Aucune forme de vie n’est éteinte. Rien ne meurt et l’identité de la vie animale survit même après assimilation dans une plante où elle peut être réveillée. Le contraire de la vie n’est pas la mort, mais la latence. L’homme est latent dans le roc.

 
 

Étrange personnage que William Morley Martin, auquel Maurice Mæterlinck consacra un chapitre de son ouvrage La Grande Porte, en 1939. Après avoir habité au 16 Penryn Street, à Redruth, en Cornouailles, et travaillé comme chimiste métallurgiste dans l’industrie minière (1), il utilisa l’argent que lui rapportèrent certains de ses brevets (2) pour ouvrir une officine de pharmacie à Andover, dans le comté de Hampshire, où il consacra dès 1927 l’essentiel de ses loisirs à cultiver sa passion pour la chimie minérale.

Morley Martin fit bientôt une sensationnelle découverte. En expérimentant sur des roches azoïques, il prétendait avoir réussi à réincarner des formes de vie primitives à partir du protoplasma originel, et les avoir vu se reconstituer et se développer progressivement sous son microscope, en passant par tous les stades du développement embryonnaire.

Il publia en 1934 une synthèse de ses travaux dans une plaquette éditée à compte d’auteur : The Reincarnation of Animal and Plant Life from Protoplasm Isolated from the Mineral Kingdom [La Réincarnation de la vie animale et végétale à partir du protoplasma extrait du règne minéral], dans laquelle cependant il ne dévoilait rien de ses procédés, excepté l’utilisation d’un four électrique à haute température et l’exposition des résidus obtenus aux rayons X.

« La vie est indestructible, même par le feu. Il n’y a pas eu non plus de naissance de la vie. Comme le temps, comme l’espace, la vie n’a ni commencement, ni fin. C’est une erreur de penser que la vie est un état du corps. La vérité est que le corps est un état de la vie. » (3)

Ses premières découvertes sur la vie organique ne tardèrent pas à être relayées par une série d’articles de la Société de Théosophie, qui lui valurent une notoriété éphémère, tout en contribuant surtout à discréditer ses travaux auprès du monde scientifique.

À en croire La Tribune juive, Maurice Mæterlinck semble avoir eu connaissance des travaux de Morley Martin par les lettres que lui communiqua un de ses amis, M. Genette.

Morley Martin est mort à South Harrow, à Londres, en 1938, dans un quasi-obscurité ; on prétend qu’il laissa derrière lui des notes cryptées qui ne purent être déchiffrées.

Quoi qu’il en soit, que William Morley Martin ait été un génie méconnu ou un simple illuminé scientifique, la Porte ouverte est heureuse de lui rendre hommage aujourd’hui et de partager avec vous cet étonnant cliché d’un « poisson protoplasmique »…
 
 

MONSIEUR N

 
 

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(1) Son nom apparaît dans The Photographic Journal en 1904 : « Twenty-eight photographs illustrating the radio-activity of Cornish Pitch-blende and method of frictionally separating its radio-active principle, » ou encore, en février et mai 1916, au sommaire du Mining Magazine de Londres, où il apporte des corrections sur les tables de pourcentage de concentration du verre et sur les essais comparatifs de résistance du verre et du bois.
 

(2) Entre 1910 et 1916, on retrouve plusieurs brevets déposés à son nom, par exemple : A process of treating complex ores containing sulfids of lead and zinc or concentrates (Patente : US 1066830 A) ; Apparatus for the water concentration of ores or the like (Patente : US 1207967 A).
 

(3) Propos recueillis par Claude Rickard en 1937. Voir l’article de Marianne, reproduit ci-dessous.
 
