuse sur la gorge, accompagnée d’un sentiment de suffocation. Des douleurs vives, lancinantes, partant du cou, semblaient parcourir comme des éclairs chacune des fibres de son corps et jusqu’aux extrémités de ses membres. Ces douleurs semblaient se ramifier et suivre des trajets bien déterminés et se renouvelaient avec une incroyable rapidité. Il sentait en même temps des torrents de feu couler dans ses artères et dans ses veines ; tout son corps était porté à une température insupportable. Au contraire, il n’éprouvait dans la tête qu’une sensation de plénitude, de congestion.

Toutes ces sensations n’étaient d’ailleurs accompagnées d’aucun sentiment. La portion intelligente de son être était déjà en quelque sorte supprimée ; il n’avait plus que la faculté de sentir, mais sentir était une agonie. Enveloppé dans un nuage lumineux dont il était le centre immatériel, il oscillait comme un vaste pendule parcourant des arcs d’une amplitude incroyable. Puis, avec une soudaineté terrible, le nuage lumineux qui l’entourait sembla fuir vers le haut, en même temps qu’il percevait le bruit de la chute dans l’eau d’un corps lourd ; puis il se fit dans ses oreilles un vacarme effroyable et tout devint noir et froid.

La faculté de penser lui revint ; il comprit que la corde s’était rompue et qu’il était tombé dans la rivière. La sensation de strangulation ne s’accentuait pas ; le nœud coulant qui lui enserrait le cou le suffoquait déjà suffisamment au point d’empêcher l’eau de pénétrer dans ses poumons. Mourir pendu au fond d’une rivière : cette idée lui parut risible. Il ouvrit les yeux dans la noirceur et vit au-dessus de lui de la lumière, mais si lointaine, si inaccessible… Il continuait à s’enfoncer sans doute, car la lumière au-dessus devenait de plus en plus faible et ce ne fut plus bientôt qu’une lueur imperceptible. Mais alors cette lueur commença à augmenter, et devint une lumière brillante : il comprit qu’il remontait à la surface. Cette idée lui fut désagréable, car il se sentait maintenant parfaitement bien. « Être pendu et noyé, pensa-t-il, ce n’est déjà pas mal ; mais je ne veux pas être fusillé ; non, ce serait vraiment trop. »

Il ne croyait faire aucun effort, mais une sensation pénible qu’il éprouva aux poignets lui révéla que ses mains cherchaient à se libérer. Cette tentative appela son attention et il observa les efforts de ses mains comme un curieux observe les tours d’un jongleur, sans s’intéresser grandement au résultat. Quels efforts superbes ! Quelle vigueur magnifique, surhumaine ! Ah ! la noble lutte ! Bravo !… La corde enfin se détacha ; les bras de l’homme se séparèrent et se dressèrent de chaque côté, les mains vaguement visibles dans la lumière grandissante. L’homme les surveilla avec intérêt cette fois comme l’une, puis l’autre se lançaient sur le nœud coulant qui lui serrait le cou. Les mains arrachèrent la corde qui, lancée sauvagement au loin, ondula dans l’eau comme un serpent. « Remettez-le ! Remettez-le !… » Il lui semblait lancer cet ordre à ses mains, car, le nœud coulant détaché, il subissait un martyre plus terrible qu’aucune des souffrances qu’il eût encore ressenties. Son cou lui faisait horriblement mal, son cerveau était en feu et son cœur qui, auparavant, ne battait plus que faiblement, avait fait un bond immense comme s’il voulait s’élancer hors de sa bouche. C’était comme si son corps était roué, écartelé, soumis à une effroyable torture. Mais ses mains désobéissantes ne semblèrent pas entendre son ordre ; d’un mouvement régulier et rapide, elles battirent l’eau vigoureusement, obligeant le noyé à remonter à la surface. Il sentit que sa tête sortait de l’eau. La lumière aveuglante du soleil éblouit ses yeux ; sa poitrine se dilata convulsivement, ses poumons aspirèrent une grande bouffée d’air, et, dans un paroxysme d’agonie, il rejeta cet air en poussant un cri aigu.

