Léon Kochnitzky (Saint-Josse-ten-Noode, 2 août 1892 – Como, 29 mai 1965) est un poète, musicien et écrivain belge d’origine russo-polonaise. Son œuvre est bien oubliée de nos jours. C’est regrettable ; sa poésie, son parcours hors du commun et son infatigable activité de voyageur sont autant d’aspects qui rendent le personnage particulièrement attachant. Passionné par l’Italie, il servira même un temps de secrétaire particulier à Gabriele D’Annunzio et le suivra dans son aventure de Fiume. Il fera d’ailleurs le récit de cet épisode émouvant dans un très bel article publié dans le supplément du Flambeau en janvier 1921.
 
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Gabriele D’Annunzio et Léon Kochnitzky

 
 

Mais s’il nous intéresse aujourd’hui, c’est dans le cadre d’une série particulièrement originale de chroniques littéraires et artistiques, qu’il fit paraître entre 1932 et 1935 dans les colonnes des Nouvelles, sous le titre générique du « Strapontin Volant. »

 
 

Le Strapontin Volant

 

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De plus en plus, on se sert du ciel pour voyager sur la terre.

Quelques heures d’avion ne représentent pas une « performance sportive. »

Elles peuvent servir utilement à simplifier la vie quotidienne ; elles peuvent même trouver une application dans le domaine de la critique.

Un écrivain de chez nous peut se rendre sans grande perte de temps, sans grande dépense, à Vienne ou à Londres, à Berlin ou à La Haye, y visiter les théâtres, y observer le mouvement des idées et instruire aussitôt ses lecteurs de ce qu’il a vit, comme un bon « reporter » peut étudier et décrire une bataille en Mandchourie ou un abattoir à Chicago.

Nous confions à notre collaborateur Léon Kochnitzky dont les récentes « excursions littéraires » en Italie et en Angleterre ont été très remarquées ici même, un « Strapontin Volant » qui lui permettra de se rendre partout où l’appellera le spectacle du théâtre et de la vie.

M. Kochnitzky se propose, au cours de l’année 1932, de visiter autant de fois qu’il le faudra les grands centres des pays européens dont il connaît la langue : Angleterre, Allemagne, Italie, Espagne, Suisse, Pologne, Belgique, Pays-Bas, Autriche, Hongrie. Peut-être ira-t-il en Russie.

Le Strapontin Volant, installé à bord d’un luxueux Farman du service Paris-Berlin, vient de s’envoler du Bourget. Notre collaborateur se rend au cœur de l’Allemagne, dans la forêt de Thuringe, où, à quelques lieues l’un de l’autre, se célèbrent deux jubilés de caractère bien diffèrent : le septième centenaire de Sainte Elisabeth à la Wartburg (Eisenach), au château des cours d’amour qui fut aussi le refuge de Luther ; et le centenaire du glorieux Théâtre des « Meininger » à Meiningen. Le premier article de M. Kochnitzky paraîtra samedi prochain.
 

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(Les Nouvelles littéraires, artistiques et scientifiques, dixième année, n° 480, samedi 26 décembre 1931)

 
 

Le premier article de Léon Kochnitzky, La Sainte de Thuringe, parut en effet dans le numéro suivant du 2 janvier 1932 ; la série se poursuivit régulièrement avec cinquante-six articles, jusqu’à son ultime chronique du 16 novembre 1935, Le Strapontin Volant à Vienne. Mais Kochnitzky ne devait pas se contenter d’arpenter les capitales européennes et le pourtour méditerranéen ; il traversa également l’Atlantique et poussa ses incursions jusqu’en Amérique du Sud.
 
 

UN DE NOS CONFRÈRES, « Les Nouvelles Littéraires, » a inauguré, voici pas mal de temps déjà, sous la signature de M. Kochnitzky, un rubrique intitulée : « Le Strapontin Volant. » Il ne s’agit aucunement d’une rubrique aéronautique, mais le titre s’explique par le fait que M. Léon Kochnitzky n’utilise que la voie aérienne pour ses déplacements. M. Kochnitzky n’a pas manqué, cette année, une grande manifestation littéraire ou théâtrale, qu’elle ait eu lieu à Bruxelles, à Stockholm, à Berlin ou ailleurs et, à chacune d’elle, s’est rendu en avion.

Depuis le 1er janvier dernier, M. Léon Kochnitzky a ainsi totalisé sur les lignes régulières – en particulier sur les lignes Farman dont il est devenu un familier – plus de 132 heures de vol.

Cette propagande en faveur de l’Aviation y une portée d’autant plus intéressante qu’elle s’exerce dans un milieu qui n’a pas encore été conquis par l’avion. Auprès du monde de lettres, des gens de théâtre, M. Léon Kochnitzky prêche ainsi par la parole et surtout par l’exemple.