 

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LE MYSTÈRE DE LA VIE

 

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UN SAVANT ANGLAIS

A PRODUIT

DES ANIMAUX VIVANTS

 

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en partant du protoplasma extrait de divers minéraux, substance éternelle, indestructible où la vie est à l’état latent

 
 
 
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[DE NOTRE ENVOYÉ SPÉCIAL]
 

ANDOVER (Hampshire), juillet. — Créer de la vie est un problème sur lequel, depuis des siècles, d’innombrables savants ont pâli. Leurs travaux considérables ont fait l’objet de maints volumes très discutés. Au cours du siècle dernier, vers 1832, l’Anglais Cross crut un instant être parvenu à produire la vie animale. Il n’en était rien. L’illustre Michaël Faraday, physicien et chimiste, à qui nous devons la découverte des courants d’induction, s’est attaqué aussi pendant un temps à la question sans obtenir non plus de résultat. Et le Français Leduc, entre tant d’autres, n’a pas été plus heureux que ses prédécesseurs.

Mais voilà qu’un Anglais, M. W. Morley Martin, démontre par a plus b qu’il avance rapidement vers la solution du mystère par des moyens dont il est l’inventeur et dont il garde jalousement le secret.

Je suis venu ici pour voir cet homme extraordinaire et me faire expliquer ses travaux. Après un entretien qui a duré plus de trois heures, je le quitte étonné au plus haut point, émerveillé de ce qu’il m’a montré et me demandant comment, si sa découverte est vraiment ce qu’il affirme, il n’est pas dès maintenant au faîte des honneurs.

Mais laissez-moi vous présenter M. Morley Martin. Depuis de nombreuses années, ce savant a rendu à la science d’éminents services. Chimiste métallurgique de son métier, ayant manié longtemps les rayons X, il a inventé, voici quelque vingt-cinq ans, un gant protégeant les opérateurs de la dermatite. Pendant la guerre, il a mis sa science à la disposition de la défense nationale. Mais tout cela ne l’a pas enrichi, et comme il faut bien vivre, – la science, comme chacun le sait, ne payant pas son homme, – il est devenu pharmacien et tient aujourd’hui, sur la place du Marché, à Andover, une officine dans laquelle il prépare les ordonnances des médecins de la région, consacrant ses rares moments de loisirs à la poursuite de ses recherches sur la vie animale.
 
 

Premier succès

 
 

C’est en 1927 qu’il a commencé ces dernières. Sans relâche il a travaillé des nuits entières et, il y a deux ans, pour la première fois, sous l’objectif de son microscope, il a vu apparaître des petites bulles qui se sont bientôt coagulées et qui ont pris la forme de ces animaux primitifs et minuscules, lesquels ressemblent à ces flasques méduses bien connues de tous ceux qui fréquentent le bord de la mer.

M. Morley Martin se défend, notons-le tout de suite, de créer la vie.

« J’ai obtenu, m’a dit cet homme d’une soixantaine d’années dont le regard reflète la sincérité, la réincarnation de la vie, et c’est là ma grande découverte. La science est partie, dès son début, sur de fausses données. Nous sommes au commencement de la plus grande des controverses qui aient jamais eu lieu depuis que le monde est monde ! »

Et comme je pressais M. Morley Martin de s’expliquer :

« C’est une grave erreur de penser que la vie est un état du corps. Bien au contraire, le corps est un des états de la vie parce que le protoplasma, substance qui constitue la cellule vivante, est une chose éternelle, indestructible, dont le temps ni même le feu ne peuvent avoir raison. C’est pourquoi je ne veux pas que l’on dise que je crée la vie. Je réincarne, ce qui est tout à fait différent, en me servant, comme base pour mes travaux, du protoplasma que, par des procédés chimiques qui me sont personnels, j’extrais de divers minéraux, tels que la craie ou les roches calcaires, la poussière d’éponge ou encore l’huile de foie de morue. Et c’est en travaillant ce protoplasma que je suis parvenu, après des expériences innombrables, à produire des formations de la vie dont voici des exemples. »
 
 

Les infiniment petits

 
 

