(Extrait et traduit d’une communication médianimique intitulée : L’Âme de l’homme dans son passé et dans son avenir, obtenue par feu le Médium W. N. Rose, architecte et savant néerlandais très distingué.)
 

–––––

 
 

Nous sommes arrivés maintenant aux limites du règne animal et nous devons passer à la période comprise entre l’animal et l’homme ; bien que nous ne puissions en donner une description complète, nous ne pouvons nous dispenser d’en faire une esquisse rapide. Cette communication est nécessaire parce que les créatures de cette espèce, bien qu’elles aient vécu sur la Terre, se sont déjà éteintes avant les temps historiques, ou pour mieux nous exprimer elles ont été extirpées par les hommes qui vivaient alors.

Les hommes contemporains de ces créatures, lesquelles n’étaient plus des animaux, mais qu’on ne pouvait pas encore appeler des hommes, étaient eux-mêmes peu avancés et pas plus civilisés que les sauvages décrits par les voyageurs. Ils désignaient ces hommes transitifs du nom d’Agénères ou de démons des forêts ; les anciens Germains leur donnaient le nom de Wrangas.

Ils vivaient dans les forêts de l’Europe et de l’Asie ; de grande taille et d’une constitution robuste, ayant presque tout le corps couvert de poils, ils allaient à peu près nus. Ils étaient toujours en guerre avec les hommes, et fréquemment entre eux. Leurs armes se composaient de lourdes masses et de pierres ; ils vivaient dans des cavernes et de misérables cabanes, par petits groupes qui changeaient souvent de campement. De véritables liens de famille n’existaient pas chez ces hordes, de sorte que la plupart d’entre eux ne connaissaient pas de parents ; interrogés là-dessus par les hommes, ils se tiraient d’affaire en disant qu’ils n’en avaient point ; c’est de là sans doute que leur vint la qualification d’Agénères (qui ne sont pas engendrés). C’étaient des voisins très importuns ; ils massacraient les hommes et faisaient violence aux femmes ; leur but perpétuel était de voler du bétail et des effets, et le massacre était leur seul moyen de parvenir à leur but. Malheureusement, le besoin ne les poussait que trop souvent à ce brigandage, car ils avaient appris par les hommes la jouissance des agréments de la vie, mais non les moyens de se les procurer : ainsi, ils savaient bien entretenir le feu avec du bois, mais ils ne savaient pas l’allumer ; ils connaissaient l’usage de la poterie et de la vaisselle de terre, mais ils en ignoraient la fabrication. Lorsque ces choses venaient à leur manquer, ils se réunissaient en grand nombre et marchaient ordinairement pendant la nuit pour surprendre les hommes qui, le plus souvent, devenaient leurs victimes. Ceux-ci avaient de meilleures armes, des lances, des javelots, des frondes et des flèches, mais leurs adversaires étaient beaucoup plus forts et surtout beaucoup plus nombreux. Cela retarda longtemps l’extension de la population humaine.

Mais au fur et et à mesure que l’homme avançait, il trouvait aussi d’autres moyens de défense, inventait de nouvelles ruses, et persévérait dans une guerre sans relâche, où tous les moyens étaient bons pour détruire les Wrangas. Les hommes profitaient surtout des guerres que les Wrangas se faisaient entre eux ; ils se liguaient alors avec un des partis, et remportaient fréquemment par cette alliance la victoire dans la bataille, laquelle se livrait de la manière la plus atroce.

Il n’était pas rare que les Wrangas se nourrissent de chair humaine. Cela arrivait aussi aux hommes de cette époque, mais pas si fréquemment ; de sorte qu’il était d’usage qu’un massacre affreux fût suivi d’un régal abominable. Déjà, dans les temps les plus reculés, l’homme était parvenu à préparer des boissons enivrantes ; le Wrangas ignorait cet art, mais il était follement épris de ses produits, ce qui devint une nouvelle tentation de voler et de piller ; et lorsqu’à un régal il pouvait s’en donner à cœur joie, il finissait toujours par s’enivrer complètement. Les Wrangas ne se doutaient pas que les hommes les épiaient et n’attendaient que le moment propice pour les surprendre ; ils étaient à peine engourdis par le sommeil, que des hommes sortaient de leur retraite et les massacraient sans pitié ; de cette façon, ils furent égorgés par milliers. Tout cela fit fortement diminuer leur nombre, et à la fin ils furent entièrement exterminés ; mais bien qu’ils aient disparu de cette terre, ils existent encore sur d’autres planètes.