Il était maintenant en pleine possession de ses sens. Ses sensations étaient même merveilleusement nettes et vives. Les terribles épreuves que son être avait traversées avaient à ce point exalté et affiné ses sens qu’ils enregistraient des sensations qu’auparavant ils n’auraient pas perçues. L’homme sentait passer sur sa figure les ondulations que faisait l’eau à la surface et entendait distinctement le bruit que chacune d’elle produisait en le touchant. Regardant la forêt qui bordait la rivière, il distinguait chacun des arbres et jusqu’aux nervures des feuilles, jusqu’aux insectes qui y étaient posés, les sauterelles, les mouches au corps luisant, les araignées grises tissant leur toile d’une branche à l’autre. Il distinguait les couleurs du prisme dans les millions de gouttelettes de rosée qui pendaient aux brins d’herbe. Le bourdonnement des cousins qui dansaient au-dessus des remous de la rivière, les battements d’ailes des libellules, les mouvements des pattes des araignées d’eau, semblables à des rames qui auraient porté leur barque dans l’air, tout cela formait une musique perceptible pour son ouïe. Un poisson glissa tout près de ses yeux, et l’homme entendit le bruissement qu’il produisait en fendant l’eau

Le noyé était revenu à la surface, la figure tournée vers l’aval. Un instant après, le monde visible sembla tourner autour de lui comme s’il en était le pivot et il vit le pont, le fort, le groupe sur le pont, le capitaine, le sergent, les deux soldats ses exécuteurs. Leurs silhouettes se découpaient nettement sur le ciel bleu. Ils gesticulaient en criant et en le désignant de la main. Le capitaine avait tiré son pistolet, mais il ne faisait pas feu. Les autres étaient sans armes. Leurs mouvements étaient grotesques et horribles, leurs formes gigantesques.

Soudain, Farquhar entendit une brusque détonation et un projectile frappa violemment l’eau à quelques pouces de sa tête, éclaboussant sa figure de fines gouttelettes. Une seconde détonation retentit ; il vit qu’une des sentinelles avait son arme à l’épaule et que, du canon, s’élevait un léger panache de fumée. L’homme qui était dans l’eau vit l’œil de l’homme qui était sur le pont fixé sur les siens à travers la mire de son fusil. Il remarqua que cet œil était gris et se ressouvint avoir lu que les yeux gris sont les plus perçants et que les tireurs fameux ont tous des yeux gris. Et cependant, le soldat qui avait ces yeux-là avait manqué le but.

Un contre-courant avait saisi Farquhar et lui avait fait faire un demi-tour. De nouveau, il regardait la forêt et la rive opposée au fort. Une voix sonore chantait une sorte de mélopée cadencée, qui lui parvenait à travers l’espace avec une clarté telle qu’elle couvrait tous les autres bruits, même les battements des ondulations de l’eau dans ses oreilles. Bien qu’il ne fût pas soldat, il avait suffisamment fréquenté les camps pour connaître l’effrayante signification de ce chant monotone et régulier : le lieutenant qui commandait la compagnie sur la rive entrait en scène. Avec quelle impassibilité, de quelle intonation égale et tranquille inspirant aux soldats le calme, avec quelle régularité dans la mesure des intervalles entre les mots il prononçait ces mots cruels : « Compagnie !… En joue !… Feu ! »

Farquhar plongea ; il plongea aussi profondément qu’il le put. L’eau mugissait dans ses oreilles comme la chute du Niagara, et cependant il entendit le bruit étouffé d’une salve, et, en remontant à la surface, il rencontra en chemin des morceaux brillants de métal singulièrement aplatis qui descendaient lentement en oscillant. Quelques-uns lui effleurèrent la figure et les mains, puis continuèrent leur descente. L’un d’eux se logea entre son col et son cou ; l’homme sentit qu’il était brûlant et il l’arracha brusquement.