Et le savant, m’installant devant un microscope, fait défiler sous mes yeux nombre de petites lamelles de verre sur lesquelles il a pu fixer certaines formations qui ont vécu les unes quelques heures, les autres quelques jours. C’est alors que j’ai vu, grossis plusieurs milliers de fois, des insectes infinitésimaux, des sortes de poissons minuscules, des vers gracieusement annelés et autres merveilles du génie réincarnateur de M. Morley Martin. Mais celui-ci a fait mieux encore. Il a photographié l’évolution de ces animalcules se réincarnant depuis le moment où, simples globules amalgamants, ils commençaient à se constituer, jusqu’à celui où ils ont pris leur forme, définitive, encore que très primitive, après être passés par toutes les phases intermédiaires.

L’examen de ces séries de microphotographies fixant les différentes stages de cette vie protoplasmique renaissante est une des plus grandes merveilles qu’il m’ait jamais été donné de contempler. Sans qualité pour apprécier les travaux de M. Morley Martin, sans pouvoir assurer s’il s’agit bien là d’une réincarnation grâce un germe imputrescible retrouvé dans les flancs de la terre, je ne crois pas trop m’avancer en disant qu’il peut fort bien s’agir d’une découverte véritablement sensationnelle.

Mais, comme tous les précurseurs, Morley Martin a ses détracteurs. Il est combattu par les princes de la science, car ses théories vont à l’encontre de toutes celles admises jusqu’ici. Sans se laisser abattre par de nombreux déboires, il continue sans relâche ses expériences et il attend de produire un animal plus caractéristique encore que ceux que j’ai été à même d’observer pour confondre ceux qui refusent à avoir foi en lui.

« Vous venez de voir, me dit-il, quelque chose qui ressemble au squelette d’un animal préhistorique dont l’espèce est éteinte. Vous avez constaté qu’il existe une colonne vertébrale, des côtes et des embryons de tête et de pattes, le tout entouré d’une espèce de gelée. Vous avez remarqué aussi, grâce aux microphotographies que je viens de vous montrer, de quelle façon ce squelette s’est formé. Moi-même, je l’ai vu grandir en partant du simple protoplasma lorsque les petits globules ont commencé à se mouvoir, lorsque l’échine s’est constituée, tandis que je nourrissais cette sorte de sérum, qui est à la base de tout, par des moyens dont, pour des raisons évidentes, je tiens à conserver encore le secret.

Plusieurs de mes amis, témoins qu’il est impossible de suspecter, ont suivi de bout en bout mes diverses expériences. Ils ont été à même d’observer les efforts faits pour vivre par ces animaux primitifs réincarnés. Dans plusieurs cas, nous avons noté une tentative de respiration au travers d’ouïes presque normalement constituées. Un jour, peut-être, je pourrai donner à ces animalcules un vie réelle, mais pour cela il me faut d’abord découvrir les conditions idéales propres à réaliser ce phénomène.

N’allez pas tirer de tout cela que je suis sur le point, dans l’état actuel de mes recherches, de produire un être humain ! Nous sommes au début d’une ère nouvelle de la science et je ne sais pas mieux que vous jusqu’où les premiers résultats de vie latente, transformée en vie manifestée, peuvent me conduire. Néanmoins, je crois fermement que l’homme est latent dans la roche bien que son corps soit devenu poussière. Puisse la vérité se tourner de mon côté. »
 
 

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(Bernard Laporte, in Le Matin, quarante-huitième année, n° 17274, lundi 6 juillet 1931 ; l’article a été repris in extenso dans L’Impartial, journal quotidien et feuille d’annonces paraissant à La Chaux-de-Fonds, cinquante et unième année, n° 15487, mardi 14 juillet 1931  ; il a été résumé dans le Journal des débats politiques et littéraires, cent quarante-troisième année, n° 187, mardi 7 juillet 1931, dans L’Homme libre, grand journal quotidien du matin, dix-neuvième année, n° 5462, et dans L’Écho d’Alger, vingtième année, n° 7941, le même jour, et enfin dans Le Nouvelliste valaisan, journal quotidien, vingt-huitième année, n° 157, jeudi 9 juillet 1931)