Tout comme chez les hommes, il y a plusieurs races de ces créatures ; ces races sont même beaucoup plus nombreuses et diffèrent beaucoup plus entre elles que les races humaines. Celles du dernier échelon ne diffèrent guère des espèces de singes les plus développées, et les plus avancées d’entre elles s’approchent de très près de nos sauvages. Mais sur ces planètes, où les habitants sont beaucoup plus avancés que ceux de la Terre en intelligence et en développement moral, la différence entre un Wrangas et un homme est si grande qu’on est parvenu à les dompter, à les apprivoiser et à les employer à des travaux utiles. Mais ces races de Wrangas sont toutefois très avancées ; bien qu’elles s’approchent des hommes, elles constituent une espèce particulière.

Les Wrangas qui ont vécu en Europe leur étaient bien inférieurs ; et, entre eux et les hommes, la différence est assez grande. Ils étaient formés autrement ; ils avaient les jambes courtes ; les pieds défectueux tenaient encore des mains du singe. Il s’ensuivait qu’ils ne pouvaient pas courir aussi vite que les hommes, mais ils savaient beaucoup mieux grimper ; ils avaient de longs bras, de grosses mains, des figures plates pourvues d’un nez large, bien détaché, à narines rondes ouvertes sur le devant ; un front plat et fuyant ; la barbe et la moustache courtes, dures, hérissées ; la chevelure aussi était rude et dure et dépassait rarement les épaules ; elle environnait la tête en quelque sorte comme la crinière d’un lion ; leur figure était d’une carnation jaunâtre ; ils avaient les yeux plus ronds que ceux des hommes, non obliques, et placés à une distance convenable l’un de l’autre.

La raison pour laquelle ces créatures n’étaient pas des hommes ne provenait pas seulement de leurs formes corporelles ; elle consistait aussi dans l’impossibilité de produire par le croisement des deux espèces une race nouvelle. Les enfants qui provenaient de ces unions mouraient en bas âge, ou, s’ils ne restaient stériles, parvenaient rarement à une deuxième génération. Il se peut aussi que cela ait été causé en partie par une antipathie naturelle qu’ils nourrissaient les uns contre les autres. Quoi qu’il en soit, jamais et nulle part, soit sur cette terre soit sur quelque autre planète, il n’est provenu du mélange de ces deux espèces une race nouvelle ; de plus, la différence dans les qualités de l’âme était importante.

Quant au développement de leur esprit, ces Wrangas se distinguaient par des passions violentes, effrénées ; ils étaient farouches, cruels, vindicatifs, et ajoutaient aux vices des animaux, d’autres que ceux-ci ne connaissent pas, comme le plaisir de ravager, de piller. Ils n’avaient aucune idée d’ordre ou de coutumes ; leurs dépôts étaient des cavernes, des fentes de rocher et des arbres creux, ou bien ils enterraient leurs objets dans le sol.

Ainsi, ils étaient ou dans l’opulence ou dans la pénurie ; dans le premier cas ils étaient intempérants, farouches dans l’autre. La faim et les passions sexuelles les poussaient toujours à des extrémités, ce qui amena incessamment des querelles et des massacres entre eux, et des attaques contre les hommes.

Nous n’avons pas besoin de retracer les propriétés qu’ils avaient en commun avec l’animal, il est clair qu’ils les avaient toutes ; nous devons examiner sous quels rapports ils étaient inférieurs aux hommes.