Comme, arrivé à la surface, il reprenait haleine, il s’aperçut qu’il était resté longtemps sous l’eau, car il avait sensiblement descendu le courant : il se rapprochait du salut. Les soldats avaient presque fini de recharger leurs armes ; on voyait briller au soleil les baguettes que les soldats retiraient du canon et remettaient en place après les avoir retournées. Les deux sentinelles tirèrent de nouveau l’une après l’autre, mais sans résultat.

L’homme poursuivi vit tout cela en regardant par-dessus son épaule. Il nageait maintenant vigoureusement avec le courant. Son esprit était aussi plein d’énergie que ses bras et ses jambes ; sa pensée avait la rapidité de l’éclair. « L’officier ne commettra plus une seconde fois cette maladresse, se dit-il ; il est aussi facile de se dérober à une salve qu’à un seul coup de feu. Il va probablement commander le feu à volonté. Dans ce cas, que Dieu me vienne en aide, car je ne pourrai me dérober à tous les coups. »

À deux yards de sa tête, l’eau s’éleva avec violence, comme une trombe, puis une violente détonation éclata, suivie d’un grondement qui sembla retourner vers le fort, tandis que la rivière était soulevée jusqu’au fond. La trombe d’eau, en s’incurvant, retomba sur Farquhar, l’aveuglant et l’étouffant. Comme, la trombe passée, il secouait la tête, il entendit le boulet qui avait fait ricochet poursuivre sa course à travers l’air et entrer un instant après dans la forêt, arrachant et brisant les branches.
 
 

 

« On ne les y reprendra plus, pensa-t-il ; la prochaine fois, ils tireront à mitraille. Il faut que je surveille le canon ; la fumée m’avertira ; le bruit m’arriverait trop tard ; le son va moins vite que le projectile. C’est une bonne pièce. »

Tout à coup, il se sentit tourner comme une toupie. L’eau, les rives, la forêt, le pont maintenant déjà loin, le fort, tout se confondait, devenait indistinct. Les objets n’existaient plus pour lui que par leur couleur ; ce n’était plus que des bandes circulaires colorées. Il était pris dans un tourbillon et entraîné à une vitesse telle qu’il en avait le vertige et la nausée. Quelques instants après, il était rejeté sur les galets au bas de la rive gauche, – la rive méridionale, – derrière une pointe qui le cachait à ses ennemis.

La brusque interruption du mouvement, la sensation de brûlure qu’il éprouvait à l’une de ses mains qui avait été déchirée par les galets, lui rendirent conscience. Il se mit à pleurer délicieusement ; il enfonça ses doigts dans le sable dont il jeta des poignées sur son corps en prononçant des paroles de reconnaissance. Ce sable, c’était de l’or, du diamant, du rubis, de l’émeraude ; il ne pouvait rien imaginer qui fût plus beau. Les arbres de la rive lui paraissaient être des plantes ornementales géantes ; il admirait leur arrangement qui lui semblait bien ordonné ; il aspirait le parfum de leurs fleurs. Dans les intervalles entre les troncs coulait une lumière rose étrange ; en se jouant dans les branches, le vent faisait une musique semblable à celle de harpes éoliennes. Farquhar n’éprouvait plus aucun désir de fuir plus loin ; il aurait voulu rester dans cet endroit enchanteur jusqu’à ce qu’on le reprît.

Le sifflement et le crépitement de la mitraille dans les branches des grands arbres au-dessus de sa tête le firent sortir de son rêve : l’artilleur dépité avait voulu le saluer d’une dernière décharge tirée au hasard. Cette fois, Farquhar bondit sur ses pieds, s’élança sur la rive en pente et s’enfonça dans la forêt.

