LANDRU1
 
 

Conseils utiles.

 
 

I

 
 

Quand vous aurez commis un crime,

Il faut d’abord, premièrement,

Tout de suite et rapidement,

Fair’ disparaître la victime.

Il faut faire premièrement

Disparaîtr’ ce témoin gênant.

Ne le j’tez pas dans la rivière,

Ne l’ensevelissez pas au sein de la terre :

Ce truc-là, c’est un four ;

Sans prév’nir de son r’tour,

L’cadavre, à tous les yeux, r’paraît un jour.

Ne le j’tez pas dans la rivière ;

Ne l’ensevelissez pas au sein de la terre :

Il reparaît un jour ;

Au Dépôt l’on vous fourr’ ;

Fait’s le plutôt cuir’ dans un four.

 
 

II

 
 

Pour incinérer un cadavre,

Le moyen est simple, vraiment.

Ça peut se faire également,

À Paris, aussi bien qu’au Havre !

Le moyen est simple vraiment,

À la porté’ d’un petit enfant.

Vous découpez l’homme ou la femme

En petits morceaux, que vous jetez dans la flamme.

Si votre voisin dit

Que « ça sent le roussi, »

Vous le traitez de « buse » ou « d’abruti. »

Vous découpez l’homme ou la femme

En petits morceaux que vous jetez dans la flamme.

Si votre voisin dit

« Que ça sent le roussi, »

Vous dit’s : « C’est mon beefsteak qui cuit ! »

 
 

III

 
 

Tranquillement, vous laissez cuire,

Pendant un mois consécutif.

Surtout ne soyez pas hâtif ;

Laissez patiemment la chair frire.

Laissez cuir’, sur un feu très vif

Pendant un mois consécutif.

P’tit à p’tit, les chairs d’viendront tendres ;

Et puis après, elles se réduiront en cendres.

Saisissez aussitôt

Votre cuiller à pot ;

Fouillez dans l’poêle et servez le gâteau.

P’tit à p’tit, les chairs d’viendront tendres ;

Et puis après, elles se réduiront en cendres.

Saisissez aussitôt

Votre cuiller à pot ;

Fouillez dans l’poêle et servez chaud.

 
 

IV

 
 

Si la police vous demande

Ce qu’est devenu le corps mort,

Répondez : « C’qui cuisait si fort,

Cher monsieur Kuehn, c’est d’ la viande ; »

Répondez : « C’qui cuisait si fort,

C’était du beefsteak de croqu’mort ! »

En prison laissez-vous conduire ;

Par-dessus tout, gardez-vous bien de ne rien dire ;

Car en suivant bien cett’

Merveilleuse recett’

Vous serez sûr de sauver votre têt’ !

En prison laissez-vous conduire ;

Par-dessus tout, gardez-vous bien de ne rien dire.

En suivant ma recett’

Vous sauv’rez votre têt’ ;

Vous n’ s’rez condamné qu’à perpèt’ !

 
 

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(Jules Jouy, La Muse à Bébé, chansons pour les enfants, dédiées aux grandes personnes, Paris : Ernest Flammarion, 1892. « Landru, » affiche de Charles Verschuuren, c. 1921-22 ; Le Petit Journal, n° 1612, 13 novembre 1921)

 
 
 
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