Photographie de M. A. K. Jones de Johannesburg
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UN MONSTRE EXTRAORDINAIRE
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Il a été découvert sur la côte du Natal
Il ne s’agit pas du légendaire serpent de mer que, depuis une éternité, des marins et des passagers de toutes les nations assurent avoir vu dans toutes les mers, notamment dans le Pacifique, suivre les navires, les dépasser, s’ébattre dans les eaux et enfin disparaître. Il s’agit bel et bien d’un animal extraordinaire ; on dirait un monstre antédiluvien que la nature, semble-t-il, a eu le caprice de laisser survivre au cataclysme pour exciter la curiosité des habitants postdiluviens de la Terre. Et la preuve que cet animal existe et qu’il n’a pas été créé par l’imagination d’un fumiste, d’un hurluberlu quelconque, c’est qu’il a été photographié et que nous en aurons bientôt les clichés photographiques.
Voici les faits tels qu’ils sont télégraphiés de Natal, en Afrique, au Daily Mail de Londres.
La première nouvelle qui annonçait l’apparition du monstre a été publiée par un journal de la localité, d’après une lettre de M. Ballance, un habitant du pays, homme sérieux, qui a pris la photographie de l’animal.
« Le 25 octobre au matin, raconte M. Ballance, j’ai vu deux cachalots lutter contre un monstre marin à une distance de mille mètres environ de la côte. J’ai pris mes jumelles et je fus fort étonné de voir un animal qui ressemblait à un ours polaire, mais de taille énorme, comme un éléphant. J’ai remarqué que ce monstre se levait jusqu’à une hauteur de vingt pieds au-dessus de l’eau et attaquait à plusieurs reprises les cachalots, mais ses coups ne semblaient pas efficaces. »
M. Ballance assista, durant trois heures, à cette lutte terrible. Peu à peu, les combattants s’approchèrent de la côte et il a vu, à la fin, que la victoire semblait rester du côté des cachalots, car le monstre blanc flottait entre les eaux, inerte. Une heure après, les cachalots s’en allèrent et la marée poussa le monstre vers la côte.
« À ma grande surprise, dit M. Ballance, j’ai vu que tout le corps du monstre était couvert de poils longs de huit pouces et blancs, exactement comme les poils des ours polaires. »
Et le reste au récit de M. Ballance est plus extraordinaire encore. Jugez-en :
Le lendemain matin, M. Ballance se rendit sur la côte et y trouva le monstre étendu sur le sable. Il le mesura. Cet animal, de la tête à la queue, avait une longueur de quarante-sept pieds. La queue était longue de dix pieds et avait une largeur de deux pieds. Et là où devait être la tête, l’animal avait une espèce de tronc, d’un diamètre de quatorze pouces et d’une longueur de cinq pieds, se terminant en un museau comme celui du porc. L’épine dorsale était très proéminente et, comme nous l’avons dit, tout le corps couvert de poils blancs.
Et M. Ballance tombe d’étonnement en étonnement. Nous aussi avec lui. Pendant dix jours, M. Ballance se rendit sur le rivage. Le monstre blanc restait toujours là, une masse inerte. Le onzième jour, M. Ballance s’attendait à trouver un cadavre, empestant l’atmosphère. Étonné, surpris, ahuri, il constata que l’animal avait disparu. Il questionna quelques indigènes qui se trouvaient là. Ils répondirent que, pendant qu’ils pêchaient ce matin-là, ils virent le monstre se promenant tranquillement sur le rivage et puis s’avancer dans l’intérieur du pays et disparaître.
Cette histoire n’est pas un poisson d’avril. Nous sommes encore au mois de décembre. Est-ce un rêve ? On le croirait, mais les photographies existent. M. Ballance a pris plusieurs clichés du monstre pendant qu’il gisait inerte sur le sable.
Il nous tarde de voir ces photographies, et, si le monstre existe réellement et se balade actuellement sur la terre ferme, – à moins que le goût ne lui vînt de faire encore un plongeon dans la mer bleue, – de connaître l’opinion des savants sur ce phénomène.
C. CHRISSAPHIDÈS
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(in Le Gaulois, journal de la défense sociale et de la réconciliation nationale, n° 17253, mardi 30 décembre 1924)
L’article original, s’appuyant sur le récit de Hugh Ballance, est paru dans le London Daily Mail, le 27 décembre 1924. Cette créature, surnommée depuis « trunko » par les cryptozoologistes, a fait l’objet d’un autre article dans le Rand Daily Mail en juillet 1925, puis dans le Wide World Magazine en août de la même année, illustré cette fois de deux photographies d’A. K. Jones.
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Article du Wide World Magazine d’août 1925
[découvert par Markus Hemmeler, collection de Richard Holland]
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Quatrième photographie de la carcasse du trunko, découverte dans les archives du Margate Museum par Bianca Baldi, en mars 2011