« Mais non, dit-il à ceux qui l’admirent mais qui n’ont pas encore osé l’imiter, l’Aviation n’est pas seulement un sport. En volant, je n’accomplis pas un exploit. Je me sers simplement d’un mode de locomotion dont on ne peut plus se passer parce qu’il fait partie de la vie moderne. »
 

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LÉON KOCHNITZKY est ainsi parti lundi dernier de Friedrichshafen pour Pernambouc à bord du « Graf-Zeppelin. » Il s’en va en Amérique du Sud faire une vaste tournée de reportages littéraires et de conférences. Le voyage lui-même sera « reporté » par « Candide » tandis que « Les Nouvelles Littéraires » continueront à publier les excellents articles du « Strapontin Volant. »

Toute la tournée – ou presque – sera faite en utilisant le dirigeable ou l’avion. En effet, une fois à Pernambouc, M. Kochnitzky empruntera les lignes de la Compagnie Générale Aéropostale pour descendre jusqu’en Argentine puis gagner la côte du Pacifique en franchissant la Cordillère des Andes. Au-delà du réseau de l’Aéropostale, notre confrère aura recours aux différents services aériens qui fonctionnent en Amérique du Sud, notamment les « Pan-American Airways » pour aller jusqu’en Bolivie et de là au Pérou.

C’est un voyage de trois mois qu’entreprend ainsi M. Léon Kochnitzky, voyage prodigieusement intéressant et qui constitue un bel acte de confiance dans l’Aéronautique Marchande.

Souhaitons bon voyage à notre confrère !
 

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( in Les Ailes, journal hebdomadaire de la locomotion aérienne, douzième année, n° 585, 1er septembre 1932)

 
 

Le « Strapontin Volant » fit donc parvenir ses chroniques aux Nouvelles au fil de ses nombreuses escales sud-américaines : le Brésil (Rio de Janeiro), l’Argentine (Buenos Aires), l’Uruguay (Montevideo), le Chili (Santiago), la Bolivie (Tiahuanaco), et le Pérou (Lima, Arequipa, Potosi, Cuzco, Machu Picchu).
 

Son escale à Montevideo nous intéresse plus particulièrement. Fin lettré, Léon Kochnitzky y mentionne le café littéraire du Vieux-Toupi et, après avoir dressé un court portrait de l’écrivain uruguayen Rómulo Nano Lottero, – qui avait publié trois ans plus tôt Tre poetesse dell’Uruguay, dont la première étude était consacrée à Delmira Agustini, – il évoque le souvenir de Jules Laforgue et de Lautréamont. Il ne manque pas alors de rendre visite aux frères Guillot-Muñoz, – les pionniers de l’exégèse ducassienne, qui retrouvèrent en 1924 l’acte de naissance du futur auteur des Chants de Maldoror – et profite de l’occasion pour se faire montrer le légendaire daguerréotype perdu d’Isidore Ducasse.
 

Après la publication de leur livre Lautréamont & Laforgue (Montevido : A.G.L.P., 1925), ce cliché avait été offert aux deux frères par Mme Jean-Julien Ducasse : alors âgée de 91 ans, c’était la tante par alliance d’Isidore, qu’elle n’avait d’ailleurs jamais connu. Malheureusement, il fut saisi par la police argentine en 1935, lors d’une perquisition politique à leur domicile ; à l’époque, les Guillot-Muñoz enseignaient au Collège français de Buenos Aires. La photographie figurait au nombre des documents saisis et, étrangement, elle ne fut jamais restituée.
 

Il convient de rappeler que les descriptions physiques de Ducasse sont très peu nombreuses ; la plus précise, et sans doute la plus fiable, reste celle recueillie par François Alicot, auprès de Paul Lespès, qui fut son condisciple au lycée de Pau :
 

« J’ai connu Ducasse au lycée de Pau dans l’année 1864. Il était avec moi et Minvielle dans la classe de rhétorique et dans la même étude. Je vois encore ce grand jeune homme mince, le dos un peu voûté, le teint pâle, les cheveux longs tombant en travers sur le front, la voix aigrelette. Sa physionomie n’avait rien d’attirant.

Il était d’ordinaire triste et silencieux, et comme replié sur lui-même. Deux ou trois fois, il m’a parlé avec une certaine animation des pays d’outre-mer où l’on menait une vie libre et heureuse. » (1)
 

En ce qui concerne le daguerréotype des frères Guillot-Muños, ceux qui ont eu le privilège de le voir peuvent se compter sur les doigts d’une main, et leurs témoignages restent extrêmement imprécis. On peut citer cependant Jules Supervielle ; le poète uruguayen Pedro Leandro Ipuche, auteur par ailleurs d’une mince plaquette Isidoro Luciano Ducasse, Conde de Lautréamont, poeta uruguayo (Pena Hnos., Imp. 1926) ; Armand Vasseur, poète ami des deux frères Guillot-Muños, dont la famille fut liée aux Ducasse ; et enfin le peintre Melchor Méndez Magariños qui réalisa deux gravures sur bois d’après la photographie en pied d’Isidore Ducasse, à la demande d’Alvaro Guillot-Muñoz.
 