Leurs facultés créatrices étaient bornées ; ils construisaient des cabanes, mais ils habitaient aussi des antres et des cavernes ; ceci était cependant plutôt l’exception. Ils étaient également trop mobiles d’esprit et aimaient le changement, ce qui les faisait différer des singes ; quelques races menaient une vie nomade ; d’autres voyageaient, poussés par le besoin, et restaient alors plusieurs années dans la même contrée. Il ne se trouve guère de progrès à signaler dans leurs constructions. Ils savaient fabriquer un foyer de pierres grossières et entretenir le feu ; celui-ci s’éteignait-il, ils n’avaient d’autre moyen de s’en procurer à nouveau, que d’en aller chercher chez les hommes. Leurs cabanes prirent souvent feu à cause de leur nonchalance, ce qui amena d’ordinaire des querelles. La force de volonté ne leur faisait pas défaut, mais elle dégénérait aisément en opiniâtreté ; par suite de leur indolence et de leur paresse, une application morale de la volonté, comme elle se montre dans l’empire qu’on a sur soi-même, leur était tout à fait inconnue. Avec une mémoire assez bonne, ils avaient les facultés intellectuelles faibles, la compréhension difficile et se bornant aux choses sensuelles ; le jugement n’était pas beaucoup supérieur à ce qu’on peut appeler préférence ; le choix était toujours guidé par le bien-être matériel ; les comparaisons qu’ils faisaient étaient excessivement défectueuses et toujours incomplètes ; les conséquences qu’ils tiraient de leurs observations ne se montraient que dans leurs actions et étaient d’ordinaire peu intelligentes. Quant à la moralité, dans le sens d’accomplissement d’un devoir, il n’en était jamais question ; il n’existait parmi eux aucune idée de désintéressement ; l’égoïsme le plus absolu, au contraire, fut presque toujours le seul mobile qui les fît agir. Ils avaient pourtant en quelque sorte un bon cœur, quelquefois même envers les hommes, quand ils étaient en paix avec eux ou qu’ils en avaient reçu des services ; mais c’était toujours à la condition qu’ils vécussent eux-mêmes dans l’abondance. Ainsi, leur paresse habituelle, leur indolence et leur insouciance, pouvaient amener une espèce de complaisance qui tenait de la bonté. Dans cette disposition, on pouvait les appeler bons ; mais le moindre incident donnait lieu à des emportements soudains et terribles ; alors, ils se déchaînaient comme des furieux ; dans cet état, ils étaient capables de tout : maltraiter, massacrer tout ce qui leur tombait sous la main était alors leur coutume. Rien n’était à l’abri de leur fureur, pas même leurs femmes et leurs enfants. Ceux-ci, dans ce cas, prenaient ordinairement la fuite pour ne plus revenir, de sorte qu’ils étaient séparés à jamais ; de tels événements n’étaient pas rares : l’homme se souciait peu de la femme et encore moins des enfants, et ignorait le plus souvent si c’étaient les siens qu’il avait auprès de lui ; cela ne lui importait guère. Quand il était dans l’abondance, les distributions de vivres étaient larges ; s’il y avait disette, il prenait tout pour lui ; s’il n’y avait rien, il fallait chercher de quoi se nourrir ; toutefois, il aimait mieux s’en emparer par le vol ou le brigandage, même chez ses voisins ; ne parvenait-il pas à s’en procurer, il tuait une des femmes ou un des enfants, et s’en nourrissait.

Rarement, chez ces races, il y avait des lois ; chacun faisait ce qu’il lui plaisait ; toutefois, chez les races les plus avancées, il y avait une espèce de convention, orale naturellement, qui se bornait à quelque coopération ou à l’obligation de s’abstenir de certains actes ; le gouvernement se composait de quelques chefs qui étaient élus temporairement, parfois seulement pour quelques jours.

La polygamie était générale et naturelle, parce qu’il y avait beaucoup plus de femmes que d’hommes, suite des batailles incessantes où les hommes périssaient en grand nombre. Les vainqueurs s’emparaient alors des femmes et des enfants des vaincus, faisaient un grand régal ; leurs mets consistaient principalement en chair humaine ; les femmes et les enfants y prenaient part, et se nourrissaient ainsi quelquefois de la chair de leur père, de même que plusieurs d’entre eux devaient servir plus tard de nourriture à d’autres.

