Pour nos sens maladifs voluptueusement

Les sens et les couleurs s’échangent. Les voyelles

En leurs divins accords, aux mystiques prunelles

Donnent la vision qui caresse et qui ment.

 

A claironne vainqueur en rouge flamboiement ;

E, soupir de la lyre, a la blancheur des ailes

Séraphiques. Et l’I, fifre léger, dentelles,

Dentelles de sons clairs, est bleu célestement.

 

Mais l’archet pleure en O sa jaune mélodie,

Les sanglots étouffés de l’automne pâlie,

Veuve du bel été, tandis que le soleil

 

De ses baisers sanglants rougit encore les feuilles.

U, viole d’amor, à l’Avril est pareil :

Vert, comme le rameau de myrte que tu cueilles.

 
 

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(E. Vigié-Lecoq, in La Poésie contemporaine, Paris : Mercure de France, 1897 ; caricature de Luque pour Les Hommes d’aujourd’hui, n° 318, consacré à Arthur Rimbaud, janvier 1888)