Toute la journée, il marcha, se guidant d’après la course du soleil. La forêt semblait être sans fin et il ne parvenait à y découvrir aucune éclaircie, pas même un sentier de bûcheron. Jamais il ne s’était imaginé vivre dans une région aussi sauvage, et il y avait pour lui dans cette découverte quelque chose de surnaturel.

Lorsque la nuit vint, il était harassé de fatigue, les pieds en sang, les entrailles déchirées par la faim. Mais la pensée de sa femme et de ses enfants lui donna la force de poursuivre sa marche. Enfin, il trouva un chemin qui le mena dans ce qu’il savait être la bonne direction. Ce chemin était large et droit comme une rue et, cependant, il semblait déserté. Pas un champ, pas une habitation ne le bordait ; pas même les aboiements d’un chien pour indiquer que des êtres humains vivaient là. De part et d’autre, les troncs noirs des grands arbres formaient deux murailles rectilignes qui se rejoignaient à l’horizon comme sur le modèle d’un traité de perspective. Au-dessus de sa tête, lorsqu’il regardait la bande de ciel qui se découpait à travers le feuillage, il voyait de grandes étoiles d’or briller d’un éclat étrange, formant de singulières constellations. Il avait la conviction qu’elles étaient groupées dans un ordre qui avait un sens mystérieux et fatal. La forêt de chaque côté était pleine de bruits étranges parmi lesquels, une fois, deux fois, puis encore, il entendit distinctement des paroles murmurées dans une langue inconnue.

Son cou lui faisait mal et il s’aperçut en y portant la main qu’il était horriblement gonflé ; il devinait qu’un cercle noir marquait la place où le nœud coulant l’avait serré. Ses yeux étaient congestionnés ; il ne parvenait plus à les fermer. Sa langue était tuméfiée par la soif ; pour la rafraîchir, il la poussa entre ses dents et l’exposa à l’air de la nuit. Mais quel doux tapis l’herbe formait dans cette avenue abandonnée ! Il ne sentait même plus le sol sous ses pieds.

Il avait dû, malgré ses souffrances, s’assoupir en marchant, car voici qu’une autre scène se présente à sa vue ; peut-être sort-il tout simplement d’un accès de délire. Il est à la porte de sa maison. Toutes choses y sont telles qu’il les a laissées ; tout est beau et brille au soleil du matin. Comme il ouvre la barrière et entre dans la grande allée blanche, il voit dans la maison une forme féminine ; c’est sa femme qui, le visage frais et reposé, descend l’escalier de la véranda pour venir à sa rencontre. Au bas des marches, elle s’arrête, la figure éclairée d’un sourire d’ineffable joie, dans une pose d’une grâce et d’une dignité sans pareilles. Ah ! qu’elle est belle ! Il s’élance vers elle les bras ouverts ; il va la presser sur sa poitrine. À ce moment, il ressent dans la nuque une douleur inouïe qui l’assomme ; une lumière blanche aveuglante l’enveloppe, tandis qu’à ses oreilles éclate un coup de canon. Puis tout est ténèbres et silence.
 

*

 

Peyton Farquhar était mort ; les vertèbres du cou brisées, son corps se balançait doucement entre les pièces de bois formant la charpente du pont d’Owl Creek.
 
 

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(1) Sobriquet donné aux Américains du Nord.
 

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Traduit du T. P. ’s Magazine, revue mensuelle publiée par T. P. O’Connor, 5, Tavistock Street Londres. [Volume I, n° 1, octobre 1910]
 
 

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(Ambrose Bierce, traduction anonyme, in Le Monde, encyclopédie mensuelle illustrée, première année, n° 3, 1er août 1911 ; nous avons repris les illustrations de la traduction de Victor Llona parue dans Excelsior-Dimanche)

 
 
 

 

 

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Couverture illustrée de Heinrich Kley pour La Rivière du Hibou et autres contes, Paris : « Bibliothèque Aérienne Hors Série, » collection dirigée par François Rivière, Les Humanoïdes associés, 1977