 
 
 
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(in Le Nouvelliste valaisan, journal quotidien, vingt-huitième année, n° 180, mercredi 5 août 1931)

 
 
 
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FRANKENSTEIN 1937

 

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L’étonnante théorie d’un savant anglais

 
 
 

Cette théorie est assez fantastique. Aussi ne la prendrai-je point à mon compte. Elle émane d’un savant anglais, M. W. Morley Martin, qui me l’a soumise. Et au lieu de « soumise, » je devrais dire plutôt : exposée avec la conviction, la violence et la passion que donne la certitude de la vérité !

Pour M. Martin, nous ne mourons pas, nous ne mourons jamais. Mais il n’y a aucun rapport entre cette idée et celles, chrétiennes ou hindoues, de survivance de l’âme et de réincarnation. Non, M. Martin ne veut pas créer une religion nouvelle ; il est un biologiste, rien de plus ; il présente des phénomènes physiques, il s’appuie sur des expériences concrètes. Et à elles seules, ces expériences, même si elles n’apportent aucune preuve définitive, valent que l’on parle de l’homme extraordinaire qui les réalise.

M. Morley Martin est un autodidacte d’une sorte très particulière. Le besoin d’argent le força à travailler dès son jeune âge pour entreprendre et poursuivre des études assez coûteuses, mais son individualisme forcené l’empêcha de suivre avec respect les cours les plus réputés et de lire avec joie les doctrines les moins contestées. Aussi fit-il, pour les sciences physiques, ce que le jeune Pascal avait fait pour les mathématiques : il re-découvrit, il réinventa ce qu’il aurait pu trouver dans des livres.

On peut discuter cette forme d’éducation, le résultat est là : non seulement M. Morley Martin réussit des études extrêmement brillantes, mais encore son esprit fut, par habitude, continuellement tourné vers la découverte. En Angleterre, un inventeur n’est pas nécessairement dans la misère. Et, M. Morley Martin, grâce à plus de quatre-vingt-dix brevets d’invention médiocrement vendus, arriva à une honnête aisance.

Ce qu’il appelle « la découverte de sa vie » lui apporta, il y a dix ans, un bonheur inexprimable en même temps qu’elle fut la cause de sa ruine et de ses soucis.

Ce qui s’était passé sous ses yeux était un phénomène si important, il entrevit pour lui de tels prolongements tant scientifiques que philosophiques qu’il sacrifia désormais tout son temps, et toutes ses ressources à l’élaboration d’un système révolutionnaire et impie.

L’expérience qui l’avait frappé était la suivante : d’un milieu minéral dans lequel tout germe avait été détruit par la « cuisson » à la température formidable d’un four électrique, il avait fait naître un animalcule qui, après avoir passé par tous les stades du développement embryonnaire, s’était manifesté comme un être vivant.
 
 
 
FRANK2
 
 

« Je n’ai pas créé cet être, je ne suis pas un docteur Frankenstein. Et ce n’est pas non plus ce « minéral » qui a engendré cet « animal, » se dit M. Morley Martin.

Et une hypothèse absolument folle aux yeux de ses confrères s’empara de son esprit.

« Supposons que la vie (et non l’âme) soit indépendante du corps ; supposons qu’à ce qu’on appelle la mort, qu’à la désagrégation du corps, la vie se réfugie pour « dormir » en un point de cette terre où elle siège à l’état latent. Alors, le phénomène s’explique. Le milieu minéral que j’ai traité était le siège de la vie de mon animalcule, décédé, peut-être, il y a plus de cent mille ans. »

Ainsi, par un procédé dont il garde jalousement le secret, M. Morley Martin aurait réveillé la vie à l’état latent et lui aurait rendu un corps terrestre.