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Ces deux gravures parurent en septembre 1929, dans le numéro 25 de la revue littéraire La Cruz del Sur ; mais elles ne satisfirent pas Alvaro, qui les jugea « imparfaites. » Comme le souligne Jacques Noizet : « On y devine un adolescent de seize ou dix-sept ans (la photo aurait donc pu être prise en 1862 ou 3), aux cheveux courts, foncés, fort peu ressemblant au jeune homme de la photo retrouvée par Lefrère (vingt-et-un à vingt-deux ans, cheveux châtain clair, bouclés, mi-longs). » Toutes imparfaites qu’elle soient, elles demeurent néanmoins les seuls reflets de cette photographie perdue, en attendant peut-être le jour où le cliché refera surface, aussi mystérieusement qu’il a disparu…
 
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La photographie présumée d’Isodore Ducasse retrouvée par Jean-Jacques Lefèvre dans un album de la famille Dazet

 
 

Au nombre de ces rares témoins, il conviendra donc d’ajouter désormais le nom de Léon Kochnitzky. Sa description est tout aussi imprécise ; mais, même si elles n’ajouteront pas grand-chose à l’exégèse de Lautréamont, les quelques lignes qu’il y consacre nous semblent dégager une réelle émotion et une indéniable puissance évocatrice.
 

MONSIEUR N

 

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LE STRAPONTIN VOLANT À MONTEVIDEO

 

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Le Vieux-Toupi. – Un parent d’Ariel. – « Lautremont » et « Laforge ». – Le lycée français. – Le bachot volant.
 
 

Les cafés littéraires existent à Montevideo. J’en ai visité plusieurs et, pendant une semaine, j’allais m’attabler deux fois tous les jours dans la grande salle du Vieux-Toupi. Le Toupi, c’est-à-dire le Tupi-Namba ou, comme on disait au XVIIIe siècle, le Topinambou. Le vieux Topinambou, c’est le Vachette, la Closerie des Lilas, miraculeusement « sauvés des eaux » et transportés sur la place Independencia, devant la statue équestre d’Artigas, à deux pas de la maison à colonnes où naquit Jules Laforgue.

On dit le Vieux-Toupi pour le distinguer dit Nouveau, café gluant d’or, de fresques, de glaces et de musiques où les poètes s’aventurent sans plaisir.

Parler des Topinambous, des Indiens et des nègres en Amérique Australe, quelle faute de goût, quel manque de tact ! En Uruguay, on peut tout dire : la République Orientale, la plus sage, la mieux gouvernée du continent, la seule dont tous les citoyens sachent lire et écrire, celle qui possède les routes les plus belles, les champs les mieux irrigués, le service sanitaire le plus parfait, n’a pas à craindre les allogènes. On a même l’impression d’une absence qu’on regrette, d’une disparition qu’on déplore. Cette Belgique américaine se sent veuve d’exotisme. Les noirs de Bahia, les Cabocles des campagnes brésiliennes, les Aymaras de la Paz et les Guaranis du nord de L’Argentine lui manquent.

Supervielle rêve de pampas et de gauchos (mais il n’y a plus qu’un seul gaucho en Uruguay et il est en bronze) ; Figari, le fougueux, le cruel Figari doit, pour retrouver les nègres et les négresses qu’il affectionne, se camoufler en « peintre d’histoire » ; et les artistes montévidéens cherchent un refuge au Vieux-Toupi.
 

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Quand Nano Lottero n’est pas en Europe, c’est au café de la place Independencia qu’on le trouve.

« Je n’ai plus vingt ans et cependant j’ai toujours vingt ans. » Ce premier verset de ses Acrobaties peint Nano Lottero.

Autour du monument Artigas, les palmiers tremblent d’aise. Il est deux heures.

Un peu corpulent, la démarche légère, un sourire très jeune contredisant les tempes bientôt grises, Nano Lottero pénètre au Vieux-Toupi, la main tendue vers les amis qui l’attendent, Sera-t-il aujourd’hui poète ou philosophe, jovial ou désespéré ? Se tournera-t-il vers l’Europe qui le fascine, vers Rome dont il connaît les aspects singuliers ou sublimes ? Ou va-t-il évoquer le prodige poétique de l’Uruguay, cette Delmira Agustini, victime, à vingt-huit ans, de son propre génie, morte d’amour, qui sut, elle aussi, teindre le monde d’un sanglant vermillon ?