Ils n’avaient aucune notion du bien ni du mal ; ils étaient extravagants dans leurs expansions et ne reconnaissaient le mal que pour autant qu’ils en souffraient, c’est-à-dire lorsqu’il avait pour eux une suite fâcheuse, et sans considérer le motif ou l’intention. Un mauvais dessein n’était pas du mal. Ils faisaient le mal impunément, lorsque dans leurs attaques ils ne rencontraient pas de résistance ou qu’ils échappaient à la vengeance ; il n’y avait donc de mal que pour celui qui le subissait. Du reste, ils ne parlaient jamais de ces choses ; d’ordinaire, ils parlaient peu et n’énonçaient leurs impressions, qui étaient toujours de nature sensuelles, que par des sons grossiers.

L’idée d’une vie supérieure et quelques notions de l’éternité étaient encore bien loin de leur conception. Il restait donc pour l’homme futur encore beaucoup à développer.

Les hommes transitifs sont distribués sur un grand nombre de planètes et ils diffèrent beaucoup les uns des autres.

Il y en a qu’on pourrait prendre pour des singes d’une espèce avancée, et d’autres qu’on considérerait comme des hommes sauvages grossiers et bornés. Sur quelques planètes, ils constituent, aux animaux près, la population entière. De même que, sur cette Terre, l’homme est la créature la plus avancée, les hommes transitifs le sont sur d’autres planètes. Mais il y a aussi des mondes où les êtres les plus développés nous sont de beaucoup supérieurs. Sur ces planètes, où les hommes transitifs sont placés sous l’autorité de ces hommes plus avancés que nous, on les trouve réunis en sociétés, apprivoisés, gouvernés et parvenus à un degré de développement qui les rend propres à l’incarnation humaine. Ce degré de développement existe aussi sur d’autres planètes de rang inférieur ; là, on peut même signaler les degrés différents de développement, et, quoique la différence soit peu sensible, les espèces supérieures sont évidemment distinctes des inférieures.

En attendant, le principe spirituel a progressé chez ces hommes transitifs. Il contient déjà distinctement les germes de l’âme humaine ; le périsprit est plus développé et commence à acquérir les qualités du périsprit humain. La volonté s’est affranchie en quelque sorte et il commence à acquérir quelques notions de responsabilité. Toutefois, le progrès consiste principalement dans le périsprit et dans la conscience d’une vie d’esprit incorporel qui commence. Chez les animaux, cela n’existe pas ; le principe spirituel passe immédiatement dans un animal de la même ou d’une plus haute espèce ; mais cela ne se fait plus chez les hommes transitifs ; pour eux, il y a une vie errante d’esprit incorporel, mais très courte en comparaison de celle des hommes ; le temps de la vie errante augmente à mesure que les espèces et les races progressent, et peut même durer bien longtemps dans la dernière période que doit traverser l’esprit avant de s’incarner dans l’humanité.

Cependant, bien que le principe spirituel des hommes transitifs soit parvenu à la condition d’esprit incorporel, leurs organes spirituels sont encore très défectueux. Ils se sentent presque tous malheureux dans cet état ; ils ne savent pas agir ; ils n’ont de leur condition qu’une conscience vague, mais la mémoire de leurs souffrances les suit dans leur première existence humaine. De là, chez les sauvages, ces idées vagues d’une vie d’outre-tombe et la crainte des souffrances qui peut-être les attendent. D’autres ont été plus heureux et apportent des idées qui font naître une meilleure distinction du bien et du mal, et la conscience vague qu’ils ont la faculté d’agir dans l’un ou l’autre sens ; de là naît le désir d’un état meilleur et aussi une aspiration plus élevée, un besoin de secours et de protection contre le mal qui les menace du dehors, et une conviction qu’ils ne peuvent pas obtenir cette protection gratuitement, mais qu’ils doivent tâcher de s’en rendre dignes. Ces détails nous ont transportés déjà dans le règne des hommes et nous font entrevoir chez les races inférieures la germination du sens religieux. (Revue Spirite Néerlandaise) – Médium M. Rose.
 
 

 

–––––

 
 

(in Revue spirite, journal d’études psychologiques, vingt-quatrième année, n° 3 et 4, mars et avril 1881)