Dix ans ont passé et la conviction du savant anglais n’a fait que s’affermir. S’il a changé quatre fois d’habitation pour toujours aller vers un cottage plus modeste, moins coûteux, les murs de ces cottages se sont couverts de documents qui sont, pour la plupart, des agrandissements de microphotographies. Certains de ceux-ci ont plusieurs mètres de longueur et permettent d’examiner, dans ses moindres détails, la structure des animaux artificiellement réincarnés.

M. Morley Martin s’excuse de n’expérimenter que sur l’infiniment petit, mais ce qui est vrai de l’infiniment petit l’est aussi de l’infiniment grand et du moyennement grand.

« J’ai réalisé dix mille expériences semblables, s’écrie-t-il avec violence, et rares sont celles qui ont échoué. Pour quelques instants, quelques minutes, quelques heures, j’ai fait renaître sous le microscope des êtres qui avaient déjà paru sur la terre et dont la vie éternelle, enfermée à l’état latent dans un grain de sable, de sel ou dans un morceau de craie, avait résisté aux 3000 degrés centigrades du four électrique. »

Il dit encore :

« La vie est indestructible, même par le feu. Il n’y a pas eu non plus de naissance de la vie. Comme le temps, comme l’espace, la vie n’a ni commencement, ni fin. C’est une erreur de penser que la vie est un état du corps. La vérité est que le corps est un état de la vie. »

Telle est la conviction de cet homme, dont les expériences, on ne peut le nier, sont d’un prodigieux intérêt, mais dont les conclusions scientifiques et philosophiques sont, disent ses confrères, pleines d’artifice et de fausseté.

Et, lorsque nous lui demandons :

« Si nous avons toujours été ce que nous sommes, si nous existions à l’état latent (avec les plantes et les animaux qui nous entourent), lorsque la terre n’était qu’une masse en fusion, que faites-vous de la doctrine de l’Évolution ? de la doctrine de Darwin ? »

M. Morley Martin répond à la question avec le fanatisme magnifique des savants :

« Darwin est le plus grand imbécile que le monde ait porté ! »
 
 

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(Charles Rickard, in Marianne, grand hebdomadaire littéraire illustré, cinquième année, n° 252, mercredi 18 août 1937)

 
 
 
MAETERLINCK GRANDE PORTE
 
 

L’homme perd son corps, mais ne perd pas la vie

 

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Dans le dernier chapitre de son livre La Grande Porte qui vient de paraître (chez Fasquelle, Paris), M. Maurice Mæterlinck écrit :
 

L’an dernier mourait à South Harrow, faubourg de Londres, un chimiste biologiste, nommé Morley Martin, qui fit à Andover, petite ville de cinq à six mille habitants, dans le Hampshire, la plus extraordinaire découverte que la science ait eu à enregistrer depuis la gravitation de Newton et l’invention du radium.

Poussé par on ne sait quel pressentiment génial, il acquit peu à peu la conviction que les plantes et les animaux, du moins les vertébrés et principalement les poissons, continuent de vivre en réduction et à l’état latent dans les roches que les géologues appellent azoïques qui forment la première croûte du globe et dans lesquelles on n’a jamais trouvé trace d’organismes.

En un mot, il croit avoir prouvé que la vie est immortelle, universelle et indestructible ; que l’idée-mère, l’image ou le protype de tout est antérieur à ce que nous appelons la matière.

Il commença ses recherches en 1927, consacra à l’installation de son laboratoire élémentaire la petite fortune que lui avait donnée la vente de nombreux brevets ; et, dans l’indifférence et la méconnaissance générales, il poursuivit ses expériences jusqu’à la fin de sa vie.

Surpris par la mort, Morley Martin n’a publié qu’une mince brochure qui ne dévoile pas ses procédés. (1) L’essentiel de ce que l’on en sait se trouve dans une liasse de lettres adressées de juillet 1931 à septembre 1937 à son confident M. Genette (qui les communiquait à M. Mæterlinck).