Il a raison, ce Montévidéen, de célébrer ses « ailes élastiques » : cousin de Falstaff, il est aussi frère d’Ariel.
 

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On n’a guère le temps de fréquenter les cafés littéraires quand on dirige un musée national, quand on est fonctionnaire au ministère des Affaires étrangères.

Aussi ne rencontre-t-on jamais les jumeaux de Montevideo, Gerardo [sic pour Gervasio] et Alvaro Guillot-Muñoz, au Vieux-Toupi. Il faut longer l’une après l’autre les cinq mille maisons de l’avenue Agraciadas pour découvrir enfin la villa couverte de feuillage où don Gerardo conserve la seule image connue d’Isidore Ducasse, comte de Lautréamont.

Nietzsche partait en guerre contre Gœthe et Schiller. Le seul reproche que l’on puisse adresser aux frères Muñoz est celui d’avoir intitulé leur livre Lautréamont et Laforgue. Ce petit ouvrage – encore qu’il soit vieux de huit ans – demeure la seule « source » de tout ce qui concerne la vie américaine du Montévidéen. Les auteurs ont retrouvé l’acte de baptême d’Isidore-Lucien, et ils ont pu, grâce au témoignage de contemporains, esquisser un curieux portrait de François Ducasse, chancelier de la légation de France, explorateur, dandy, positiviste et professeur de littérature. Le père de Lautréamont mourut dans la plus grande misère en 1887.

Mais les frères Muñoz viennent de faire de nouvelles découvertes. Les souvenirs d’un Français, âgé de quatre-vingt-quatre ans et ayant passé près de soixante-dix ans à Montevideo, M. Fontaine, leur permirent d’établir d’une façon certaine que le poète, après un premier séjour en France, était revenu en Amérique du Sud à l’âge de dix-sept ou de dix-huit ans, et y était resté plusieurs mois.

Sous le dur soleil de décembre, Gerardo Guillot-Muñoz m’emmène vers la baie.

Nous longeons des rues en pente ; nous voici au milieu d’un quartier en démolition : un bloc de maisons mal famées, un temple protestant où surnagent des terrains vagues. Devant un tas de décombres, don Gerardo s’arrête : « Ici s’élevait la maison où naquit Isidore Ducasse. » Devant nous, le Rio de la Plata, couleur de sang coagulé…

Un daguerréotype froissé, taché, pâli, on dirait que le farouche visage se voile, s’efface pour ne pas se livrer. Et pourtant ces sourcils, ces lèvres, je crois les reconnaître. Je ne les oublierai plus jamais.

Un maçon travaillait dans la maison des Guillot-Muñoz. Il lui arriva de dire que sa femme était d’origine française et s’appelait Ducasse. La grand-mère de cette femme vivait encore. Ces chercheurs s’en furent la trouver, et ce fut elle qui détacha d’un album de famille « la photo d’Isidore, le neveu de son pauvre mari…. »

Lautréamont était grand. Et sur cette photo de pauvre (ô les luxueux « Nadar » de Baudelaire et de Victor Hugo !), son corps d’enfant poussé trop vite est plus apparent que son visage.
 

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Il existe, dans un lointain faubourg, une rue Lautréamont. Mais tous nos confrères montévidéens ne se sentent point gagnés par le zèle pieux qui anime les Guillot-Muñoz ; il leur arrive de nommer dans leurs articles Laforge et Lautremont. Le nom de Jules Laforgue figure pourtant au programme des cours au lycée français. Et le lycée français, qui compte près de deux mille élèves, est un foyer de rayonnement sans pareil. On n’y parle pas de Lautréamont ? Tant mieux ! Il ne faut pas qu’Isidore Ducasse devienne « un classique » ! Il faut que les jeunes gens le « découvrent, » et que ses dents et que ses ongles s’impriment dans leur chair.

Le vieux François Ducasse fut le premier à enseigner les lettres françaises en Uruguay.

M. Charles Larnaudie qui fonda une importante école française à Montevideo, a bien connu le père d’Isidore-Lucien. M. Paul Larnaudie a succédé à son père dans la direction de l’école qui est devenue, en 1922, le Lycée français, un des « postes de diffusion » les plus puissants que la France possède dans le monde.

Deux fois par an, les avions de l’Aéropostale emportent vers Paris, dûment revêtues de cachets rouges, les « réponses à l’écrit » rédigées par de jeunes bacheliers « nés sur les rives américaines, à l’embouchure de la Plata. »
 

Léon KOCHNITZKY

 

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(in Les Nouvelles littéraires, artistiques et scientifiques, douzième année, n° 547, samedi 8 avril 1933)

 

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(1) Voir à ce sujet l’article « Le vrai visage d’Isidore Ducasse » reproduit sur ce blog.