DENTS
 

Dans le roman de M. Marcel Hamon, Les Fantômes, récemment publié chez Malfère, on rencontre un paragraphe très étrange sur Oscar Wilde : « Il avait une tête deux fois plus grosse que celle d’un homme de sa taille à cause du poids extraordinaire de son cerveau. Mais il est mort dans une misère qui avait rabougri le reste de son corps. Au moment qu’on le vint chercher sur son grabat, pour l’emporter dans le sapin des pauvres, les pieds devant, son logeur, aidé de sa femme, était en train de se payer. Avec de petites tenailles, il lui arrachait les dents précieuses. »

Et voilà comment se forment les légendes. En réalité, il avait tellement enflé pendant les dernières semaines de sa maladie que – nous dit Frank Harris – il éclata quelques heures après sa mort. Quant au propriétaire de l’Hôtel d’Alsace, loin d’être rapace, c’est lui qui, quoique peu fortuné, lui avança l’argent nécessaire au cours de sa dernière maladie. Ce qui a pu donner naissance à l’extraordinaire légende des dents arrachées, c’est que le propriétaire de l’hôtel a jusqu’à ce jour conservé comme souvenir le râtelier qu’Oscar Wilde, pendant son agonie, ne pouvait plus garder dans sa bouche.
 
 

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(« À Paris et ailleurs : La mort romancée d’Oscar Wilde, » in Les Nouvelles littéraires, artistiques et scientifiques, onzième année, n° 481, samedi 2 janvier 1932)