Selon Morley Martin, les formes qu’il arrache à leur sommeil immémorial sont les réincarnations d’une force spécifique, déterminée et éternelle. La vie n’est pas une expression des forces du corps ; le corps est l’expression de la force vitale préexistante et indestructible. Il pense que les vertébrés existaient sur notre planète avant (?) qu’il n’y eût terres ou mers. Il ne dit pas comme Thomas Huxley que le protoplasme est la base physique de la vie, mais la base physique pour la vie. Ce protoplasme est ce qui peut perpétuer sa vie physique. L’animal perd son corps, mais ne perd pas la vie. Il n’est rien d’inanimé. Aucune forme de vie n’est éteinte. Rien ne meurt et l’identité de la vie animale survit même après assimilation dans une plante où elle peut être réveillée. Le contraire de la vie n’est pas la mort, mais la latence. L’homme est latent dans le roc.

Il est arbitraire de considérer la matière prétendue morte et la matière vivante et d’opposer les règnes organiques animal-végétal au minéral. Il n’y a qu’une substance universelle avec sa finalité qui se révèle à nous par un jeu incessant de formes, de matières, et nous ne percevons avec nos sens qu’une fraction infime du processus intégral.

On peut se dire que ces essais d’explication n’éclairent point d’une lumière aveuglante le phénomène en question. Mais si les expériences de Morley Martin étaient confirmées et classées dans le domaine scientifique, il serait acquis que tout existe en puissance, en essence, en idée, à l’état latent pour l’homme.

En tout cas, cette vie immobile, mais immortelle, qui se cacherait en tous lieux et n’attendrait qu’une occasion propice pour s’animer et se manifester, serait une des plus fantastiques révélations qu’on nous aurait jamais apportées.

Quelle est la valeur des expériences et des constatations de Morley Martin ? À première vue, les sceptiques et les misonéistes professionnels, les descendants de ceux qui ricanèrent autour de Galilée, de William Harvey, de Newton, de Pasteur n’y verront qu’une énorme supercherie pseudo-scientifique. Cette question sera tranchée par les faits, quand on connaîtra le secret de ses travaux. Si l’on ne trouve pas ce secret, pourquoi, à l’aide des indications qui nous mettent sur la voie : le four électrique, les rayons ultraviolets, les roches utilisées, serait-il impossible de refaire ce qu’il sut faire, sans aide, sans prédécesseurs, et ne sachant encore rien de ce qu’il nous apprend ?

Afin de ne rien laisser dans l’ombre, M. Mæterlinck ajoute que, d’après les plus récentes théories, on n’aurait pas encore atteint les roches azoïques proprement dites. Toutes les roches que nous connaissons seraient d’origine sédimentaire, c’est-à-dire déposées par les eaux, aussi bien les calcaires que les granits et les gneiss. En attendant les certitudes azoïques, la découverte de Morley Martin n’en est pas moins prodigieuse. Quelles en seront les conséquences physiques, scientifiques, pratiques, métaphysiques et morales ?
 
 

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(1) Il s’agit de The Reincarnation of Animal and Plant Life from Protoplasm Isolated from the Mineral Kingdom [La Réincarnation de la vie animale et végétale à partir du protoplasma extrait du règne minéral], 1934. Cette brochure à compte d’auteur, éditée à petit nombre, est aujourd’hui rarissime. [note de Monsieur N]
 
 

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(in La Tribune juive, Paris-Strabourg, vingt-et-unième année, n° 10, 10 mars 1939)

 
 
 
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THEO4
 
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(C. J. Ryan, in The Theosophical Path, vol. XLIV, n° 3, janvier 1935)

 
 
 
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(C. J. Ryan, in The Theosophical Path, vol. XLIV, n° 4, avril 1935)