Après sa mort, Charles Baudelaire fit l’objet de nombreux pastiches. Le plus connu, et sans doute le plus réussi, est le poème Le Chien mort (1), d’Amédée Cloux.
Dans son « Étude bibliographique sur les Œuvres de Charles Baudelaire » (2), le vicomte de Spoelbergh de Lovenjoul signalait un sonnet « inédit », attribué à Baudelaire, paru dans les colonnes du Figaro à la date du 9 juin 1875. Malgré les recherches de Jacques Crépet, l’éditeur des Œuvres complètes de Baudelaire au Mercure de France, il fut impossible d’en trouver trace.
Ce poème, intitulé Le Potage aux hannetons, fut donc considéré comme définitivement perdu ; et il fallut attendre la communication du Dr Paul Fabre, dans sa revue Le Centre médical du 1er janvier 1908, pour le voir enfin reproduit. L’information fut reprise le 16 avril 1909 par les « Échos » du Mercure de France.
Or, n’en déplaise au docteur Fabre, il se trouve que le poème avait déjà fait l’objet d’une republication dans L’Éclat de rire, n° 15, le 10 octobre 1904, où il était passé inaperçu.
Après vérification, nous pouvons confirmer que Le Potage aux hannetons est bien paru dans Le Figaro, mais à la date du dimanche 9 mai 1875, soit un mois avant celle mentionnée dans les Lundis d’un chercheur. C’est cette première publication que nous reproduisons ci-dessous ; ce pastiche est dû à la plume de Gaston Vassy.
Monsieur N
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Voici une véritable curiosité littéraire que nous communique un de nos amis. C’est un sonnet de Baudelaire complétement inédit, et retrouvé par lui. Cela est intitulé : Le Potage aux hannetons.
Ô temps des grands amours, ô jeunesse passée !…
Le petit restaurant était au fond des bois,
Quel calme !… Dans la soupe, aussitôt que versée,
Un lot de hannetons s’abattait chaque fois.
On les sentait craquer sous la dent agacée,
Leurs pattes du palais éraflaient les parois ;
Comme un fil de la Vierge, en la masse écrasée,
Un long boyau filant s’enroulait à nos doigts.
Vous en souvenez-vous, ô ma maîtresse blonde,
Combien l’odeur était âcre et nauséabonde ?
Et ce goût, qui toujours vingt-quatre heures vous suit !…
Ce sont des jours pourtant que je pleure, Madame,
Et leur souvenir tremble au lointain de mon âme,
Comme une pure étoile en l’ombre de la nuit.
Allez donc dîner à la campagne, après ça !
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(1) Il parut dans La Liberté le 15 février 1872, avant d’être repris quelques années plus tard dans Le Gil Blas et La Lanterne.
(2) Lundis d’un chercheur, Paris : Calmann Lévy, 1894.
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