L’édition originale de l’Histoire naturelle de Félix Labisse (1905-1982) a été publiée en 1948 chez P. A. Chavane & Cie, et tirée à 1010 exemplaires numérotés.
L’ouvrage se présente sous la forme d’un bestiaire fantastique ; chacune des créatures qui le composent est présentée par une courte notice poético-fantaisiste, accompagnée d’une lithographie.
On pourra ainsi y faire connaissance avec 30 créatures aussi familières que capricieuses : l’Amante religieuse, le Cyclope des Marais, la Bérénice, l’Arthus des Sables, la Médieuse, la Guivre-Guénégote, la Locuste, la Mandragore, le Manu Militari, l’Andromède, la Sangsue-Satan, l’Ophélie, l’Angelot, le Cherche-Midi, l’Antigone, le Chérubin, l’Aplatigo, le Rose-Pleurs, l’Arthémise, le Fluviot, le Perce-Aurore, le Loup-Garou, le Nostredame, la Câline, le Parsifal, la Tarentule des Lettres, l’Homlige, le Phylactère, l’Épigone ou l’Adrouide… Mais nous aurons l’occasion d’y revenir plus longuement par ailleurs.
L’ouvrage a connu deux rééditions : la première dans la luxueuse collection « La Centaine, » chez Tchou, en 1974 ; le tirage en feuilles a été effectué sur les presses de Claude Jobin, et limité à 185 exemplaires, avec 30 lithographies en couleurs, sous emboîtage de plexiglass ou de cuir vert, d’après une maquette de Pierre Faucheux ; la seconde tout récemment, dans un délicieux volume paru aux éditions Interférences, fin 2012.
Ce que l’on sait moins, c’est que l’édition originale de l’Histoire naturelle a été accompagnée d’un tirage de cartes postales promotionnelles, reproduisant en recto-verso l’illustration et le texte de Labisse. J’ignore si d’autres créatures ont bénéficié de cette réclame, mais l’une d’entre elles au moins, l’Adrouide, en a connu les honneurs.
La technique de Labisse s’est affinée en une trentaine d’années, et ses créatures ont parfois évolué, aussi bien dans l’image que dans le texte. Ainsi, si l’Adrouide a conservé son cou démesuré inspiré par le rokurokubi japonais, elle s’est dénudée et a été pourvue de 3 mamelles supplémentaires : elle n’avait que quatre seins en 1948 ; elle en comptera désormais pas moins de sept en 1974…
On me permettra néanmoins de préférer la première manière de Labisse ; plus frustre et plus naïve, un peu enfantine, elle me semble offrir un support infiniment plus riche aux divagations de l’imaginaire.





Bravo pour votre analyse, mais les dessins publiés ne sont pas de Labisse et certainement pas d’une première édition d’Histoire naturelle. Cherchez donc du côté des sources d’inspiration de Labisse. Elles sont sur le net. Par contre vous avez raison, il semble y avoir eu deux cartes postales que Labisse n’a même pas conservé dans ses archives : texte de Labisse et le dessin qui l’a inspiré.
Les dessins originaux sont de 1944. La première édition chez Chavane est datée de la Saint Sylvestre 1948. Après, il y a eu l’édition de luxe de TCHOU…. Et ce sont toujours les mêmes dessins.
N’étant pas un spécialiste de Labisse, je compte sur vous pour nous éclairer ; les informations en ligne sont assez peu nombreuses sur le sujet.
Pour aller plus loin, après vérification des archives Labisse, je pense que les deux cartes postales ne sont pas du tout de Félix Labisse. Elles sont plutôt typique des années 30 et elles pourraient avoir été éditées dans le cadre de la publication en 1929 dans Cri-Cri de « A la conquête de la planète Mars » du dessinateur Félix Jobbé-Duval. Labisse semble avoir détourné mot pour mot le texte figurant au verso des cartes postales en ne retenant pas les deux premières phrases. Démarrant par « Dans les montagnes de l’Atlas… ». Dans le texte manuscrit, tout est recopié mot pour mot, y compris les quatre seins, alors que pour d’autres sujets, il y a des ratures et modifications. Et la version tapuscrite qui suit mets les sept seins qui figureront dans la publication de 1948. Curieusement aussi, Labisse a mis sous le texte manuscrit et dans l’édition de 1948 trois astérisques en position basse ***. Et c’est de plus le seul texte qui a ces astérisques, comme si il avait voulu se préserver d’être accusé de plagiat. Comme quoi, on peut s’interroger.
Pour finir, il faut ajouter qu’il existe un feuillet d’annonce de la parution du livre, feuillet double page au format 1/1, texte et dessin représentant La Médieuse.
Après complément de recherches, ces cartes postales pourraient aussi avoir été distribuées à la Foire du Trône aux visiteurs qui allaient voir dans les années 30 l’Adrouide, fille de Mars. L’Adrouide était l’une des attractions de cette foire, comme les soeurs siamoises.
Après, il m’est difficile de dire si il y a un lien avec la littérature martienne de l’époque, notamment «A la conquête de la planète Mars» du dessinateur Félix Jobbé-Duval. Il faudrait retrouver les illustrations et le texte de ce dernier pour trancher. En tout cas, Labisse semble avoir eu en main l’une ou l’autre des deux cartes postales. Il était à Paris dans les années 30 et, amateur d’insolite, il a certainement dû se rendre à la Foire du Trône.
Il reste à trancher, non pas le cou de l’Adrouide, mais ces hypothèses.